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Pourquoi est-il si difficile de quitter la politique pour un homme politique ?

Muriel Lefevre

Didier Reynders ne sera pas Président du Conseil de l’Europe, mais personne ne croit que le Vice-Premier va rester assis dans son canapé. C’est une habitude tenace chez les politiciens de haut niveau: reporter sine die la fin de leur carrière avec un énième, et souvent plus petit, mandat. Pourquoi la plupart sont-ils incapables de partir en beauté, lorsqu’ils sont encore auréolés de gloire ?

Reynders a profité de son retrait de la scène nationale pour se lancer dans un lobbying intense pour sa candidature pour la présidence du Conseil de l’Europe. Un flop. Un échec d’autant plus douloureux, qu’en 2014, le poste de commissaire européen lui était déjà passé sous le nez. Un poste en or perdu dans les méandres d’une nuit de négociation et qui verra Marianne Thyssen remporter la mise. Cette nuit va aussi faire une autre victime: Kris Peeters. Il devait être le nouveau premier ministre. Il ne sera que vice-premier. A cela va s’ajouter la lourde défaite personnelle aux communales d’Anvers et c’est un peu la tête basse qu’il a rejoint les rangs du parlement européen la semaine dernière.

Didier Reynders et Marija Pejcinovic Buric, la nouvelle secrétaire générale du Conseil de l'Europe pour cinq ans
Didier Reynders et Marija Pejcinovic Buric, la nouvelle secrétaire générale du Conseil de l’Europe pour cinq ans© Belga

Ces deux hommes sont connus comme étant des « candidats à tout » dit De Morgen. Tout au long de leur carrière, ils ont toujours été à la recherche d’un autre poste. Ils ne sont cependant pas les seuls puisque Wouter Beke se cherche un petit quelque chose qu’il pourra , et ça tombe bien, choisir lui-même en tant que président de parti. Crombez (SPA), lui aussi mise sur plusieurs chevaux en même temps. La moitié de la rue de la loi est d’ailleurs actuellement à la recherche d’un nouveau mandat. Car beaucoup sont tout simplement incapables de tirer un trait sur leur carrière politique. « Contrairement à ce qui est souvent dit, ce n’est pas le pouvoir qui leur manque, mais bien de ne plus être au centre des attentions », selon Karel De Gucht. Lui, ancien vice-premier ministre et ancien commissaire européen, y est pourtant parvenu puisqu’en 2014, à l’âge de 60 ans, il quitte la scène politique de son plein gré. Il est un des rares à être parti en beauté et à son apogée. On peut dire que Didier Reynders (MR) et Kris Peeters (CD&V) ne semblent pas suivre son exemple. Et que dire de Charles Michel qui est mentionné comme un potentiel nouveau président européen ?

La politique, un métier

Bien qu’enchaîner les mandats comme des perles nourrit le climat antipolitique actuel, ce n’est pourtant pas, en soi, une si mauvaise chose. Comme l’explique le politologue Bram Wauters (UGent) toujours dans De Morgen : « la politique est un métier. Il faut quelques années avant d’avoir construit un réseau et une connaissance suffisante des dossiers ». Et quel citoyen voudrait laisser un parlement ou un gouvernement ou un poste européen d’envergure à de complets néophytes ? Pas grand monde. Dans cette optique on pourrait même dire qu’il est souhaitable qu’un politicien ait une longue carrière et cela explique aussi pourquoi beaucoup ont fait de la politique leur travail.

« Dès lors pourquoi cela fait-il grincer autant de dents lorsque les politiciens expérimentés franchissent l’étape suivante de leur carrière? Pourquoi la délectation de voir Reynders échouer dépasse de loin le regret d’une occasion manquée pour la Belgique d’occuper un poste européen d’envergure ? » se demande encore De Morgen.

Cela serait dû à une dualité psychologique spécifique au Belge, selon le professeur d’économie Wim Moesen (KU Leuven). « D’un côté, on est horrifié par les nominations politiques et tout ce qui nous semble être du népotisme. Et de l’autre nous ne faisons guère mieux en tant qu’individu ». Moesen qualifie cela de capital civil. Soit c’est la mesure dans laquelle un peuple fait preuve d’un sens de la responsabilité civique et en attend autant de ses dirigeants. Or la Belgique obtient traditionnellement de faibles résultats à cet égard : sur 21 pays, la Belgique n’est qu’au 15e rang. Ce qui aurait tendance à prouver que le Belge ne brille pas par son intransigeance face aux magouilles politiques. « Nous avons une mentalité où tout est possible, tant que vous n’êtes pas pris », dit encore Moesen. En d’autres termes, nous ne pouvons guère nous attendre à ce que les politiciens soient irréprochables si notre propre attitude laisse à désirer.

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