Alain Destexhe

Oui, il faut supprimer la RTBF !

Alain Destexhe Ex-Sénateur

Grâce à l’initiative populaire « No Billag » et au référendum, les Suisses auront eu un beau débat sur le service public audiovisuel, « la campagne de tous les records » selon la Tribune de Genève. Et chez nous ? Gageons qu’il serait tout aussi enflammé. Alors lançons-le !

Récemment, dans La Libre, Jean-Paul Philippot, le patron de la RTBF avançait deux arguments principaux pour justifier l’existence d’un service public : l’information pluraliste et les émissions culturelles.

La pluralité des points de vue n’est jamais atteinte

Tout d’abord – et on ne rit pas – « la mission de la RTBF est de délivrer une information plurielle et indépendante ». Certes, la RTBF doit conserver un certain équilibre entre les partis politiques. Lorsqu’on la qualifie de RT-PS, elle se défend en disant que le PS n’est pas content de la façon dont il est critiqué dans les « affaires », ce qui est exact. Mais là n’est pas la question. Dans le cas du MR, le pluralisme entre partis sera atteint en déroulant le tapis bleu à la gauche du parti (Richard Miller, par exemple, a pignon sur média).

La RTBF nous sert une soupe tiède de militantisme de gauche à peu près sur tous les sujets

Plus fondamentalement, à longueur de journal radio ou télé, reportages, sujets, commentaires et billets d' »humoristes », la RTBF nous sert une soupe tiède de militantisme de gauche à peu près sur tous les sujets (l’économie, la N-VA, l’immigration, l’islamisme, les grèves, la politique américaine ou française, etc.). La pluralité des points de vue démocratiques n’est jamais atteinte. Elle déroule aussi le tapis rouge au communiste PTB — qui se revendique du marxisme, idéologie totalitaire au sens strict — mais boycotte le Parti populaire, qui n’est pas le mien, mais ne s’est jamais, à ma connaissance, revendiqué d’une idéologie anti-démocratique.

Pour celui qui sait un peu décrypter le langage médiatique, il est évident que les têtes les plus connues de la RTBF ont une sensibilité de gauche. D’ailleurs, dans cette époque qui se veut éthique et transparente (sauf pour les journalistes ?), des personnages aussi importants dans le formatage de l’opinion, ne fût-ce que par les sujets dont il décident dont on parle ou pas, ne devraient-ils pas dire pour qui ils votent ? J’entends les cris d’orfraie. Vie privée ! Ère du soupçon ! Notre impartialité ! Que valent ces arguments quand il existe un fort soupçon que toutes ces personnes votent à gauche?

À Drieu Godefridi qui lui faisait remarquer que 90% des journalistes américains étaient de gauche, Bertrand Henne, montrant qu’il avait tout compris, répliqua sur antenne qu’il n’y avait pas de problème aussi longtemps qu’ils restaient objectifs ! Comme si les convictions personnelles n’influençaient pas les propos ! Pour un journaliste seule l’honnêteté dans la relation des faits peut exister, certainement pas l’objectivité.

Après le naufrage de l’émission politique dominicale animée par la très populaire – sur Twitter – Florence Hainaut et, après une dernière tentative de sauvetage, la RTBF a courageusement cédé à RTL-TVI et abandonné le créneau historique du dimanche midi. Ou quand la concurrence devient un peu rude…

L’émission d’Eddy Caekelbergh est aussi révélatrice. Depuis un quart de siècle (sic), par le choix de ses invités et ses commentaires, il nous distille calmement d’une voix assurée son petit bréviaire marxiso-immigratio-voile.islamique.compatible, tout en publiant sur Facebook des des diatribes gauchistes. On a maintenant la preuve qu’il complote contre le Gouvernement fédéral, mais il est toujours là, se posant même en victime ! Qui est le Caekelbergh de droite qui anime une émission similaire ? J’ai beau chercher. D’autres journalistes « maison » se rattrapent sur Twitter de la retenue qu’ils sont censés respecter à l’antenne.

Last but not least, Jean-Paul Philippot, le PDG, lui même, est une créature socialiste qui, lorsqu’il a été choisi, n’avait aucune expérience dans le domaine de l’audiovisuel. Il est vrai qu’être socialiste vaut parfois certificat de compétences. Auparavant, il avait été nommé par le PS dans la structure faîtière des hôpitaux publics bruxellois, une expérience qui, certes, pouvait s’avérer utile pour réanimer la RTBF ! Rarement, maisà propos, le PDG sait intervenir directement pour ménager le bien nommé boulevard de l’Empereur.

Pas besoin d’un service public aux 50 nuances de rouge

Donc, monsieur Philippot, pour le pluralisme de l’information, vous reviendrez en seconde session qui, je le crains, sera ajournée indéfiniment. Venons-en aux autres arguments. Souvent, les émissions culturelles reflètent aussi des choix idéologiques. Soumis à des obligations contractuelles strictes, on ne voit pas pourquoi le privé ne pourrait produire ou diffuser des émissions culturelles de qualité. Le Concours Reine Elisabeth par exemple peut sans doute être couvert et diffusé à moindre coût sans mobiliser la machinerie publique avec ses contraintes syndicales aussi exorbitantes du droit commun que désuètes[1]. Avec une mission de service public, une fréquence spécifique et une subvention, un opérateur privé fera l’affaire pour diffuser de la musique classique, comme le fait Musiq3, ce qui pourrait même se faire sans insulter la langue française !

Aucun des arguments avancés ne tient donc la route au XXIème siècle. La francophonie belge a besoin de pluralisme, pas d’un service public aux cinquante nuances de rouge. Une seconde et idéalement une troisième chaines privées y contribueraient, même si on connaît les contraintes d’un petit marché de 4 millions d’habitants.

Un vieux paquebot qui coûte 240 millions par an

Comme son immeuble qui évoque le stalinisme et les années 60, la RTBF est un vieux paquebot, coûteux, mal géré, polluant les consciences (aux fumées rouges) et emportant quelques dizaines de passagers oisifs qui, des cabines de luxe à la soute, se la coulent douce. Ce navire est dirigé et sait où il va, mais ses actionnaires — nous ! — en ont perdu le contrôle. Ceux qui le regardent ou l’écoutent encore crachoter sa vapeur se disent qu’un petit navire neuf avec des cheminées multicolores ferait mieux l’affaire. Ce vieux paquebot, on peut le privatiser (mais qui en voudra ?) ou l’envoyer à la casse et en faire deux pour moins cher. Un qui navigue à bâbord et l’autre à tribord. Chiche !

Les finances francophones sont exsangues. Rien ne justifie de saigner les contribuables du montant astronomique de 240 millions d’euros par an (sic) pour une parole sectaire qui vise plus ou moins subtilement à endoctriner.

[1] Le régime des caméramans par exemple est une survivance d’un autre âge.

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