Christine Laurent

Pauvre, pauvre B…

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Dédaignée par les Wallons, mal aimée des Flamands, elle peine à garder la tête hors de l’eau. Déboussolée par les tensions entre ses différentes communautés, tiraillée entre son boom démographique, son chômage endémique, sa fracture sociale, son manque criant de moyens, Bruxelles s’enlise dangereusement.

Sans parler de sa vulnérabilité face aux bourrasques sécuritaires. Ainsi, il y a quelques jours à peine, la nouvelle tornade alimentée par Eurostat. En la classant au 5e rang des capitales européennes les plus dangereuses, l’Institut des statistiques de l’UE lui colle une véritable image de coupe-gorge, alors que, de leur côté, les bourgmestres des 19 communes l’affirment la main sur le c£ur : elle est la métropole la plus pépère du royaume ! Qui a raison, qui a tort ? Impossible de trancher avec certitude, malgré les chiffres jetés ici et là. Il n’empêche, le sentiment d’insécurité des Bruxellois, lui, grimpe dangereusement. Et davantage encore quand ils se risquent dans les transports publics.

Pour preuve, le drame à hauts risques de la semaine dernière qui a mobilisé pendant huit jours la ministre de l’Intérieur (à défaut, lire notre dossier en p. 22), les syndicats et les travailleurs de la Stib. Un véritable casse-tête dont Joëlle Milquet a réussi habilement à tirer son épingle du jeu. Mais que dire de la plupart de ses collègues bruxellois ? Tous aux abonnés absents ou presque. Certes, on a entendu un vague murmure du côté de Charles Picqué, ministre-président de la Région. Mais visiblement dans cette affaire, il ne se sent plus l’âme d’un va-t-en-guerre. Ne prêche-t-il pas depuis tant d’années dans le désert ? Plus évanescente encore, Brigitte Grouwels (CD&V), la ministre de la Mobilité qui comptait partir en vacances le jour même de la rixe mortelle, et qui a finalement daigné défaire ses valises pour participer aux négociations. Mais le silence le plus étourdissant fut bien celui des bourgmestres (tous deux socialistes pourtant) Freddy Thielemans (Bruxelles-Ville) et Willy Decourty (Ixelles), le duo « je t’aime… moi non plus » qui dirige la zone de police la plus exposée de la capitale. Avec 60 millions de budget annuel, elle se taille la part du lion du financement des zones régionales, un chiffre qui fait bien des envieux. Terrés dans leurs fiefs eux aussi, alors qu’aux dernières nouvelles ils se représentent toujours bien aux prochaines communales.

Un mutisme éloquent ! Comment, dans ce contexte de baronnies féodales, espérer mettre en place les solutions indispensables pour le présent et l’avenir de la capitale de l’Europe ? Comment des esprits embourbés dans le repli sur soi pourront-ils relever les grands défis des prochaines années ? Quid de la controversée fusion des zones de police qui repointe son nez opportunément ? De la révision en profondeur des structures institutionnelles bruxelloises, qui ont cruellement souffert de la crise politique gravissime que notre pays a connue pendant deux ans ? A la lueur des derniers événements, le constat est implacable : un grand nettoyage au sein de cet enchevêtrement de pouvoirs, héritage des convulsions successives qui ont agité et modifié radicalement la Belgique de papa, s’impose. Sans ces réformes, qui exigent l’engagement de tous, y compris des Flamands, nul espoir à l’horizon, rien que du ripolinage pour faire illusion. Jusqu’à la prochaine bombe. Encore plus explosive, celle-là. Bruxelles mérite mieux. Bien mieux.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire