Carte blanche

Parents, à la … maison ; enseignants, à vos … études ; étudiants, à vos … PC et cours particuliers !

Informé par le magazine des professionnels de l’enseignement  » PROF « , j’ai participé ce mercredi soir à la « Rencontre » entre d’une part, Madame la ministre de l’Education Marie-Martine Schyns, et d’autre part les citoyens, concernant le Pacte pour un Enseignement d’Excellence.

A l’arrivée, j’ai reçu deux livrets relatifs au Pacte, l’un adressé aux parents et élèves (deux de mes enfants sont en primaire), et l’autre adressé aux enseignants (j’enseigne en soirée dans une haute école namuroise). J’ai été très étonné par le nombre de participants à cette « Rencontre ». Le local de classe, pourtant de bonne surface, retenu pour celle-ci était à peine suffisant.

Partant du constat que « pour trop d’enfants, notre système éducatif paraît peu adapté et ne leur permet pas d’acquérir les connaissances de base », les livrets reçus développent les différents points du Pacte, lesquels ont été précisés oralement par Madame la Ministre lors de la « Rencontre ».

En substance, voici quelques points :

des nouveaux investissements pour « un total annuel de 300 millions d’euros », sans précision quant aux affectations ;

quant au maternel, notamment « 50 millions chaque année » pour « recruter » ;

quant au primaire, et secondaire inférieur, porter une « attention redoublée » à « l’apprentissage du français et des langues modernes », « renforcer » les « disciplines scientifiques, techniques, et mathématiques » en les articulant « aux compétences manuelles et technologiques », et ajouter aux disciplines traditionnelles des « nouvelles connaissances et aptitudes transversales essentielles, telle que l’emploi du numérique, la capacité à apprendre, la créativité et l’esprit d’entreprendre ».

Un programme informatique pédagogique nous a été présenté par deux enseignants. Usant de son ordinateur portable, l’écolier écoutera et apprendra la théorie à la maison, alors que seuls les exercices seront réalisés et corrigés en classe, ce qui permettra à l’instituteur ou au professeur (doté de connaissances en informatique) de gagner du temps en délaissant les bons élèves, lesquels pourront passer directement aux autres chapitres du programme (pourquoi alors aller encore à l’école ?), et consacrer le temps gagné aux élèves en difficultés (qui se trouveront dans la même classe que les autres élèves …). Les parents seront invités à initier, à la maison, leurs enfants à l’étude de la théorie par l’outil informatique. Quid des enfants se trouvant, après la journée d’école, à l’étude scolaire, parfois jusque 18h ? En outre, qui va payer l’achat des ordinateurs, tablettes, programmes, et autres outils informatiques ? Un grand nombre de parents ne peut se permettre ce luxe !

Interrogée quant aux moyens (humains, matériels et financiers) consacrés au primaire, vu notamment les carences des étudiants en langue française notamment due à l’absence de priorité à l’apprentissage de cette première langue en 3e et 4e année primaire (!), Madame la ministre a répondu que des « référentiels » (c.-à-d. « objectifs d’apprentissage ») seront fixés, que la formation (continuée ) des enseignants devra être revue et améliorée, et que les programmes pédagogiques informatiques sont en cours de conception (voire de développement ?) par un groupe de travail composé d’universitaires et d’enseignants.

quant au secondaire supérieur, deux objectifs sont fixés : d’une part, améliorer la qualité des apprentissages et d’autre part, diminuer le redoublement pour l’horizon 2030.

Il faut aussi permettre aux jeunes élèves de « choisir » son avenir, à savoir soit se préparer à des études supérieures (via la « filière de transition »), soit apprendre un métier ( via l’enseignement de « qualification », lequel, selon PROF, fusionne les filières techniques et professionnelles).

Afin de les « aider » à opérer ce choix stratégique pour leur avenir professionnel, une « nouvelle épreuve certificative interviendra au milieu du secondaire ». Interrogée quant aux tests d’évaluation de fin d’année pour les années antérieures, ils seront, selon Madame la Ministre, maintenus, et « organisés directement par les écoles » et « en cours d’année scolaire, un temps moindre sera consacré aux évaluations des élèves au bénéfice du temps d’apprentissage ».

En cas de choix pour l’enseignement de qualification, « les différentes options seront en phase avec les besoins du marché du travail ». Interrogée quant à ce, Madame la ministre a répondu que le CEFA et l’IFAPME sont actuellement en concurrence pour assurer la délivrance de ces différentes options. Que deviendront alors les enseignants du technique et du professionnel ?

Interrogée quant aux moyens (humains, matériels et financiers) consacrés au secondaire, vu notamment la faiblesse de la connaissance de la première langue en fin de 6e année secondaire, Madame la Ministre s’est limitée à reconnaître que la Pacte ne prévoit rien pour les 4e, 5e et 6e années secondaires …

Fondamentalement, Madame la Ministre n’a pas précisé les moyens humains alloués en primaire et en secondaire pour combler les lacunes des écoliers dans les « disciplines traditionnelles », à savoir notamment le français, les mathématiques, les langues, les sciences, etc.

Il m’a été précisé par de nombreux participants (instituteurs, professeurs, et même une déléguée syndicale) que j’ai interrogés à la sortie de cette « Rencontre » qu’aucun investissement de ce type n’a été précisé par Madame la Ministre, ni lors de cette « Rencontre », ni lors des discussions relatives au Pacte.

Selon PROF, il n’est question d’engager que 12 personnes pour composer la cellule opérationnelle du Pacte, et 50 conseillers pédagogiques au profit des seules écoles « à fort écart de performance ».

Dès lors, comment combler les lacunes actuelles des écoliers, si ce n’est par un investissement par les parents, en temps ou en argent (cours particuliers) ?

Enfin, quant aux élèves présentant des difficultés d’apprentissage, la priorité est de les maintenir dans l’enseignement ordinaire et de « développer des aménagements raisonnables » ; « ce n’est que lorsque ces aménagements raisonnables se seront révélés insuffisants pour répondre aux besoins de l’élève que l’orientation vers l’enseignement spécialisé sera envisagée ». Il est question de créer des « implantations spécialisées au sein d’établissements ordinaires, permettant des activités partagées par tous les enfants ». Mais avec quels moyens ?

En conclusion, j’ai l’impression que tout est mis en oeuvre pour présenter aux parents et aux professionnels de l’enseignement des « beaux » nouveaux projets, manifestement innovants et intéressants, mais sans avoir l’argent nécessaire pour les réaliser, voire simplement pour combler les lacunes apparentes actuelles.

J’ai également le sentiment que tout a été mis en oeuvre pour identifier la moindre minute de temps de travail de l’enseignant, afin de mieux l’utiliser, au risque de perdre de vue que l’enseignement est un service public et non une entreprise privée (telle la société de consultance qui a conseillé Madame la ministre pour un prix qui aurait permis l’engagement de quelques enseignants). Mais pour combien de temps encore ?

Faut-il anticiper l’avenir et inscrire nos enfants dans une école privée ou dans une école flamande – comme cela m’a été conseillé par un autre enseignant lors de l’après « rencontre » ? Qu’en pensez-vous Madame la Ministre ?

Emmanuel Depret, à Malonne (Namur), papa d’un enfant en maternelle, 2 enfants en primaire, et enseignant en haute école.

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