Guy Fays, secrétaire régional de la FGTB-Namur. © Belga

 » On se syndique de plus en plus comme on prendrait un Touring Secours social « 

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Guy Fays, secrétaire régional de la FGTB-Namur, alerte son organisation sur la perte d’influence qui la guette. Et il dénonce l’évolution du PS,  » contaminé  » par la droite.

En marge de la lutte interne que se livrent Marc Goblet et Estelle Ceulemans pour succéder à Anne Demelenne à la tête du syndicat socialiste (début octobre), le chef de file de la FGTB namuroise livre un regard sans fard sur l’affaiblissement du syndicalisme belge.

Le Vif/L’Express : Quel serait le portrait-robot idéal du successeur d’Anne Demelenne ?

Guy Fays: Notre ligne doit rester celle que préconisait l’ancien président de la FGTB, François Janssens : négocier quand c’est possible, se battre quand il le faut. Le secrétaire général devra être un opposant à tout ce qui peut représenter un danger pour le progrès social. On attend aussi qu’il soit absolument indépendant des partis politiques. Nos militants sont de moins en moins en symbiose avec une « Action commune » qui nous lierait au PS.

Marc Goblet souhaite, lui, renforcer l’Action commune. Il a tort ?

A Namur, l’Action commune n’existe plus depuis trente ans. Toutes les tentatives pour la réanimer se sont soldées par un échec. Moi-même, j’ai essayé de recréer un défilé commun pour le Premier mai. J’ai vite déchanté. Parce que je sentais peu d’engouement de la part des centrales et parce que mon expérience m’a rendu de plus en plus critique vis-à-vis du PS.

Cette question des relations PS-FGTB devra être tranchée ?

La question se tranchera d’elle-même, car on a le sentiment qu’il n’y a plus de Parti socialiste, mais un Parti social-démocrate. On se rend compte que le projet socialiste qu’on défend n’est plus tout à fait en adéquation avec ce que fait le PS. C’est comme s’il y avait un nouveau veau d’or : la compétitivité des entreprises. Même les partis de gauche se prosternent devant lui. Eux aussi, désormais, proposent d’octroyer des ristournes au patronat, en baissant les cotisations sociales. Les partis de gauche sont contaminés par cette idée de primauté de l’économie sur tout le reste.

Avec un gouvernement fédéral ancré à droite, la FGTB va faire de la surenchère gauchiste ?

> Je n’y crois pas. Car si on décrétait des actions à répétition, je ne suis pas convaincu que nos affiliés suivraient en masse. De plus en plus de gens sont syndiqués comme s’ils prenaient un Touring Secours social. Ils se disent : on ne sait jamais, ça peut servir… Nos affiliés sont de plus en plus des cotisants, et de moins en moins des adhérents. Ce que fait le syndicat du point de vue collectif leur passe au-dessus de la tête. Sous le gouvernement Di Rupo, déjà, les leaders métallos auraient voulu qu’on adopte une stratégie beaucoup plus offensive. J’adhère souvent à leurs constats mais notre organisation n’est pas faite que de métallos. Il y a aussi des enseignants, des employés, des ouvriers qui travaillent dans des entreprises où il y a peu de délégation syndicale. Quelle représentativité avons-nous encore ? A la FGTB, on ne se pose pas assez cette question-là. Or c’est un élément qui risque de nous handicaper si on optait pour une radicalisation de nos actions.

Les statuts de la FGTB prévoient 30 % de femmes dans les instances dirigeants. Faut-ils les respecter à la lettre ?

> Alors que la FGTB vient de mener une campagne « No Sexism », remplacer Anne par un homme serait un mauvais signal. Au départ, les quotas, je trouvais que c’était une insulte à l’intelligence qu’on doit reconnaître à chaque homme ou femme. Mais je constate que, sans quota, on n’y arrive pas. Ces dernières années, le nombre de femmes parmi les dirigeants de la FGTB a régressé. Indépendamment des qualités de Marc Goblet, je pense qu’il faut une femme à la tête de la FGTB.

Le dossier « Guerre de succession à la FGTB » dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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