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Police : les ravages des profiteurs

Panorama, l’émission d’investigation de la VRT, a dévoilé les sursalaires que s’octroyait un chef de police limbourgeois, protégé par le procureur du roi et la bourgmestre de Hasselt.

S’il n’y avait pas Dexia, l’affaire occuperait la Une de tous les quotidiens flamands depuis une semaine. Les débordements de la graaicultuur saisis à vif, le jeudi 6 octobre, par le magazine d’investigation de la VRT, Panorama, sont de toutes les conversations. Mot intraduisible en français, graaicultuur désigne un profitariat sans vergogne, quasi compulsif. Il est désormais associé à certaines dérives de la réforme des services de police (la chasse aux primes) et débouche, au Limbourg, sur un scandale sans précédent.

Rappel des faits. Michel Beckers, l’ancien chef de la zone de police de Hasselt-Zonhoven-Diepenbeek (1999-2010), dont le salaire net atteignait 5 000 euros, arrondissait ses fins de mois en se facturant illégalement des heures supplémentaires et des prestations de week-end et en se faisant rembourser ses vêtements civils et autres babioles. Certains de ses officiers de police ont aussi flirté avec la ligne rouge, comme cet inspecteur néanmoins devenu commissaire qui a fait jouer l’assurance de la police pour un accident de roulage privé.

La détection de ces anomalies date de 2008-2009. Mais les quatre personnes qui ont alerté leurs autorités, Vera Vrancken, une responsable du service du personnel de la zone de police, et trois de ses collaborateurs, ont dû quitter leur poste tant elles ont été harcelées. Le Comité de contrôle des services de police (comité P) traîne sur cette enquête depuis deux ans et n’a jamais auditionné la bande des quatre. Le procureur du roi de Hasselt, Marc Rubens, a classé sans suite les indices de fraude et de harcèlement moral et s’est même retourné contre deux des présumés harcelés qui avaient transmis au comité P des éléments tendant à démontrer que l’examen d’embauche de la secrétaire de Michel Beckers avait été truqué. Selon le parquet, il s’agissait d’un vol…

La fin de l’état de grâce de Hilde Claes

Mais ce qui a le plus indigné les téléspectateurs flamands, c’est la réaction des autorités interviewées lors du reportage de la VRT. Hilde Claes (SP.A), la fille de Willy Claes et bourgmestre de Hasselt, déclarait, hésitante, que Michel Beckers allait rembourser 6 000 euros mais que cela ne constituait pas l’aveu d’une faute. Quant au procureur du roi de Hasselt, Marc Rubens, il ne cachait pas son énervement face à des dénonciateurs (klokkenluiders) qu’il se promettait de « réduire au silence ».

Depuis, la bourgmestre Hilde Claes a présenté ses excuses. Au nom de la zone de police et avec le nouveau chef de celle-ci, elle a transmis une série d’indices d’abus à la cellule anticorruption de la police judiciaire fédérale et s’est constituée partie civile. Un juge d’instruction va être désigné. Plus question de classer sans suite. Le 11 octobre, le procureur du roi (PR) a essuyé un autre camouflet. Le tribunal correctionnel de Hasselt a acquitté les deux klokkenluiders qui avaient dénoncé le truquage de l’examen de la secrétaire de Michel Beckers. Et ce n’est pas tout : le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck (CD&V), va recevoir les quatre fonctionnaires qui avaient frappé en vain à la porte de la justice.
Des questions se posent aussi quant au fonctionnement du comité P qui a négligé ce beau cas de fraude (présumée) pour se lancer, il y a six mois à peine, dans une « vaste enquête » par échantillonnage sur la « culture de cupidité » au sein de la police belge. Enfin, n’est-ce pas toute la réforme des services de police qui devrait être remise à plat pour avoir laissé se développer cette graaicultuur et ce sentiment d’impunité chez certains chefs de police, couverts par leur « PR » et leur bourgmestre ?

Marie-Cécile Royen

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