Pascale Peraita et Yvan Mayeur © BELGA/Bruno Fahy

Pascale Peraïta, championne des cumulardes et des polémiques

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Nouveau coup de tonnerre dans le scandale dit du Samusocial. L’ex-directrice de l’asbl, Pascale Peraïta, a déclaré qu’elle garderait le silence face à la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur la gestion de la structure d’aide aux sans-abris. C’est que cette championne des cumuls n’en est pas à sa première polémique.

Pascal Peraïta est de plus en plus dans la tourmente. Elle a déclaré ce lundi refuser de répondre aux questions de la nouvelle commission d’enquête mise sur pied pour clarifier la gestion de l’asbl privée qui a pour vocation de venir en aide aux personnes dans la précarité et dont elle était la directrice.

La toute première commission d’enquête créée au sein du Parlement de la Région de Bruxelles-capitale devra faire la lumière sur la gestion de l’asbl et sur les rémunérations de ses administrateurs (60 000 euros de jetons de présence versés en 2016). Un scandale qui a entrainé la démission de Pascale Pareïta en tant que présidente du CPAS de la ville de Bruxelles (ainsi que, dans la foulée, celle du bourgmestre de Bruxelles-Ville Yvan Mayeur).

Pascale Peraïta est bien connue dans le milieu, celle que l’on peut qualifier de « cumularde émérite » a déjà été à plusieurs reprises épinglée dans le passé pour des questions de rémunérations trop avantageuses et de petits arrangements personnels. Elle est ainsi réputée pour être la championne des mandats rémunérés à Bruxelles.

Née en 1962 à St-Gilles, Pascale Peraïta a suivi des études d’assistante sociale à l’Ecole ouvrière sociale de Bruxelles. En 1985, elle prend part au lancement des Centres d’aide et de soins à domicile à Bruxelles. En 1993, elle entre au cabinet du ministre-Président bruxellois Charles Picqué (PS) pour travailler sur les questions sociales. C’est en 1999 qu’elle prend la direction du Samusocial, une nouvelle structure créée à l’initiative notamment d’Yvan Mayeur, président à l’époque du CPAS de la Ville de Bruxelles et dont elle est, par ailleurs, très proche.

Licenciée pour faute grave et aussitôt réintégrée

Les premiers ennuis au sein du Samusocial remonte à 2001. Peraïta est mise sur la sellette suite à sa volonté d’engager un co-directeur financier, Alain Heselwood, chargé notamment de la collecte des fonds dans le secteur privé. Le montant de son salaire, considéré comme exorbitant, pose problème. Une trentaine de travailleurs qui demandaient alors des moyens supplémentaires pour améliorer leurs conditions de travail partiront en grève pour manifester leur mécontentement.

Pascale Peraïta sera encore inquitée à la même époque par un don d’une synagogue, qu’elle n’a pas déclaré et a reversé sous forme de primes au noir à quelques travailleurs sociaux de l’asbl, attitude fiscalement répréhensible. Selon La Libre, Yvan Mayeur aurait reconnu son erreur sans la licencier mais le CA votera finalement son licenciement pour faute grave.

Les membres du CA ne sont cependant pas au bout de leurs surprises. Lors de la remise des clés et du GSM de l’asbl, l’avocat de Pascale Peraïta remet également une somme comprise entre 1.500 et 2.000 euros dont disposait l’ex-directrice à son domicile. Pascale Peraïta aurait menti en déclarant au CA avoir reçu 2.500 euros de la synagogue. Or, la somme avoisinerait plutôt les 3.700 euros, dont « elle n’avait distribué qu’une partie », selon les informations que La Libre a pu glâner.

La carrière de Pascale Peraïta au sein du Samusocial aurait dû s’arrêter là mais elle parvient quand même un mois plus tard à y rerentrer par la petite porte, soutenue notamment par le ministre Hutchinson en sa qualité de médiateur et par Yvan Mayeur et cela, sans l’aval du CA. Elle réintègre son poste de directrice au sein de l’asbl.

Des primes de plus de 33.000 euros

En 2013, de nouvelles révélations éclatent. Un rapport de l’inspection des Finances pointe de graves manquements dans la comptabilité de l’asbl et notamment un manque général de transparence des factures qui ne donnent aucun détail des prestations. Un voyage à 4600 euros pour 30 personnes à Alicante en Espagne attire, entre autres, les soupçons. Il est justifié à l’époque par « une mise au vert pour faire un débriefing » organisé chaque année et « assumé » par Yvan Mayeur.

L’Inspecteur relève aussi un non-respect de la loi sur les marchés publics. Mais ce qui fait surtout le plus polémique, c’est l’octroi, hors salaire, de primes de plus de 33.000 euros par an à Pascale Peraïta pour « horaires décalés ». Le salaire annuel de la directrice considéré comme excessif, soit 192.705 euros bruts, est également pointé du doigt.

Quinze jours après, on apprend que celle-ci bénéficie d’un logement à loyer modéré mis à disposition par le CPAS de la ville de Bruxelles pour 1.190 euros par mois, charges et parking compris. « Une pratique courante« , avait alors défendu Yvan Mayeur. « Ce n’est pas un logement social. Le CPAS est propriétaire d’immeubles dans toute la ville, qui sont loués au prix du marché. Ils sont accessibles à tous. Il y a juste des règles de priorité pour les Bruxellois qui travaillent dans des institutions de la ville (…) Mais ce n’est pas un avantage social », avait-il déclaré à l’époque des faits au Soir.

Sous les feux des critiques, Pascale Peraïta quittera toutefois le logement en question dans la foulée. En décembre 2013, elle succède à Yvan Mayeur (qui est alors nommé bourgmestre de Bruxelles-Ville) en tant que présidente du CPAS et quitte la direction du Samusocial en prenant un congé sans solde (où on ne l’a d’ailleurs plus revue depuis sa démission du CPAS).

« Un nouveau coup de poignard »

Quatre ans plus tard, le député Ecolo Alain Maron dénonce l’opacité de cette structure créée pour venir en aide aux sans-abris. On apprend que Pascale Peraïta est ainsi devenue administratice-déléguée du Samusocial, un poste à responsabilité rémunéré par jetons de présence alors que l’asbl possède déjà deux co-directeurs et un directeur financier.

C’est le début du « scandale du Samusocial » qui révélera que l’ex-directrice, tout comme Yvan Mayeur, a perçu de 15.000 à 19.000 euros bruts par an, selon les commissaires du gouvernement bruxellois, sur une base qui semble avoir été en réalité forfaitaire (par mois). Les commissaires n’ont pas trouvé de trace (ordres du jour, p-v.) des réunions auxquelles sont censés se référer ces jetons.

Peraïta se voit contrainte de démissionner du CPAS de la ville de Bruxelles suite à ces révélations sur la gestion nébuleuse du Samusocial. Elle annonce également un peu plus tard sa démission du conseil communal de la ville de Bruxelles.

Ce lundi soir, Pascale Peraïta a déclaré qu’elle refusait de répondre aux questions de la Commission d’enquête qui se réunit à nouveau ce mardi après une première réunion consacrée à son organisation interne lundi dernier. Son comportement a été qualifié par Benoît Cerexhe, deuxième vice-président de la commission d’enquête, comme un « nouveau coup de poignard apporté par les protagonistes du Samusocial à la recherche de la vérité et de la transparence ».

Dans un courrier envoyé aux membres de la commission, l’avocat de Pascale Peraïta a d’ores et déjà indiqué que sa cliente a choisi, sur ses conseils, « de ne répondre à aucune question en provenance des commissaires, décidant ainsi de réserver toutes ses déclarations pour les autorités judiciaires ». Ajoutant: « Ce faisant, la convocation de ma cliente ne parait pas indispensable à l’avancée de vos travaux« .

Paul Magnette s’est aussi exprimé à ce propos: « Parce que les fautes sont très graves. En tout cas, Mme Peraita doit aller s’expliquer, comme Yvan Mayeur, devant la commission d’enquête mise sur pied par le parlement bruxellois). La moindre des choses, c’est d’aller expliquer les erreurs que l’ont a commises, c’est d’aller rendre des comptes devant les élus publics« .

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