« Pourquoi Charles Laurel Michel s’est-il collé à Bart Oliver Hardy ? »

Avocat et écrivain, auteur et chroniqueur, Alain Berenboom est depuis des années l’un des observateurs les plus fins de l’évolution du pays, à tous les étages. Voici ce que lui a inspiré la lecture de l’ouvrage d’Olivier Mouton, Le jeune Premier (éditions Racine), consacré à l’itinéraire du Premier ministre MR.

Par Alain Berenboom

Si Ecolo était encore au gouvernement, personne n’aurait osé imprimer une biographie de Charles Michel. Sacrifier une forêt pour ça ? Mais nous sommes dans une époque cynique où une chanteuse publie ses mémoires à 19 ans, un génie des échecs à 14 ans. Alors, pourquoi pas la vie et les oeuvres de Michel junior, le jeune premier depuis un an ?

J’avoue que j’ai eu un peu de mal à l’idée de me plonger dans cette histoire. J’ai pourtant des tas de chouchous chez les juniors : Harry Connick Jr, Sammy Davis Jr, Kurt Vonnegut Jr. Mais de tous ces génies, qui connaît le père ? On se dit même que ce « Jr » accolé à leur nom n’est qu’une afféterie, qu’ils n’ont pas de famille, qu’ils sont sortis de rien pour atteindre les étoiles. Alors que chez les Michel, il n’y a que la mère Michel qu’on ne connaît pas.

Michel, c’est un nom tellement neutre, si banal, qu’on l’imagine discret, un fantôme – quoique le senior ait déjà beaucoup fait pour prouver le contraire.

S’il était né quelques années plus tard, Charles aurait pu adopter le nom de sa mère. Elle s’appelle Pierre. Cela aurait-il aidé Charles davantage que Michel ? Pas sûr. On voit déjà comment Bart l’aurait traité dans les moments de tension : Zwarte Piet !

Ah ! Bart, justement. Impossible d’évoquer Michel Jr sans parler de Bart. Ces deux-là sont dans l’imaginaire collectif aussi liés et aussi dissemblables à la fois que Laurel et Hardy. C’est à se demander si le fameux régime alimentaire auquel s’est astreint Bart n’avait pas pour but de maquiller cette différence, le temps d’une législature, la fameuse législature sans communautaire, promis-juré, si je mens, je vais en enfer. On remarquera en effet que depuis qu’il a cessé de se goinfrer, c’est Bart qui a adopté la silhouette de Laurel et non Charles celle de Hardy…

Le récit d’Olivier Mouton décode subtilement les dessous de ce duo improbable. Pourquoi Charles Laurel Michel s’est-il collé à Bart Oliver Hardy ? Le hasard d’un grand vide politique soudain ? Les mauvais calculs d’un Elio, persuadé qu’aucun francophone n’oserait se passer de Lui ? Selon le journaliste, ces arguments ne sont qu’accessoires. La vérité est dans les complexités du personnage et ses frustrations. Junior voulait à tout prix prouver que Charles Pierre n’avait pas besoin de Louis Michel pour devenir le Premier.

Louis était arrivé au pouvoir en nouant une alliance (qu’il croyait indéfectible) avec les socialistes ? Charles fait juste le contraire. D’autant qu’il a une revanche à prendre sur ces socialistes qui l’ont canardé lors de son premier mandat de ministre (dans le gouvernement wallon) avant de le rejeter, lui et son parti, dans l’opposition malgré un accord scellé devant notaire.

On prenait Junior pour le fade, le second rôle, face à Didier Reynders, l’écrasante figure du MR alors que le serial killer, c’était lui, Gunman Charlie Jr. Comme on l’a compris après les dernières élections. Sa façon de parler aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. S’il bousculait les mots chaque fois qu’on l’interrogeait, qu’il en mettait trois fois plus que les autres dans la même phrase, ce n’était pas pour convaincre. C’était pour tuer. Il avait compris que s’il voulait se faire une place dans le saloon, il devait s’imposer à la mitraillette alors que les autres ne portaient que des revolvers.

Après un an de pouvoir, on ne connaît pas encore Charles Michel – même si on en apprend beaucoup par le livre d’Olivier Mouton, excellent décodeur de sa langue de bois. Mais on découvre qu’il n’est plus seulement l’Agnan du Petit Nicolas, le premier de classe qui frotte la manche du prof. Il est aussi devenu Alceste, le gourmand. L’appétit vient en mangeant.