Carte blanche

Politique migratoire: Un contexte national et européen nauséabond

Les personnes migrantes n’ont jamais été aussi criminalisées, que ce soit en Belgique ou dans l’ensemble de l’UE. En Belgique, des partis comme la NVA n’hésitent pas à créer des amalgames entre migrants et délinquants. Le tout dans un contexte d’austérité qui rend difficile la construction d’une solidarité large et populaire.

Déconstruisons des propos hostiles aux migrants…

Il y a quelques semaines, on a posé la première pierre d’un nouveau centre fermé pour étrangers qui doit être construit à Anvers d’ici 2020-2021. Lors de cet événement, le bourgmestre NVA de cette ville n’a pas hésité à dire que cela permettrait d’arrêter les trafiquants de drogue qui sont pratiquement tous, selon lui, des illégaux. Il n’est pas vrai que les centres fermés sont construits pour protéger du trafic de drogue. Dans les faits, soyons honnêtes, les centres fermés sont des lieux de privation de liberté, de véritables prisons pour étrangers qui n’ont rien fait de mal à part chercher un coin sur la terre pour avoir une vie un peu meilleure. En Belgique, le gouvernement est même en train de construire un centre où l’on pourra à nouveau enfermer des familles avec enfants.

A part Anvers et celui pour les familles avec enfants, à Steenokkerzeel, deux nouveaux centres fermés devraient voir le jour dont l’un à Jumet, l’une des communes de la Ville de Charleroi. Et là, on n’y comprend plus rien puisque le bourgmestre Paul Magnette est un des principaux dirigeants du Parti Socialiste. Si Paul Magnette ne s’opposait pas publiquement à l’édification de cette prison pour étrangers dans sa ville, il faudrait alors parler de sa complicité directe avec la politique de criminalisation des migrants et des sans-papiers. Un comité s’organise pour que ce centre n’existe jamais. Un premier rassemblement devrait avoir lieu le 30 septembre 2018, peu de temps donc avant les prochaines élections communales qui auront lieu le 14 octobre.

Notre association agit en solidarité avec les personnes migrantes sans-papiers depuis de nombreuses années. Nous connaissons bien ces familles. Elles vivent comme vous et moi. Les enfants sont dans nos écoles primaires et secondaires avec les nôtres, un bon nombre d’entre eux sont d’ailleurs nés en Belgique et ne connaissent pas du tout leur pays d’origine. Quant aux parents, pour survivre, la plupart du temps, ils contribuent en travaillant en noir dans des conditions de surexploitation inacceptables, y compris parfois sur des chantiers publics. Dans la plupart des cas, les parents et les enfants connaissent rapidement notre langue et se lient à des associations, participent à des activités sociales, sportives ou culturelles. Rien à voir avec des dealers de drogue. Mais pour le gouvernement Michel, il est important de faire peur et de criminaliser les sans-papiers pour justifier la création de nouveaux centres fermés et une politique axée sur l’expulsion plutôt que sur l’accueil.

Rafles et arrestations

La criminalisation des personnes migrantes va encore plus loin : ces dernières années, de nombreuses rafles pour arrêter des sans-papiers ont été organisées, notamment dans des centres culturels fréquentés par certains d’entre eux. Il y a quelques mois, deux sans-papiers, un militant syndical et un artiste ont été arrêtés à Globe Aroma (centre culturel à Bruxelles). Les personnes migrantes qui squattent le Parc Maximilien et la Gare du Nord de Bruxelles sont également victimes régulièrement d’arrestations. Le gouvernement Belge n’a jamais voulu apporter d’aide à ces centaines de personnes. Ce sont des citoyens organisés en plate-forme de soutien aux réfugiés qui organisent la solidarité avec ces gens. Ils distribuent des repas et les logent. Il est à noter que l’aide au logement apportée par cette plate-forme, c’est aussi pour les protéger des opérations policières fréquentes. Si nous ne vivons pas dans un régime fasciste, le bruit des bottes se fait quand même entendre régulièrement. Que des citoyens soient obligés de loger des personnes ou des enfants mineurs pour qu’ils ne soient pas arrêtés rappellent les plus sombres heures de l’histoire de l’humanité.

Criminalisation des soutiens…

Le gouvernement Michel et son secrétaire d’état à l’asile et à la migration ne comptent pas s’arrêter là : Sur la table de travail de ce gouvernement, un projet de loi dit de « visites domiciliaires » permettrait à la police d’organiser de véritables perquisitions au domicile de sans-papiers ou dans les lieux où ils se trouvent afin de pouvoir les arrêter et les mettre en centre fermé. Ce projet de loi vise non seulement à la criminalisation des sans-papiers mais aussi à celles des personnes qui les aident. Vu la levée de boucliers que celui-ci a suscité, Charles Michel a préféré le mettre en attente. Mais par le biais de la soi-disant lutte contre le trafic d’êtres humains, des personnes qui ont hébergé des migrants sont inculpées. Il y aura un procès d’ici la fin de l’année. Ces personnes ont été mises sous écoute téléphonique. Une journaliste hébergeuse a été perquisitionnée et tous ses outils professionnels ont été emportés : ordinateur, portable, … Certain-e-s de ces hébergeurs et hébergeuses, de nationalité étrangère mais vivant depuis longtemps en Belgique ont été carrément arrêté-e-s et emprisonné-e-s en détention préventive. Par exemple, Walid a été gardé en détention préventive pendant huit mois parce qu’il était étranger et que la justice avait la crainte qu’il quitte alors la Belgique. Walid qui n’a rien fait à part avoir hébergé une personne migrante sans abri risque, comme les autres inculpé-e-s, une condamnation pour trafic d’êtres humains. A défaut d’avoir pu faire passer le projet de loi sur les visites domiciliaires, des autorités politiques et judiciaires se servent de cette loi sur le trafic des êtres humains pour criminaliser la solidarité. Une manière de créer en Belgique le délit de solidarité.

Contexte difficile pour la solidarité

Tout cela se déroule dans un contexte où une solidarité très large et populaire est difficile à développer car l’austérité détruit aussi les droits des travailleurs avec et sans emploi et ceux de l’ensemble des allocataires sociaux. La sécurité sociale ne protège plus autant qu’avant et certains d’entre nous en ont été carrément exclus et se trouvent à devoir vivre avec des minimas sociaux en dessous du seuil de pauvreté. Depuis 17-18 ans, la précarité et la pauvreté ont encore augmenté. Dès lors, « l’étranger » peut passer plus facilement comme quelqu’un de dangereux. « S’il n’était pas là, notre situation serait sans doute meilleure ». L’extrême droite, les populistes jouent sur toutes ces peurs, la droite « classique » et une partie de la sociale démocratie aussi. De plus, le 28 juin 2018, lors du sommet sur les politiques migratoires, l’UE, comme le dit le Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers) « a pris des décisions lourdes de conséquences. L’Europe a fait le choix de se refermer sur elle-même et de refouler massivement les étrangers qui se présentent à ses portes » Il est dès lors beaucoup plus difficile aujourd’hui de développer du soutien par rapport au thème de la défense des droits des personnes migrantes et particulièrement des sans-papiers.

Ne pas se décourager

En même temps que les mobilisations qu’il faut bien sûr continuer à organiser, il faut sensibiliser, déconstruire les préjugés et montrer qu’un combat commun à tous les travailleurs belges et étrangers, avec et sans emploi, avec et sans papier, est incontournable. C’est le capitalisme et les partis qui les soutiennent qui sont dangereux pour nous les travailleurs et pas les étrangers qui n’ont pas d’autre choix que de quitter leur pays pour pouvoir envisager une vie un peu meilleure.

Pour la Marche des migrant-e-s de la Région du Centre : Nathalie Rozza (formatrice en alphabétisation) ; Martine Parmentier (animatrice) ; Bernadette Peeterbroeck (éducatrice) ; Mano Henquinet (animatrice en éducation permanente) ; Manu Bury (assistant social) ; Freddy Bouchez (assistant social – prépensionné)

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