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Politique : ce qu’ils étaient à 20 ans dessine l’après 25 mai

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Pour deviner les choix que poseront les ténors de la politique après les élections, rien de tel qu’une plongée dans leur jeunesse. Leurs premiers pas expliquent leurs préférences de coalition.

« Si vous voulez comprendre les choix d’un leader politique, demandez-vous toujours où il était à l’âge de vingt ans… » Il y a quelques semaines, à l’entame d’une campagne électorale cruciale pour l’avenir du pays, un président de parti donnait cette clé pour tenter de saisir les raisons profondes des options prises au moment de former un gouvernement et de composer une coalition. Au-delà du choix des électeurs et de l’arithmétique à la sortie des urnes, l’histoire personnelle et les passions de jeunesse jouent un rôle majeur.

Le Vif/ L’Express a pris ce président au mot. Nous avons demandé à douze ténors de la vie politique francophone – onze francophones et leur adversaire numéro un en Flandre – de nous raconter où ils étaient à vingt ans.

Potentiellement, ces douze mousquetaires devraient se retrouver d’une manière ou d’une autre autour de la table des négociations au lendemain du 25 mai prochain. Sur la base de leurs souvenirs, nous avons tenté de deviner quelle est leur aspiration profonde pour l’après-scrutin. Par-delà les discours convenus et les positionnements tactiques.

Elio Di Rupo (PS)

1971. « J’étais plutôt du style  »peace and love », chemises à fleurs, même si je n’ai absolument pas été touché par Mai 68. Bien sûr, on parlait un peu de Karl Marx et de Trotski. Mais j’allais à la bibliothèque pour prendre des livres de chimie. » Elu au conseil d’administration de l’Université de Mons, président des étudiants, il rencontre Robert Urbain (NDLR: homme fort du PS dans le Hainaut) qui l’incite à s’inscrire au PS. « C’est là qu’ont commencé les jalousies et les difficultés. Tout au long de ma vie politique, j’ai toujours subi le poids de cette irruption volontaire dans le parti. » (Source : Elio Di Rupo, une vie, une vision, par Francis Van de Woestyne, éd. Racine.)

Joëlle Milquet (CDH)

1981. « J’étais investie dans l’AGL, l’Assemblée des étudiants de Louvain-la-Neuve. J’étais aussi chef lutin à Loverval, près de Charleroi. J’étais active dans un groupe Amnesty International pour les réfugiés politiques. Déjà… A la même époque, j’ai fait de l’alphabétisation pour des familles indiennes, j’ai manifesté pour le droit d’asile. Je ne m’intéressais pas à la politique belge. Je rigolais bien des étudiants de mon auditoire qui étaient aux jeunes PSC. Je me disais : comment peut-on être jeune PSC ? »

Didier Reynders (MR)

1978. « J’étais plutôt cheveux longs et sac de cuir en bandoulière. A l’Université de Liège, en première candidature en droit, j’ai eu François Perin comme professeur. Son cours d’introduction en droit était passionnant. Il improvisait et captivait son auditoire. Je suis bientôt devenu son élève assistant. Au milieu des années 1970, il était ministre aussi, mais on ne parlait pas de politique mais de droit constitutionnel. Une légende est née de mon passage auprès de lui : Jean Gol avait été son assistant, je l’étais à mon tour. La ligne semblait toute tracée pour que je travaille avec l’un puis avec l’autre. » (Source : Didier Reynders sans tabou, par Martin Buxant et Francis Van de Woestyne, éd. Racine.)

Laurette Onkelinx (PS)

1978. « J’étais une baba-cool avec des jupes gitanes, des sabots aux pieds et de très longs cheveux. J’habitais en communauté à Liège tout en faisant mes études de droit. J’avais de longues discussions houleuses avec mon père (NDLR : Gaston Onkelinx, figure importante du PS à Ougrée) parce que je trouvais qu’il faisait trop de compromis. Je militais contre la violence faite aux femmes et je donnais des conseils juridiques aux populations défavorisées. J’étais marquée par mon enfance à Seraing : c’était la défense de la sidérurgie, une époque dure où l’on entendait  »plus un franc flamand pour l’acier wallon ». »

Melchior Wathelet (CDH)

1997. « J’étais en première licence droit à l’UCL et je faisais campagne pour Philippe Maystadt (NDLR : ministre PSC des Finances), le week-end à Verviers, la semaine à Louvain-la-Neuve. C’était un engagement militant pour une personne que je respectais profondément même s’il est clair que le contexte familial a joué un rôle (NDLR : son père, Melchior Wathelet senior, fut président du PSC). J’ai toujours évolué dans un milieu très centriste, où l’on valorisait l’effort tout en défendant la solidarité. »

Emily Hoyos (Ecolo)

1997. « J’étais présidente de la Fédération des étudiants francophones, la première femme à ce poste. J’avais étudié les romanes et j’avais la ferme intention de devenir prof. Mais c’était l’époque des grandes manifestations étudiantes pour réclamer un refinancement. Ma première expérience politique a été de créer un comité anti-Lebrun (NDLR : ministre PSC de l’Enseignement supérieur) à Saint-Louis. A la Fef, je passais mon temps dans les cabinets ministériels PSC – chez Lebrun, Ancion, Grafé… – et les assemblées générales étudiantes. »

Charles Michel (MR)

1995. « A vingt ans, j’étudie le droit. J’ai le plaisir d’argumenter, je ressens de l’excitation pour le jeu intellectuel. Le concept de commerce équitable titille ma réflexion : comment arriver à un système plus respectueux pour les deux parties qui font du commerce ensemble ? Je pense que le marché n’est pas spontanément vertueux. Je m’ouvre aussi aux enjeux environnementaux. Comment concilier liberté individuelle et respect de l’environnement ? »

Olivier Maingain (FDF)

1978. « A l’ULB, j’organisais des débats sur le temps de midi. J’ai notamment invité Antoinette Spaak sur le thème : « Le FDF face au CVP ». On était en plein dans le Pacte d’Egmont, on allait connaître la trahison de Léo Tindemans… J’ai pris conscience, à ce moment-là, qu’une partie du monde politique flamand est incapable de respecter la parole donnée. Le CVP, rebaptisé CD&V, excelle dans cette perversité-là. »

Paul Magnette (PS)

1991. « Le déclencheur de mon engagement politique, c’est le fameux dimanche noir, la percée du Vlaams Blok aux élections de 1991. En réaction, avec des amis, on a créé un collectif. On organisait du street art, des ciné-clubs, des pièces de théâtre. Juste avant, mon éveil politique a été marqué par deux événements. D’abord, la lutte contre l’apartheid, la libération de Mandela. Ensuite, la montée du FN en France, la campagne « Touche pas à mon pote ». L’antiracisme a beaucoup joué dans mon affiliation au PS. »

Benoît Lutgen (CDH)

1990. « Je suis engagé au patro. J’ai aussi créé une association, Ici Londres. Le nom, c’est une clin d’oeil pour montrer qu’on est en résistance. On est un peu rebelles, on se veut incisifs par rapport au pouvoir en général. L’article premier de nos statuts mentionne le refus de tout subside public. Derrière, il y a une histoire locale : à ce moment-là, il y a, à Bastogne, un projet de centre culturel hyper-élitiste, avec beaucoup d’argent pour une poignée de VIP. Alors, avec des amis, on s’est dit : si c’est comme ça, faisons les choses nous-mêmes ! »

Jean-Marc Nollet (Ecolo)

1990. « Ma première entrée dans un cabinet ministériel, c’était par effraction, quand on a envahi les locaux d’Yvan Ylieff, le ministre PS de l’Enseignement supérieur. J’étais alors président de la Fédération des étudiants francophones. L’année d’avant, j’étais vice-président, et le président était Jean Leblon, mon actuel chef de cabinet. On poursuivait deux combats : le refinancement de l’enseignement et la liberté d’accès. A l’époque, certains voulaient généraliser le numerus clausus à toutes les études. »

Bart De Wever (N-VA)

1990. Après un mauvais aiguillage vers le droit, il étudie l’histoire à l’université : deux candis à Anvers, puis des licences à Louvain. Issu d’une famille imprégnée par le mouvement nationaliste, De Wever est membre du Katholiek Vlaams Hoogstudenten Verbond à Louvain et rédacteur en chef du magazine Ons Leven, historiquement héritier du Flamingant, lettre du combat pour la reconnaissance du néerlandais dans une Belgique francophone à la fin du XIXe siècle. Il obtient son diplôme « pratiquement les doigts dans le nez » et prépare un doctorat. Thème ? Le mouvement flamand.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier intégral. Avec le lien entre ce qu’ils faisaient à 20 ans, leur action aujourd’hui et leurs alliances demain.

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