Karl van den Broeck

« Pourquoi Bart De Wever ne peut rester président de la N-VA »

Karl van den Broeck Rédacteur en chef du site d'informations Apache

« Que penser d’un bourgmestre qui se rend à l’anniversaire du commanditaire d’une agence immobilière en compagnie de ses échevins? » Voilà ce qu’écrit Karl van den Broeck, rédacteur en chef du site d’informations Apache, après le dîner du conseil communal chez l’homme d’affaires controversé, Erik Van Der Paal.

Rien de mal à cela, me diriez-vous. Un bourgmestre doit rester en contact avec les entrepreneurs, non ? Et s’il se trouve que ce bourgmestre a fait des promesses au (co)propriétaire de cette entreprise lors d’une réunion lobby il y a plusieurs années ?

Et s’il se trouve qu’il est propriétaire d’un fonds de pension lié au parti concurrent (comprenez l’ennemi juré) du parti du bourgmestre ? Et que doit-on penser quand il se trouve que cet ami du bourgmestre est copropriétaire du groupe immobilier en question ?

Il n’y a pas que ça

Que penser d’un bourgmestre qui engage un chef de cabinet qui travaillait pour la firme de son ami immobilier ? Que penser d’un bourgmestre qui, avec son collège d’échevins, fait fi d’avis unanimes et autorise à la même firme à construire une tour beaucoup plus élevée que permis dans la ville? Et qui ainsi remplit le tiroir-caisse de son ami immobilier et du fonds de pension de « l’ennemi » ?

Que penser d’un bourgmestre et de ses échevins qui veulent confier de grandes parcelles de terrain à la même firme et à de conditions très favorables pour réaliser un nouveau projet ?

Que penser quand cette même firme immobilière et l’ex-chef de cabinet du bourgmestre intentent un procès à un site d’informations – Apache – parce que celui-ci publie des révélations sur tous ces faits ?

Toute personne bien-pensante conclurait qu’il y a un problème. Mais quand on cite le nom de Bart De Wever, les discussions s’interrompent. Lui ne commente pas les révélations, même quand on diffuse des images de la fête, ou que nous publions des documents authentiques qui prouvent nos informations. Le reproche qu’Apache est un « média calomnieux » vient de lui.

Siegfried Bracke

Remplacez son nom par celui de n’importe quel autre politique de ce pays et les conséquences seraient incalculables. Les affaires de ces derniers mois, sur les jetons de présence de politiciens locaux, concernent des montants beaucoup moins élevés que les millions que Land Invest Group (le groupe immobilier en question) pourrait tirer des projets immobiliers approuvés par Bart De Wever et son collège d’échevins. À contrecoeur.

Siegfried Bracke a mis le bourgmestre gantois Daniël Termont (SP.A) sur le grill à juste titre parce qu’il est allé boire du champagne sur le yacht du patron d’Optima Jeroen Piqueur. Confit d’intérêts ! Que De Wever ait également rendu visite à Piqueur et que les liens entre Land Invest Group et Optima aient été très étroit n’a presque pas été révélé. Fait divers !

La N-VA laisse des gens comme Geert Versnick et Luc Van den Bossche, dont les noms sont cités dans le dossier, en paix. À la Chambre, dans les communiqués de presse, sur les réseaux sociaux et aux réunions de parti De Wever et ses partisans fulminent contre « la culture de pillage », surtout au PS.

Qu’en 2011 De Wever ait déroulé le tapis rouge pour les accords immobiliers lucratifs lors d’une réunion de lobby avec le fonds de pension dominé par le PS, est resté secret. À la tête de ce fonds de pensions, on trouve ou on trouvait des gens comme Stéphane Moreau et Alain Mathot, qui sont absolument opposés à tout ce que représente la N-VA. Ou devrait représenter.

Bruneau

Soudain, beaucoup de choses sont devenues claires. Pourquoi la N-VA a refusé de lever l’immunité d’Alain Mathot quand il a été accusé de corruption passive par exemple.

Si on étudie tous les faits révélés par Apache au cours de ces dernières années, on dirait une mosaïque anecdotique ou un écheveau compliqué. Mais si on regarde tout ça de manière un peu pragmatique et qu’on relie les faits entre eux, il semble question d’un plan astucieux.

Est-ce un hasard si Jean-Claude Fontinoy est également apparu à l’anniversaire de l’ami de Bart De Wever (Erik Van der Paal) ? N’était-ce pas lui qui – avec le lobbyiste Koen Blijweert et le président de la Chambre Siegfried Bracke – a mis Bart De Wever en contact avec Didier Reynders et Louis Michel, lors du fameux dîner au restaurant bruxellois Bruneau?

Sérénité

D’après le professeur Herwig Reynaert (Université de Gand), il n’y a pas de problème à ce que des bourgmestres et des échevins se rendent à la fête d’un promoteur immobilier. Indépendamment du contexte, il pourrait avoir raison. Mais il ne s’agit pas d’une discussion académique et dans ce dossier le contexte joue un rôle important. Pour Reynaert, la situation ne devient problématique que « s’il y avait un lien clair avec des dossiers concrets et des procédures. »

Le professeur aurait du mérite à étudier les dossiers publiés par Apache sur les liens étroits entre Land Invest Group, Ogeo Fund et le conseil communal anversois. Cela le ferait changer d’idée.

Bientôt, le conseil communal anversois devra trancher d’autres noeuds à propos du projet Slachthuissite. Land Invest Group est prêt et il y a de nouveau beaucoup de critiques contre la procédure d’adjudication. Ne serait-ce que pour garder la sérénité de ce dossier, Bart De Wever et co auraient intérêt à ne pas se montrer aux fêtes de commanditaires de Land Invest Group.

Si De Wever était commissaire européen, il serait dans ses petits souliers. À l’Europe, les politiques sont surveillés beaucoup plus attentivement et ils doivent signaler leurs contacts avec des lobbyistes.

Si aux Pays-Bas un bourgmestre paraissait à la fête privée d’un agent immobilier, les quotidiens seraient remplis et le conseil communal exploserait. Et que penser de ce pauvre juge d’instruction retiré de l’affaire Dutroux pour avoir mangé un spaghetti au mauvais endroit ? On appelle cela un soupçon de partialité.

Pourquoi Bart De Wever ne peut rester président de la N-VA

Trop louches

Le week-end dernier, Bart De Wever a été réélu à la tête de la N-VA. Pourtant, il aurait mieux fait de renoncer à un cinquième mandat.

Comment son parti peut-il encore être partir en guerre contre le PS en 2018 et 2019 et rester crédible, quand on sait que son président s’entend comme larrons en foire avec des personnages que même le président du PS Elio Di Rupo et la direction actuelle du parti trouvent trop louches pour être membres du parti ?

Comment passent désormais les critiques contre les « voleurs », les « magouilleurs », les « preneurs de postes » qui ont amené notre pays au bord du précipice quand le président lui-même participe à des réunions de lobby et entretient des contacts des plus cordiaux avec des gens comme Moreau et Mathot?

Qui peut encore plaider pour la force du changement s’il est devenu un instrument docile de l’ancienne culture politique ?

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