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Pensionné à 67 ans en 2030 ?

Le Vif

La commission de réforme des pensions, mise en place par les ministres Alexander De Croo et Sabine Laruelle en avril 2013, plaide, dans son rapport présenté ce lundi, pour une réforme « en profondeur » du système des pensions, passant notamment par la mise en place d’un système à points, dont le nombre variera en fonction de la durée de la carrière et des revenus du travail pendant celle-ci. Quant à l’âge légal de la pension, il devrait passer à 66 ans en 2020 et à 67 ans en 2030, selon l’un des scénarios envisagés par la commission.

« A politique inchangée, le système de pension actuel n’est pas soutenable financièrement. Il ne correspond plus à l’évolution de la société et il pose des problèmes de qualité sociale », a expliqué au cours d’une conférence de presse Frank Vandenbroucke, ex-ministre et membre de la commission de réforme. « Ne modifier que les paramètres du système actuel ne suffira pas à résoudre ces problèmes », a-t-il ajouté en plaidant, au nom de la commission, pour « une réforme en profondeur » dans laquelle les trois régimes de pensions (salariés, indépendants et fonctionnaires) obéiront à des principes communs.
Parmi ceux-ci figure l’introduction d’un système « à points » qui « créera un lien clair entre le calcul de la pension et les revenus professionnels moyens des actifs ». Un comité national des pensions, au sein duquel siégeront les interlocuteurs sociaux et qui sera lui-même soutenu par un centre d’expertise des pensions, devra également être mis en place afin de veiller « à la qualité sociale et à la soutenabilité financière » du système.

Quant au niveau moyen des pensions, il sera maintenu « grâce à un allongement des carrières », les différences en matière de durée de carrière ou d’âge donnant accès à la pension devant être justifiées par des raisons objectives, a encore indiqué Frank Vandenbroucke. La pension anticipée, elle, « restera possible moyennant une correction du montant de la pension qui soit équitable, objective et correcte d’un point de vue social ».

En d’autres termes, « la durée de la carrière reste bien l’élément central mais, à terme, les critères d’âge pour la pension légale et la pension anticipée devront aussi évoluer », a poursuivi l’expert. Si la commission ne formule aucune proposition définitive en la matière, l’un des scénarios explorés évoque une pension légale à 66 ans en 2020 et à 67 ans 10 ans plus tard.

Par ailleurs, « la pension minimum doit être simplifiée et améliorée ». Selon la commission, il faut en effet « moderniser et harmoniser la dimension familiale des régimes de pension », avec notamment une suppression – après une période de transition suffisamment longue – du taux ménage pour les salariés et les indépendants.

En outre, « un lien plus fort doit exister entre les prestations de travail et le niveau de la pension » sans pour autant exclure les périodes assimilées. Enfin, pour la commission de réforme, un régime de pension légal financé par capitalisation doit être institué pour les contractuels nouvellement engagés dans le secteur public. « Le second pilier existant doit être structuré et stimulé de manière plus cohérente, tout en étant élargi aux travailleurs indépendants en personne physique. »

Il n’en reste pas moins qu’à côté de ces réformes destinées à maîtriser la hausse des dépenses en matière de pension, c’est le taux d’emploi qui reste la clé du succès. « La réforme des pensions et la politique de l’emploi non seulement se complètent, mais sont aussi interdépendantes, le succès de l’une déterminant le succès de l’autre. Une politique de l’emploi énergique et novatrice est donc indispensable », a conclu Frank Vandenbroucke.

« La nouvelle majorité décidera » (De Croo et Laruelle)

Après un débat avec les acteurs du dossier, c’est la nouvelle majorité qui devra prendre des décisions claires, ont réagi lundi le ministre des Pensions Alexander De Croo (Open vld) et la ministre en charge des Indépendants, Sabine Laruelle (MR), après la publication du rapport de la commission de réforme des pensions, mise en place par ces deux ministres en avril 2013.

« La commission souligne clairement que le système de pension est un contrat social qui vaut pour tout le monde, jeunes et vieux, actifs et pensionnés. Il est donc important qu’un débat de société ait lieu car une réforme ne peut réussir que si elle est suffisamment soutenue. Ensuite, ce sera à la nouvelle majorité au Parlement à prendre des décisions claires afin de renforcer la durabilité financière et sociale du système de pension belge », ont déclaré les deux ministres libéraux.

Le patronat salue un rapport qui plaide pour des réformes structurelles

Le rapport de la commission de réforme des pensions présenté ce lundi « établit clairement que des réformes structurelles approfondies sont nécessaires pour garantir la viabilité financière de notre régime de pensions. Un aspect important à cet égard est de procéder à des adaptations en vue de tenir compte de certaines évolutions telles que la démographie et l’augmentation de l’espérance de vie », a réagi la Fédération des Entreprises de Belgique. « Le rapport démontre également que la politique des pensions doit être basée sur la répartition et la capitalisation. Pour la FEB, cela signifie une politique des pensions pour les salariés reposant sur trois piliers: la pension légale, la pension complémentaire qui demeure importante et l’épargne-pension individuelle permettant de se constituer une poire pour la soif », a poursuivi la fédération patronale.

« Le nouveau gouvernement fédéral ne pourra ignorer ce rapport, car il indique une nouvelle fois que notre régime de pensions a besoin d’urgence d’une réforme fondamentale et structurelle », a-t-elle ajouté.Quant à l’Union des Classes moyennes (UCM), elle a elle aussi salué la publication du rapport qui « doit servir de base à une réforme d’envergure du mode de calcul des retraites en Belgique. Cette réforme indispensable doit non seulement assurer la pérennité du système, mais aussi l’améliorer ». « Il faut garantir à chacun, malgré le vieillissement, une pension digne et proportionnelle au travail fourni durant sa carrière, quel que soit le statut », a conclu l’UCM.

Le rapport sur la réforme des pensions suscite « de lourdes craintes » du côté syndical

« Bien que présentée comme une réforme basée sur l’idée d’un contrat social, une première lecture du rapport de la commission de réforme des pensions laisse entrevoir de lourdes craintes quant à la défense des intérêts des pensionnés », a réagi lundi le front commun syndical en pointant notamment l’allongement de la durée de la carrière et de l’âge légal de la pension, l’instauration d’un système à points intégrant des corrections automatiques du niveau des pensions sur la base d’objectifs démographiques et budgétaires ou encore l’harmonisation vers le bas des pensions publiques, « autant d’éléments extrêmement préoccupants portant atteinte aux intérêts des pensionnés ».

Et les syndicats de rappeler que les pensions belges sont parmi les plus basses d’Europe, 17 pc des pensionnés vivant sous le seuil de pauvreté. Ils s’opposent par ailleurs « à toute modification des deux balises fortes de notre système de retraite: l’âge légal, à 65 ans, et la durée de la carrière, de 45 ans en Belgique ». « Toucher à ces balises constituerait un nouveau frein à l’entrée sur le marché du travail des jeunes travailleurs, alors que nous comptons plus de 600.000 chômeurs et que les annonces de restructurations se succèdent », ont-ils répété. En outre, pour le front commun, « des possibilités de prépension doivent être laissées aux travailleurs » et le niveau de pension des salariés et des contractuels doit être revalorisé.

« Le niveau de pension des fonctionnaires n’est pas trop élevé. Il est à peine dans la moyenne européenne. Il s’agit donc de revaloriser le niveau de pension des travailleurs salariés et des contractuels, trop faible, et non de s’attaquer à celui des fonctionnaires », a poursuivi le front commun. Quant à la définition des politiques de retraite, elle « n’est pas qu’une question financière » à laisser aux mains d’experts. « Il s’agit d’un contrat social fort entre les actifs et les retraités. La détermination des termes de ce contrat social relève des interlocuteurs sociaux qui continueront à prendre leurs responsabilités en participant à la gestion des systèmes de retraite et en travaillant résolument à l’élaboration et au suivi des politiques de pensions ». Les organisations syndicales vont désormais prendre le temps d’analyser le rapport dans ses moindres détails et « n’hésiteront pas à réinterpeller la commission de manière à obtenir d’éventuelles clarifications », ont-elles conclu.


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