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 » Pour compter, ecolo doit se stabiliser autour de 15 % « 

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

L’ancien président de la commission Finances s’intéresse beaucoup au tax-shift et aux sujets fiscaux, mais aussi, et surtout, à l’avenir de son parti qui, pour lui, doit se recentrer sur les vrais combats.

Le Vif/L’Express : Vous avez beaucoup critiqué le tax-shift. Qu’est-ce qui vous gêne le plus, finalement, dans ce virage fiscal ?

Georges Gilkinet : Son financement. Le tax-shift est un transfert de fiscalité, censé favoriser l’emploi. Cela doit être financé. Or, le volet recettes est construit sur du sable. La Commission européenne, le Conseil d’Etat et la Cour des comptes l’ont relevé. On peut y voir de l’amateurisme de la part du gouvernement qui pratique la pensée magique :  » Ça va aller  » ! On peut aussi y voir l’intérêt des nationalistes flamands qui se réjouiront demain de voir l’Etat fédéral en déficit, donc en difficulté.

Le MR et le CD&V ferment les yeux sur cet intérêt des nationalistes ?

Apparemment, oui. Et c’est, pour moi, une énigme. On dirait qu’ils sont juste heureux d’être là, au sein de la coalition.

Si vous deviez, malgré tout, donner des bons points au gouvernement ?

La note du ministre des Finances sur la lutte contre la fraude fiscale m’a agréablement surpris, mais il n’est pas soutenu par la majorité… Sinon, le travail du ministre Willy Borsus (MR) en faveur des indépendants est intéressant, outre le tape-à-l’oeil. Il continue ce qu’avait entrepris Sabine Laruelle. Kris Peeters (CD&V), lui, essaie de sauver ce qu’il peut en termes de concertation sociale et de solidarité, mais ça devient pathétique.

Ecolo va bien ? La défaite de 2014 est-elle digérée ? Comment envisagez-vous 2016 ?

Le temps de la digestion touche à sa fin. Le scrutin de 2014 a eu un dur impact sur les personnes, les moyens de fonctionnement et le moral des troupes. On a entamé un gros travail d’écoute de la société civile en 2015 pour penser notre programme des prochaines élections. Se mettre autour de la table et chercher des solutions et des idées, ce sont des choses que les écologistes font très bien.

Quel objectif pour les élections communales de 2018 ?

A titre personnel, je pense que, pour compter dans le débat politique, un parti Ecolo francophone doit se stabiliser autour de 15 %, avec des pointes au-delà de ce seuil. De toute façon, nous réussirons en 2018 et 2019, pour les législatives, si nous suivons notre propre ligne, sans dépendre des autres.

Une ligne forcément de gauche ? La coprésidente du parti, Zakia Khattabi, a dit qu’Ecolo était l’avenir de la gauche. D’accord ?

Ce sera une ligne progressiste sur le plan fiscal et social, mais surtout une ligne verte qui défend les fondamentaux d’Ecolo, à savoir le renouvellement de la démocratie, la défense de la planète et la redistribution plus juste des richesses. Sur le plan environnemental, sur le nucléaire, sur la transparence démocratique, avec notamment la question du cumul des mandats, cela ne se joue pas sur un axe gauche – droite, mais plutôt Ecolo ou pas Ecolo. Les clivages sont plus complexes que gauche et droite. Nous visons l’émancipation des citoyens, mais nous ne pensons pas que dépendre toute sa vie de la sécurité sociale est un projet de vie satisfaisant.

Les Verts allemands restent une référence ?

Oui. Il y a chez eux une continuité dans le combat qui doit nous inspirer. Ils ont un cap et ne le lâchent pas. Ils ont obtenu la sortie du nucléaire. En Allemagne, personne ne le remet en cause.

Qu’est-ce qui manque à Ecolo pour avoir cette force-là ?

Il faudrait peut-être mieux faire la différence entre l’essentiel et l’accessoire. Avoir une ligne plus claire autour de combats très lisibles.

Ecolo souffre d’une défection parmi les jeunes, alors qu’historiquement, c’était le parti préféré des moins de 30 ans. Ecolo ne fait plus rêver ?

Oh, nous avons une bonne base de jeunes qui ont des idées et des tripes, comme ceux qui ont remis symboliquement un billet d’avion pour Alep, en Syrie, à Theo Francken… Mais effectivement, nous devons mieux rallier certains publics, que ce soit parmi les jeunes, les mouvements associatifs, le secteur socioculturel, les syndicats, le monde de l’enseignement. Nous devons y consacrer plus d’énergie. Une énergie sans doute un peu perdue quand nous gérions les affaires publiques. Il y a des cycles en politique, même si l’opposition n’est pas une fin en soi.

Le duo Zakia Khattabi – Patrick Dupriez, une coprésidence efficace ? Meilleure que la précédente ?

Ils font leur boulot. Ils ont besoin de temps pour avoir de la reconnaissance médiatique. Pour le reste, je ne vais pas faire le guide Michelin des coprésidences. Je pense que, cette première année, Zakia et Patrick ont dû beaucoup travailler la cohésion interne et l’organisation du parti. Le temps est venu de se tourner vers l’extérieur pour montrer ce qui ressort de ces cogitations.

Lorsqu’Emily Hoyos a quitté la politique, vous avez dit :  » Il n’y a pas que ça dans la vie !  » Vous pourriez quitter facilement la politique ?

Non, c’est un engagement difficile à abandonner, je ne le cache pas. Mais le pire pour un politique, c’est d’oublier qu’il y a autre chose, qu’on peut se réaliser ailleurs, ne fût-ce qu’avec sa famille. Ce qu’a fait Emily est finalement très sain.

En septembre 2016, il y aura le procès Wesphael, dont l’image reste associée à Ecolo. Gênant ?

Cela n’a rien à voir avec le parti. Il s’agit d’un fait de la vie privée de Bernard. Il doit être jugé de la même manière que n’importe quel justiciable, ni plus ni moins sévèrement.

Plus dur pour l’image, c’est la suspension de la dotation pour maquillage des comptes du parti…

Ecolo gêne les autres partis depuis des années, en combattant, par exemple, le cumul des mandats et en obtenant des résultats au niveau wallon. Lorsqu’on dénonce que la rentrée parlementaire ne se fait que le deuxième mardi d’octobre et qu’on pourrait se remettre au travail bien plus tôt après les vacances, on dérange aussi. Concernant sa comptabilité, Ecolo n’a absolument rien fait d’illégal ni rien maquillé. En commission parlementaire, le réviseur l’a confirmé, même si son point de vue n’était pas tout à fait le nôtre. Donc, cette suspension est un coup bas. Cela arrange tous nos adversaires. Ce n’est pas ma manière de pratiquer la politique.

Après les attentats de Paris, Ecolo n’est pas le parti qu’on a le plus entendu. Quid des mesures de sécurité prises par le gouvernement ? Nécessaires ? Ecolo aurait-il fait autrement s’il avait été au pouvoir ?

La sécurité n’est pas un gros mot, pour moi. Les services de police et de renseignement sont nécessaires pour assurer notre protection. C’est évident. Mais, lorsqu’il y a un énorme stress collectif, la tentation sécuritaire est là. On l’a vu avec Joëlle Milquet et ses safe rooms ou Koen Geens et ses déclarations à VTM, il est difficile de garder son sang-froid dans des conditions extrêmes. Chacun cherche à tirer la couverture à soi. Ce serait risible si les événements n’étaient pas aussi tragiques.

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