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Pompiers: « Depuis Ghislenghien, rien n’a changé (…) Cela a même empiré »

La problématique des vêtements de travail des pompiers n’est toujours pas réglée. Et elle ne désenfle pas, a indiqué mardi Eric Labourdette, président du secteur zones de secours du SLFP.

Tant au niveau du nettoyage que du nombre d’exemplaires d’équipements nécessaires, le syndicaliste regrette l’absence de protection maximale pour les 17.500 hommes du feu belges (dont 12.500 volontaires) « qui risquent déjà assez leur vie en intervention ».

« A Bruxelles, nous sommes encore bien lotis par rapport à d’autres zones wallonnes puisque nous avons deux tenues d’incendie par personne », un équipement complet (veste et pantalon) coûtant entre 800 et 1.000 euros, précise Eric Labourdette.

« Nos revendications passent souvent à la trappe. Les économies sont toujours faites sur le dos des pompiers. Depuis la catastrophe de Ghislenghien, rien n’a changé. Avec l’instauration des zones de secours, cela a même empiré; certaines casernes n’ont pas encore désigné de conseiller en prévention et les visites médicales annuelles ne sont, dans certains cas, plus effectuées », déplore-t-il encore, soulignant la seule possibilité pour le secteur de mener une grève administrative « qui n’a aucun impact, situation dont les pouvoirs publics profitent un peu ».

De 2000 à 2014, 21 pompiers sont morts en service. « C’est un métier assez dangereux; autant les protéger un maximum en matière de santé. On peut s’estimer heureux de sortir vivant d’une catastrophe. Si l’on peut éviter de mourir des séquelles de celle-ci par après… »

Selon une étude commandée par le SPF Intérieur, les pompiers ont une espérance de vie moins élevée, de sept ans environ, que la moyenne (70,88 ans contre 77,62 ans en 2012). D’après les échantillons, 80% de substances dangereuses et hautement cancérigènes -telles que les COV (composés organiques volatils) et les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques)- persistent sur les tenues, pouvant engendrer notamment lymphomes, cancer de la prostate ou des testicules, pointe Eric Labourdette.

Les échantillons d’urine d’un biomonitoring, mené sur 100 sapeurs-pompiers à Anvers, démontrent des valeurs accrues de benzène et d’hydroxypyrène tant après des interventions routières qu’après des interventions incendie. Une grande partie de la hausse de concentrations proviendrait d’une pénétration percutanée.

« Le sapeur-pompier est très probablement exposé en continu aux HAP en raison des émanations continues de sa tenue contaminée (EPI) », souligne l’étude qui recommande des analyses plus approfondies. Les résultats supplémentaires démontrent que lorsqu’un sapeur-pompier porte sa tenue d’intervention quatre heures d’affilée dans l’enceinte de la caserne, la concentration de benzène et de hydroxypyrène dans l’urine augmente de 48% en moyenne.

La plupart des COV disparaissent dans les douze heures qui suivent la contamination tandis que les HAP adhèrent aux différentes couches de la tenue de pompier, certains persistant des mois ou des années.

« Certaines casernes n’ont même pas de machines à laver traditionnelles… »

Le nettoyage au CO2 s’avère le plus performant, éliminant 98% des HAP, contre 57% lors d’un un processus de nettoyage traditionnel (détergent à 60°). « Certaines casernes n’ont même pas de machines à laver traditionnelles et les pompiers sont obligés, ce qui est légalement interdit, de laver leur habit de travail chez eux… avec les bavoirs pour bébé », s’insurge le syndicaliste qui précise qu’un système de location pourrait être « une bonne solution afin de permettre un roulement efficace, palier le problème de stockage dans les casernes et encore combler la difficulté d’avoir plusieurs tailles ».

A la suite d’une question parlementaire posée en février dernier, le ministre de l’Intérieur Jan Jambon a annoncé qu' »au vu des chiffres hallucinants de cancer et de mortalité au sein des services de secours », il s’engageait à faire « affecter les subventions prévues pour le matériel, à savoir plus de 12 millions d’euros pour 2015, à l’achat d’uniformes d’intervention de qualité et à leur nettoyage au CO2 ».

Une disposition de la Loi « dispositions diverses Intérieur » -approuvée par le gouvernement et qui doit encore l’être par le Parlement- spécifie que ce montant peut en effet être utilisé pour les équipements, une décision qui relève toutefois en définitive de l’employeur, à savoir les zones de secours.

M. Jambon avait également noté la mise sur pied d’un groupe de travail, composé des syndicats, de la fédération des pompiers et de représentants de l’administration, chargés d’élaborer une procédure d’opération standard pour le nettoyage et l’entretien post-interventions. En est ressorti une circulaire ministérielle signée par Jan Jambon rappelant les procédures à suivre après intervention et spécifiant une nouvelle mesure obligeant les pompiers à enlever leur combinaison après toute intervention avant de remonter dans le camion.

Le 22 septembre, le SLFP participera à une action de sensibilisation organisée par le groupement Fire Safe Europe dans le cadre de la campagne « FireSafetyFirst », pour conscientiser les parlementaires et fonctionnaires européens aux dangers du métier.

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