Peter Mertens

« Peut-être que le gouvernement doit dissoudre le peuple, et choisir un autre peuple? »

Peter Mertens Président du PTB

Cette semaine, l’association de femmes Femma, les organisations écologiques et les syndicats ont dû, à nouveau, encaisser une avalanche de critiques. « Soit le mouvement dissout la politique gouvernementale, soit le gouvernement dissout la société » écrit Peter Mertens, le président du PTB, sur Knack.be

Récemment Femma, une organisation de femmes, a plaidé pour une semaine de 30 heures avec maintien du salaire. « Si la période la plus chargée de la vie se déroule de façon plus détendue, nous serons moins vite épuisés. Notre niveau de bien-être augmentera, car nous souffrirons moins de problèmes de santé et nous aurons davantage d’emprise sur notre temps. Quand les semaines de travail sont plus courtes, les gens utilisent leur temps plus efficacement » a plaidé l’organisation. Fort critiqués, les arguments de l’association n’ont bénéficié d’aucune ouverture intellectuelle. Karel Van Eetvelt (le patron d’Unizo, NDLR) a simplement balayé la proposition d’un « c’est de la folie ».

Ce débat, et surtout la facilité avec laquelle on veut l’éviter, caractérise la situation politique actuelle. Aujourd’hui, celui qui essaie de rester au-dessus de la mêlée, prend tous les risques. Les propositions innovantes sont immédiatement balayées d’un « c’est de la folie » ou « elles viennent d’une autre planète ».

C’est ce qu’on pu également constater les membres du Bond Beter Leefmilieu (BBL) lors qu’ils ont lancé une pétition en collaboration avec les associations Kom op tegen Kanker et Netwerk Duurzame Mobiliteit contre le régime fiscal favorable aux voitures de société. Dans un moment d’inattention, le ministre des Finances a laissé entendre qu’on pouvait en discuter avant d’être rappelé à l’ordre par le bourgmestre d’Anvers qui a bruyamment claqué la porte. « Je n’ai pas besoin de tous ces débats. Il faut gouverner dans l’accord gouvernemental et cela n’y figure pas » a déclaré Bart De Wever.

L’angoisse de ce qui n’est pas tout à fait sous contrôle était palpable. D’un coup, la proposition créative a été balayée par une personne qui n’est même pas membre du gouvernement. Et tout ce qui ne figure pas dans l’accord gouvernemental est considéré comme une motion ultime de méfiance, certainement quand il s’agit d’une idée neuve qui ne provient pas des amis de la Voka et de la FEB.

Charles Michel: silencieux à la Chambre et causant à la Voka

Ce jeudi, des parlementaires de l’opposition ont voulu interroger le premier ministre sur les déclarations de son vice-premier ministre Jan Jambon dans la presse francophone. Il avait nié, à tort, son rôle dans le cercle d’extrême-droite Vlaams-Nationale Debatklub (VNDK). Ici on n’a pas entendu de « balayez devant votre porte », « c’est de la folie » ou d' »une autre planète ». Non, ici, on n’a plus rien entendu.

Le premier ministre a refusé de répondre aux questions, provoquant le départ de presque toute l’opposition, alors que le même soir, accompagné de son premier ministre de l’ombre, il a retrouvé la parole au congrès du Voka. Chez lui au Voka, De Wever a immédiatement joué à Calimero pour fustiger les syndicats, la société civile et les médias.

Qu’un plus petit parti ait cette mentalité de « tout le monde est contre le moi », soit, mais de la part d’un parti au pouvoir à tous les niveaux et surreprésenté dans pratiquement tous les médias, cette attitude devient tout doucement pathétique même s’il s’agit d’une mise en scène géniale pour réprimer toute initiative avant de raconter ensuite qu’il n’y a pas d’alternative. Cependant, un géant aux pieds d’argile, qui assiste craintivement au développement du mouvement social, se cache derrière cette mise en scène.

Car le mouvement social et écologique se développe, malgré toutes les tentatives pour l’en empêcher. Le gouvernement a essayé de faire passer les grèves tournantes pour des actions insignifiantes, mais elles sont trop importantes dans toutes les provinces. Il a essayé de scinder le front commun syndical, un point particulièrement fort du mouvement, un atout qui n’existait pas lors de la grande grève de ’60 – ’61. On a tenté d’isoler les deux locomotives du mouvement, le personnel du rail et les dockers.

Recharger les accus pendant la pause hivernale

Si le gouvernement reste sourd à tant d’aspirations, la brève pause hivernale ne sera utilisée que pour charger les accus

Le forcing pour faire passer les mesures antisociales pendant les vacances de Noël par des lois-programmes n’arrêtera pas la dynamique. Si le gouvernement reste sourd à tant d’aspirations, la brève pause hivernale ne sera utilisée que pour charger les accus et élargir encore le mouvement jusqu’à ce que le gouvernement annule ses projets et soit prêt à écouter sérieusement les voix de la société.

Si ce gouvernement compte poursuivre sur cette voie, il ne reste que deux options : soit le mouvement dissout la politique gouvernementale et la pression augmente au point qu’elle soit obligée de changer de cap politique. Soit le gouvernement dissout la société, brise les syndicats et réduit les courants sociaux et écologiques au silence. Dans ce cas, le gouvernement opte pour une autre société, une version thatchérienne sans droit à parole et avec une forte polarisation entre les riches et les pauvres. On arrive alors à ce que Bertold Brecht a écrit un jour : ‘Ware es da Nicht doch einfacher, die Regierung Löste das Volk auf und Wählte ein anderes?‘ (Ne serait-il pas plus simple que le gouvernement dissolve le peuple en élise un autre ?) L’enjeu est important. Espérons que la première option l’emporte.

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