Jules Gheude

Paul Magnette, nouveau messie…

Jules Gheude Essayiste politique

Paul Magnette fait partie de cette catégorie de personnes que l’on gonfle à bloc dans les centres d’entraînement des partis politiques pour les lâcher ensuite comme des êtres d’exception, dont rien ne pourra venir entraver l’irrésistible ascension.

Avec leurs diplômes, leur maîtrise des langues étrangères, leur look BCBG, leur façon de s’exprimer, ils donnent aisément le change au commun des mortels, admiratif devant tant de qualités et qui boit leurs propos comme paroles d’évangile.

Pourtant, il suffit de gratter très légèrement pour retrouver la réalité crue.

Licencié en sciences politiques, Paul Magnette s’était étonné, il y a quelques années, dans « Vers l’Avenir », de la poussée nationaliste en Flandre : On pensait que tout cela n’était que du folklore.
N’aurait-il pas dû savoir que tout cela était inscrit depuis très longtemps dans les astres ? N’avait-il pas suivi l’évolution du Mouvement flamand, dont Jules Destrée disait, dans sa « Lettre au Roi » de 1912, qu’il ne s’arrêterait jamais, parce le Flamand a la douce obstination têtue du fanatisme ? N’avait-il pas lu le livre « Les Flamands » de Manu Ruys, publié en 1973 et dont le sous-titre indiquait qu’ils étaient une nation en devenir ? Ne savait-il pas que François Perin avait démissionné spectaculairement de la fonction sénatoriale en 1980, en déclarant que la Belgique, atteinte d’un mal incurable et irréversible – le nationalisme flamand – n’avait plus d’avenir ? N’avait-il pas compris, en 1999, l’importance de ces cinq résolutions que le Parlement flamand avait adoptées à une large majorité et qui s’inscrivaient clairement dans la logique confédérale ?

Dans une interview accordée au « Vif/L’Express », en novembre 2012, Paul Magnette donnait l’impression de posséder un ouvrage rare dans lequel il était écrit que la Belgique avait valeur d’éternité :
Le conflit communautaire fait partie de la Belgique. C’est un trait de son identité. Ce n’est pas une pathologie. Comme si l’on devait trouver normal, et finalement motivant, d’évoluer dans un contexte où la chamaille, la suspicion, l’agressivité sont des données permanentes…

Paul Magnette se fourvoie aussi lorsqu’il pense qu’une fois la Flandre partie, une « Belgique résiduelle », composée des Wallons et des Bruxellois, pourrait poursuivre la route. C’est le fameux Plan B, sur lequel les responsables francophones, soucieux de préserver avant tout leur rente de situation, fantasment abondamment.

Mais la chose ne serait pas aussi simple.

Une adhésion de plein droit de ce « WalloBrux » aux traités internationaux comme successeur de l’ancienne Belgique pourrait être contestée juridiquement par d’autres Etats, par exemple par le nouvel Etat flamand… Celui-ci se mettrait de facto en dehors des organisations internationales, que la déclaration d’indépendance soit jugée légale ou non par la Cour internationale de Justice. Mais, par là même, la Flandre mettrait aussi la Belgique résiduelle hors du jeu international, l’exclurait des organisations internationales de jure. Ce fut d’ailleurs le cas pour la « Yougoslavie continuée » (Serbie-Monténégro) lors des sécessions croate et slovène de la Fédération yougoslave.

Les analyses fouillées qui ont été menées, tant au niveau des Etats généraux de Wallonie qu’au sein du Gewif (Groupe d’Etudes pou la Wallonie intégrée à la France) ont démontré qu’un Etat wallon indépendant et un Etat Wallonie-Bruxelles ne pouvaient constituer des options réalistes et financièrement viables.

Pour la Wallonie, seule une union-intégration à la France, avec un statut particulier – de façon à permettre d’harmoniser progressivement les politiques en matière d’enseignement, de santé, de législation sociale, de fiscalité et de justice – pourrait garantir un avenir de qualité. Bruxelles, s’il elle en émettait clairement le souhait, pourrait, elle aussi, disposer d’un tel statut

Mais on sait aussi ce que pense Paul Magnette de la France : Etre rattaché à un pays qui a une culture aux antipodes de la nôtre, c’est ridicule. (…) Il y a une rupture culturelle avec les Français. Si on doit se rattacher un jour, ce sera plutôt à l’Allemagne. C’est plus l’intérêt industriel de la Wallonie.
Idée que l’intéressé qualifie lui-même de lunaire et que ne partagerait certainement pas André Renard, ce grand pilier du Mouvement wallon, qui écrivait le 13 juillet 1958, à la veille de la Fête nationale française : Notre coeur reste attaché à la France. Nous avons foi dans cette France qui, pour nous, est éternelle. (…)Elle reste le grand flambeau et, pour beaucoup d’entre nous, la grande lumière de culture. C’est pourquoi nous terminons, comme nous l’avons commencé, en criant : Vive la France !
Nul doute que Paul Magnette aura pris connaissance de l’exposé que Hendrik Vuye, le constitutionnaliste des Facultés de Namur, a fait lors de la réception de Nouvel An du Vlaamse Volksbeweging : La Flandre dispose de la légitimité démocratique nécessaire, via son Parlement flamand, pour se libérer du carcan belge.

C’est exactement ce qu’écrivait François Perin, en 1981, dans « La Meuse » : Qu’est-ce qui pourrait empêcher les Flamands de proclamer unilatéralement leur indépendance et d’affirmer leur nation ? Ils ont créé tous les instruments de leur future légitimité. (…) Jamais l’Europe, ni l’Otan, dira-t-on, ne laisseront éclater la Belgique. Que pourraient-ils faire : débarquer les « Marines » pour nous apprendre par la force à vivre ensemble ?
(1) A paraître prochainement : « Lettre à un ami français – De la disparition de la Belgique »

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