Walter Pauli

« Peu à peu, une nouvelle fracture communautaire se dessine dans ce pays »

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Peu à peu, une nouvelle fracture communautaire se dessine dans ce pays. Contre leurs attentes, beaucoup de Flamands sont convaincus que le gouvernement Michel est solidement en selle. Des membres du gouvernement comme Jan Jambon et Theo Francken, tous deux de la N-VA, gouvernent l’état fédéral comme s’ils étaient nés pour faire ce boulot. Entre-temps, leur président de parti Bart De Wever lâche ses députés parlementaires sur tout ce qui est de gauche ou social.

Et donc la députée Zuhal Demir (N-VA) traite les militants syndicaux de « milice privée uniformisée en possession d’un permis de tuer ». Et le député flamand Marius Meremans veut revoir les subsides de toutes les organisations socio-culturelles à commencer par le soutien de l’état aux institutions de formation des syndicats et à Unizo.

Dans une démocratie parlementaire, c’est la tâche de l’opposition de rendre la vie difficile à la majorité. La N-VA inverse les rôles et a entamé une attaque frontale contre l’opposition « socialiste » depuis la majorité, y compris contre la société civile flamande.

Là, c’est le règne de la confusion. Du côté des militants syndicaux flamands de l’ABVV, on perçoit les premiers signes de découragement : à quoi sert de continuer à crier contre un gouvernement qui ne réagit même pas aux critiques ? Il semble que l’ACV de Marc Leemans ait décidé que de tous les partis du gouvernement, c’est justement le CD&V qu’il faut écraser. Marc Leemans a craché sa bile sur le parti dans les quotidiens De Standaard et De Tijd. Son attaque ressemblait fort à une opération de détérioration . Du côté de la Rue de la Loi, on assiste avec étonnement à la désintégration de plus en rapide du pilier démocrate-chrétien.

En Belgique francophone, on voit le mouvement opposé: la position du gouvernement y faiblit à vue d’oeil. Et c’est le parti du Premier ministre qui en porte la responsabilité. N’oubliez pas que le MR n’est qu’une formation de taille moyenne, qui en 2014 était ravie de son score de 25%. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les trois quarts des Belges francophones ont des réserves vis-à-vis du gouvernement fédéral. Cette base électorale beaucoup trop étroite explique également les nombreuses critiques à la Chambre à l’égard du gouvernement Michel. Les magazines et les quotidiens francophones se montrent également particulièrement sévères à son égard, et dans les émissions de la RTBF et de RTL les libéraux francophones sont généralement seuls à se défendre contre d’autres orateurs.

Tous les jours, on dit aux militants de la FGTB que la Wallonie se transforme peu à peu en colonie d’une force d’occupation autoritaire de droite, néolibérale et dirigée par la Flandre. Dans cette perspective, Charles Michel est le premier collaborateur d’un régime à combattre

Ce contexte totalement différent au sud de la frontière linguistique explique également pourquoi des membres furieux de la FGTB s’imaginent pouvoir bloquer des autoroutes. Tous les jours, on leur dit que la Wallonie se transforme peu à peu en colonie d’une force d’occupation autoritaire de droite, néolibérale et dirigée par la Flandre. Dans cette perspective, Charles Michel est le premier collaborateur d’un régime à combattre.

Dans un certain sens, le Premier ministre est aussi le chef d’une armée d’opérette. Les ministres de son MR ne pèsent pas lourd dans le gouvernement. Si Didier Reynders est un nom qui force le respect, le cynique ministre des Affaires étrangères n’est pas un ami de Charles Michel et semble en fin de carrière. Hervé Jamar a été remplacé par Sophie Wilmès à qui Johan Van Overtveldt (N-VA) a déjà décoché un crochet du droit dans le match de boxe sur le tax shift. Plus grave encore, les ministres MR Marie-Christine Marghem (Énergie et Environnement) et surtout Jacqueline Galant (Mobilité) font l’objet de nombreuses critiques. La position de Galant est qualifiée de « chancelante », mais Marghem doit également se tenir sur ses gardes, ce qui n’a pas échappé au PS. Si cette nouvelle génération de ministres (féminins) ne s’en sort pas, l’avenir s’annonce sombre pour le parti et le cabinet du Premier ministre.

Beaucoup de politiques et de faiseurs d’opinions flamands ne se rendent pas compte que Charles Michel est le talon d’Achille de son propre gouvernement.

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