Thierry Fiorilli

Plein soleil pour la suédoise

Thierry Fiorilli Journaliste

Premières vacances d’été pour le gouvernement Michel. Après dix mois d’exercice qui, pour un exécutif né dans l’incrédulité générale, se soldent par un bilan somme toute inespéré. Comme l’admettent, sous cape, certains pontes socialistes francophones eux-mêmes, pourtant les plus meurtris par la constitution de cet attelage fédéral inédit, et qui les a laissés sur le bord de la route, « ils jouent plutôt bien ».

« Ils », c’est la coalition MR – N-VA – CD&V – Open VLD. Et  » jouer bien », ça signifie consolider ses positions. Plus clairement : occuper le pouvoir de façon tellement efficace que ce qui apparaissait comme incongru il y a moins d’un an semble désormais tout à fait naturel. Evident. Et installé pour durer. D’autant que, toujours en coulisse, et toujours depuis les rangs de la principale force d’opposition à l’équipe de Charles Michel, on concède aussi que, face aux affaires qui roulent au fédéral, au PS, « on est dans le lac ». Une façon de faire comprendre que, sauf coup de main, providentiel, des circonstances, il n’est plus question d’envisager sérieusement pouvoir déloger la coalition qui gouverne. Sous cette législature bien sûr, mais sans doute même après les prochaines élections, en 2019.

Ce sont les deux principaux enseignements du parcours effectué jusqu’ici par la suédoise : elle s’est renforcée avec le temps, malgré toutes les prévisions, laissant s’égosiller puis s’épuiser syndicats et opposition (essentiellement francophone) ; et le Parti socialiste, groggy, peut-être bien en panne de relève en son sein et clairement défaillant en termes de communication (qui était pourtant l’une de ses armes les plus redoutables durant son quart de siècle passé au pouvoir), s’apprête à affronter une deuxième traversée du désert, après celle des années 1980.

En l’état, le premier cinquième de la législature bouclé, tout indique qu’un Michel II n’est pas impensable

Michel et les siens sont donc dans un fauteuil, pour l’instant. Et gèrent la boutique sans surprise : en bon gouvernement de centre-droit qui s’assume comme tel. Toutes ses mesures prises, du report à 67 ans de l’âge de la pension à l’abaissement de 33 à 25 % des charges patronales sur les salaires, en découlent, logiquement. Qu’on y adhère ou non, personne ne peut prétendre qu’elles sont inattendues ou follement audacieuses : comme l’a résumé Didier Reynders, à sa façon, limpide et lapidaire donc, « sans le PS, il ne fallait pas s’imaginer nous voir mener une politique de gauche ». Dans quelque secteur que ce soit. Les électeurs du MR, de la N-VA et de l’Open VLD, probablement moins ceux du CD&V, ne peuvent dès lors que se réjouir des différents actes posés par l’actuelle majorité.

Bref, en l’état, le premier cinquième de la législature bouclé, tout indique qu’un Michel II n’est pas du tout impensable. Mais la route est longue et truffée de pièges : deux ministres MR (Galant et Marghem) symbolisent, pour l’opposition, les flancs vulnérables de la forteresse suédoise – c’est donc sur leurs dossiers que les attaques seront les plus virulentes ; la position des sociaux-chrétiens flamands dans l’équipe reste inconfortable, donc potentiellement problématique pour la cohérence et l’efficacité de l’équipe ; la N-VA présentera bientôt ses exigences en matière communautaire et institutionnelle, et ses partenaires auront du coup moins l’occasion de se pavaner.

Ce n’est qu’alors qu’on pourra juger si ce gouvernement ose et peut « décider » vraiment, comme aime à le répéter Charles Michel. Puisque, jusqu’à présent, il n’a fait que ce que n’importe quel autre gouvernement aurait fait : appliquer le mélange des programmes des différents partis au pouvoir. Celui, socio-économique et sécuritaire, du plus puissant d’entre eux pesant évidemment plus que les autres.

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