© BERT VAN DEN BROUCKE/PHOTO NEWS

« Petite nature », le fonctionnaire wallon ?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

En 2015, les agents francophones de l’Etat fédéral ont une fois encore davantage brillé par leur absence pour maladie que leurs collègues flamands. C’est grave docteur ? Non, c’est le reflet d’une Wallonie moins bien dans son assiette que le nord du pays.

Ce n’est pas une affaire d’Etat (fédéral). Pas de quoi non plus en faire une maladie communautaire. Mais une tendance lourde traverse les administrations fédérales du pays : l’absence au boulot pour raisons médicales y dépeuple davantage les rangs francophones que néerlandophones. La cuvée 2015 confirme cette troublante vérité des chiffres, telle que livrée par le ministre de la Fonction publique, le N-VA Steven Vandeput. Tous départements confondus, les fonctionnaires francophones, avec 17, 25 jours d’absence enregistrés par équivalent temps plein, ont surpassé leurs collègues du nord du pays qui, eux, ont bouclé l’année avec 14,47 jours d’absence/ETP au compteur.

Et l’on peut parler de lame de fond : les agents du rôle linguistique francophone se sont ainsi distingués par un taux d’absentéisme plus prononcé dans seize SPF/SPP (ex-ministères) sur dix-huit, dans six organismes d’intérêt public sur dix, dans huit des douze institutions de la Sécurité sociale, et dans sept instituts scientifiques sur douze. Les écarts ne sont jamais phénoménaux, exceptés quelques contrastes criants au Conseil d’Etat (F : 10,13 % – N : 4,83 %), au SPF Mobilité et Transports (F : 8,75 % – N : 3,88 %), ou encore à la Chancellerie du… Premier ministre (F : 8,75 % – N : 3,69 %).

Le fonctionnaire bruxellois plus robuste, le hennuyer et le liégeois moins résistants

Ce bilan médical moins reluisant affiché par les agents de l’Etat domiciliés au sud du pays traduit un mal chronique, comme le montre le tableau ci-dessous des jours d’absence 2010-2015. Précision d’importance, les fonctionnaires bruxellois n’y sont pour rien : en 2014, avec un taux d’absentéisme de 4,6%, ils se montraient les plus robustes au travail en compagnie des Flandriens occidentaux (4,8 %), là où les Hennuyers (7,2 %) et les Liégeois (6,7 %) étaient les moins résistants à la maladie. Cette année-là, la composante wallonne de la Fonction publique fédérale affichait un taux d’absentéisme de 6,7 %, le pilier flamand 5,1 %.

Quel est donc ce sort qui s’acharnerait ainsi particulièrement sur les agents de l’Etat belge étiquetés wallons ? Le Medex, le service public de contrôle médical des fonctionnaires fédéraux, se borne à relever le fait au fil de ses rapports annuels. Sans s’appesantir outre-mesure sur le sujet, ni vraiment livrer les clés pour comprendre. Si ce n’est pour signaler que le diagnostic n’a rien d’alarmant et n’appelle pas de conclusions dénigrantes.

« La matière est complexe », convient l’actuel ministre fédéral de la Fonction publique relancé sur ce sujet, c’est une manie, par le Vlaams Belang. Et Steven Vandeput de s’avancer à pas comptés sur ce terrain : « Le contexte économique, le vieillissement, l’évolution de la pression du travail mais aussi le milieu de vie et la qualité de l’environnement » sont autant de facteurs explicatifs à prendre en compte.

Les Wallons davantage présents aux niveaux subalternes de l’administration

Nous y voilà : puisque le sud du pays, sur le plan socio-économique, se porte moins bien que la Flandre, il est logique que ses fonctionnaires fédéraux, dans l’ensemble, respirent moins la forme que leurs homologues du nord. Un indice ? Ce sont les agents de l’Etat fédéral domiciliés en Hainaut qui, systématiquement, paient le plus lourd tribut aux cancers, maladies cardio-vasculaires, maladies neurologiques ainsi qu’au stress. Voilà pour la toile de fond.

Incorrigible « petite nature », le fonctionnaire wallon ? Sa plus grande exposition aux pépins de santé, gros ou petits, trahit aussi le visage d’une fonction publique fédérale : où le fonctionnaire d’origine wallonne affiche un âge moyen plus élevé que son collègue flamand, et se retrouve plus souvent employé aux niveaux subalternes (C et D) de l’administration. Comme une confirmation implicite de hautes sphères plus flamandisées alors que les « petites mains » sont davantage wallonnes et donc astreintes à des métiers manuels plus pénibles.

Les absences des fonctionnaires flamands moins justifiées

Pour en avoir vraiment le coeur net, « il faudrait croiser les critères de l’âge, du sexe, du niveau administratif et du domicile. Ce qui n’a encore jamais été fait », observe-t-on à la CGSP. « Il existe des zones grises : ainsi le télétravail est plus accessible au fonctionnaire de niveau A, lequel ne va pas nécessairement se déclarer en maladie s’il peut travailler à son domicile et s’éviter un déplacement. C’est sans doute la courte distance entre le domicile et le lieu de travail qui explique le faible taux d’absentéisme chez les fonctionnaires fédéraux bruxellois. »

Ces disparités n’avaient pas laissé insensible Hendrik Bogaert, alors secrétaire d’Etat à la Fonction publique (CD&V). Il s’était dit prêt à porter le fer pour ramener l’absentéisme des fonctionnaires fédéraux wallons au niveau de celui des flamands, s’il devait apparaître que cette inégalité nord-sud devant la maladie ne reposait sur aucune explication valable. Les données rassemblées par le Medex auraient pu l’aider à dissiper tout soupçon : « Les absences des fonctionnaires flamands sont moins souvent justifiées que celles de leurs collègues wallons », relève son rapport 2014. Si « tire-au-flanc » il y a, ils ne sont pas toujours là où on les attend.

Par Pierre Havaux

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire