Christine Laurent

Poker menteur

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

En finir avec cette mauvaise pièce. Sortir de l’impasse de négociations interminables, de ce cul-de-sac qui, sur le plan économique et social, nous coûte les yeux de la tête, de ce cauchemar éveillé qui ne débouche sur aucun plan de vol, aucune feuille de route, aucune direction à suivre. Au petit malheur la chance ! Oui, pas de doute possible, le vulgum pecus en a marre. Marre de ces rounds qui traînent ad nauseam. Marre de ne pas voir le bout du tunnel.

On le sait bien, on l’accepte, dessiner les futurs contours d’une Belgique confédérale demande du temps, de l’habileté, de la créativité et de l’inventivité, une approche froide, dépassionnée, pour aboutir à des solutions tout en souplesse. Avec à la clé, sans doute, des systèmes évolutifs. Tout ne sera pas réglé, en effet, en quelques lignes hâtivement jetées sur un document précaire. Comme l’a relevé avec pertinence l’économiste Etienne de Callataÿ, il faudra bien étaler le choc dans le temps. Avoir une vision, décoller du bac à sable pour prendre de la hauteur, loin des palabres et des petits jeux politiciens. Ecrire la grande Histoire et pas des histoires médiocres de susceptibilités froissées, de sensibilités brutalisées, de solidarités définitivement rompues « Il serait hasardeux de jouer au poker », a claironné, cette semaine, Bart De Wever. Poker menteur, Bart ?

Trouver un compromis, la belle affaire. Un enjeu majeur. Car l’art de la politique n’est pas de faire des promesses fallacieuses, ce qui est à la portée du premier dilettante venu, mais bien de savoir signer et défendre un compromis. Il en faut du courage. De la pugnacité qui flirte jusqu’à un certain point avec le vindicatif. Et puis, inévitablement, un bon accord implique, pour chaque partie, de perdre des plumes dans l’aventure. Surtout quand les finances publiques sont dans le rouge. Finies la croissance, les vaches grasses qui permettaient d’échafauder des consensus onéreux, voire exorbitants. Aujourd’hui, il faut gérer la disette et se serrer la ceinture. Problème rampant.

Apporter des solutions aux problèmes, c’est aussi franchir toute une série d’obstacles, de pièges et de contraintes. Se méfier de soi-même, des autres. Par exemple dans l’interprétation des propositions avancées par le conciliateur royal Vande Lanotte. Comment les juger sans subjectivité ou a priori ? Comment raisonner juste quand on est toujours à la merci de l’une ou l’autre erreur de logique ? Comment éviter de plonger dans les failles pour qu’elles ne deviennent pas gouffres ? Comment bien communiquer quand on sait que le moindre mot de travers peut engendrer mille et un malentendus ? Car, à trop vouloir jouer les marionnettistes, il arrive, aussi, qu’on se perde dans les fils…

Ça passe ou ça casse, nous dit-on. Si, dans les jours qui viennent, les coups d’éclat enterraient définitivement les débats, retour à la case départ, les élections. Soit. Mais avec quelles perspectives, quels discours, quels programmes ? Une radicalisation de part et d’autre pour aboutir au même aveuglement, à un nouveau dialogue de sourds ? Impossible, il faut que ça bouge. Sans aventurisme, certes, mais il faut que ça bouge. N’est-ce pas, Bart ?

Christine Laurent

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