« Paul Magnette utilise ce dossier pour démontrer que le PS est à l’écoute de la rue »
Olivier Mouton revient sur le nouveau refus du ministre-président wallon Paul Magnette (PS) de signer le traité CETA. Quatre questions à Olivier Mouton sur les motivations de Magnette et la position de la Belgique dans l’UE.
Que signifie le nouveau refus pour le CETA? Le traité est-il remis en cause ?
Le « non » wallon n’est pas encore définitif. Le ministre-président Paul Magnette (PS) tente d’obtenir un report de la signature du traité, actuellement programmée lors d’un sommet le 27 octobre. En vain, jusqu’ici. Mais les lignes ont bougé, notamment suite à une rencontre en direct avec la ministre canadienne du Commerce, Chrystia Freeland. C’est ce qu’il a expliqué ce vendredi au parlement wallon. Des avancées ont notamment été faites dans le secteur sensible de l’agriculture. Mais il reste du pain sur la planche et la détermination wallonne est grande, quitte à faire échouer le CETA s’il le faut. Les pressions se multiplient, mais les manifestations de soutien également. Paul Magnette est devenu le symbole de la résistance à l’Europe ultra-libérale.
En théorie, est-il possible de conclure le CETA avec 27 pays de l’UE et sans la Belgique?
Normalement, non. Le constitutionnaliste Christian Behrendt (ULg) expliquait encore ce matin dans Le Soir que ce ne serait « pas sérieux d’envisager une ratification du Traité par la Belgique, sans assentiment des majorités régionales. C’est pourtant ce que prônent certains partis de la coalition fédérale dont, en tête, l’Open VLD. Il existe aussi des pistes selon lesquelles on pourrait scinder le traité afin que ses aspects strictement commerciaux, « compétence exclusive de l’Union européenne », rappelle-t-on dans un parti de la majorité fédérale, puissent être votés. Mais on entre là dans un terrain marécageux et tant l’Union européenne que le Canada et la Belgique espèrent encore obtenir l’accord wallon à la dernière minute.
Quels sont les scénarios possibles si la Belgique signe le CETA sans autorisation wallonne ? Est-ce possible, et le cas échéant, souhaitable ?
Une signature de l’accord par la Belgique sans le feu vert wallon ouvrirait une crise institutionnelle. Ce serait, il est vrai, paradoxal étant donné que la régionalisation de la compétence en matière de commerce extérieur avait été souhaitée par les partis flamands. L’Open VLD se dit prêt, la N-VA y verrait un levier supplémentaire pour dénoncer la « république soviétique de Wallonie », mais cela semble peu probable à ce stade. Le Premier ministre Charles Michel (MR) dénonce certes une « radicalisation » de la position wallonne, mais il se veut garant de la loyauté fédérale.
Pourquoi Paul Magnette tient-il une position aussi ferme ?
Le ministre-président wallon (PS) s’est fait un nom et une stature d’homme d’Etat à l’occasion de cette fronde contre le CETA. Il y a une part de conviction profonde dans sa position : professeur d’université spécialiste des questions européennes, l’homme est convaincu qu’il faut donner de nouvelles inflexions à la politique européenne et le CETA est un premier levier idéal pour y arriver. Il connaît en outre très bien les arcanes de l’Union et se sent à l’aise dans un tel dossier. Il y a par ailleurs une opportunité politique à tenir une telle position. Sous la pression d’un PTB qui explose dans les sondages et qui est omniprésent sur le terrain, Paul Magnette utilise ce dossier pour démontrer que le PS est à l’écoute de la rue. Cela lui permet de renouer avec les syndicats et le tissu associatif, tout en « avalant » Ecolo et le PTB et en « gauchisant » davantage encore le CDH. Bref, il gagne sur tous les points. On imprime même des t-shirts à son nom ! Mais il ne sera guère aisé de tenir cette position radicale jusqu’à sa limite : l’échec du traité. Et le bras risque fort de relancer les tensions entre niveaux de pouvoir en Belgique voire, à terme, les volontés confédérales de la N-VA.
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