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Olivier Maingain : « Moi, ministre de la Culture ? Quand on veut ! »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

L’inamovible président de DéFI (ex-FDF) veut extirper son parti de son carcan bruxellois. Aux Wallons, Olivier Maingain veut se présenter à la fois comme ultime rempart contre l’impérialisme flamand et comme probe apôtre de la bonne gouvernance, avec les communales de 2018 et les régionales de 2019 comme « moment de vérité « .

Le Vif/L’Express : Vous avez appelé les gouvernements wallon et bruxellois à définir ensemble une position commune sur la mobilité. Ils n’en ont rien fait. Parce que Bruxellois et Wallons se désintéressent les uns des autres, ou parce que les politiques wallons se désintéressent du président de DéFI ?

Olivier Maingain : Parce que Wallons et Bruxellois ne se parlent plus assez, sur un certain nombre d’enjeux essentiels. Il ne faut pas se le cacher, il y a un discours malheureusement porté par une série d’acteurs, y compris dans des partis qui n’ont jamais été régionalistes comme le MR. Ils sont en train de creuser le fossé entre la Wallonie et Bruxelles. C’est totalement contre-productif…

Vous visez depuis quelques années à implanter votre formation en Wallonie. Sans grand résultat !

Je connais nos faiblesses : quand on n’est pas dans l’enceinte parlementaire, on a moins d’écho. C’est tout notre enjeu : émerger aux prochaines élections communales, où l’ambition est d’être présents dans cinquante à septante communes. On aura alors un réseau pour monter en puissance pour 2019, donc 2018 sera le moment de vérité.

On vous entend pourtant peu intervenir sur les questions wallonnes…

En Wallonie, cet affrontement PS-MR, consternant, est en train d’empêcher toute vision d’avenir. Cette compétition permanente nuit considérablement à la Wallonie. Il n’y a, en outre, pas de remise en cause de la gouvernance en Wallonie, tant du côté du PS que du MR. Un excellent dossier paru dans vos pages (lire Le Vif/L’Express du…) montrait ce qu’étaient les méthodes d’appropriation du pouvoir par le MR en Brabant wallon. Les méthodes de la famille Michel ne sont pas spécialement éloignées de ce qu’on a pu trouver au PS en d’autres lieux. Le tribalisme politique dans toute sa splendeur !

Vous communiquez très peu là-dessus…

Vous avez raison. Je vais m’investir plus directement dans un certain nombre de dossiers wallons et porter plus spécifiquement un message wallon. Car nous avons une crédibilité qui nous différencie des partis purement contestataires. Il y a aujourd’hui un vote refuge vers ces partis qui semblent être les seuls en mesure d’assurer une alternance. C’est là que nous avons une carte à jouer. Notre crédibilité de parti gestionnaire et cohérent peut nous permettre de faire la différence en n’étant pas seulement un vote sanction mais un vote de proposition. Par exemple : il est temps de remettre en cause le nombre d’intercommunales et de structures publiques. Il faut aussi supprimer la fonction de gouverneur, qui n’est qu’une prébende pour des politiques à reclasser. Et puis, j’ai une grande proposition, que nous défendrons aussi sur Bruxelles : un mandat qui n’est pas le résultat du suffrage universel (membre d’une assemblée ou d’un exécutif responsable devant celle-ci) ne doit plus être rémunéré. Ça va assainir les institutions publiques de Bruxelles et de Wallonie. Pourquoi les politiques créent-ils tous ces bidules ? Parce que ce sont des prébendes, avec des rémunérations ou des avantages en nature. Cela deviendrait une règle absolue : vous n’êtes rémunéré que si vous avez été élu du peuple. Sinon : rien !

Avec qui avez-vous des contacts en Wallonie ?

Nous en avons avec des personnalités qui ont une grande expérience politique, qui ont une notoriété dans leur parti d’origine ou dans d’autres milieux. Un certain nombre d’entre elles sont disposées à faire le pas en nous rejoignant.

Des personnes encore actives en politique ?

Pour certains, oui. Ce sont des personnes qui sont intéressées par notre crédibilité. C’est un travail de fond que je mène personnellement.

Vous n’êtes pas dans le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Parce que vous ne l’avez pas voulu ou parce qu’on ne vous l’a pas proposé ?

J’ai eu à l’époque une discussion avec Benoît Lutgen et Elio Di Rupo. C’était possible. Mais les conditions proposées ne nous donnaient aucune influence. C’était se retrouver otage d’une majorité, à des fonctions subalternes et sans aucune visibilité.

Du coup, les mêmes parlementaires sont dans la majorité à Bruxelles et dans l’opposition à la Fédération. Comment le gérez-vous ?

Les majorités ne sont jamais totalement symétriques. Il nous arrive parfois de voter des projets du gouvernement. Mais ce qui m’affole, c’est l’absence d’ambition. Ce gouvernement donne l’impression de ne gérer que l’immédiat, alors que cette Fédération, contrairement à ce que disent les régionalistes, a un rôle essentiel pour se projeter dans l’avenir. Ne serait-il pas temps, face à la Flandre, qu’au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles on établisse la liste de ce qui nous semble être incontournable dans le débat communautaire et institutionnel ? Le ministre-président de la Fédération, pourquoi pas avec ses collègues bruxellois et wallon, ne doit-il pas montrer que désormais les francophones vont se faire respecter ? D’ici à l’été, je vais annoncer ce que sont nos priorités en vue du grand débat que la Flandre appelle de ses voeux. Et on va leur dire un certain nombre de vérités.

Lesquelles ?

Il faut être un peu plus dur avec ces gens-là. Dire à la N-VA qu’on ne négocie pas son confédéralisme. S’ils veulent sortir, qu’ils sortent. C’est comme dans le débat sur le Brexit. Vous n’allez pas obliger les autres à s’appauvrir parce que vous voulez tirer les marrons du feu. Nous travaillons à un inventaire complet : « Le jour où vous ferez le choix de la séparation, voilà ce que vous allez perdre ! » Il faut leur faire comprendre non seulement ce qu’ils vont perdre, mais aussi ce que nous sommes en droit d’exiger face à leur folie institutionnelle.

C’est intéressant pour vous, politiquement, de remettre le communautaire à l’agenda…

Je suis lucide, je connais la tendance profonde du nationalisme flamand.

C’est aussi la tendance profonde de votre parti !

Pas du tout ! Moi, je vais aller parler de nos priorités économiques ! Je ne vais pas aller parler du programme institutionnel. Quand j’entends Jean-Luc Crucke déclarer qu’il est confédéraliste, je dis que c’est un anti-Wallon !

Vous avez été très offensif contre le gouvernement de la Fédération, au début de la législature. Qu’auriez-vous pu lui apporter ?

Je suis sidéré de voir une politique culturelle gérée sans vision. La chance des Wallons et des Bruxellois, avec la francophonie, c’est de rayonner au-delà de nos frontières. Faites le tour de l’Europe : les régions en difficulté ont toutes misé sur un projet culturel qui leur donne une autre image. Où est le grand projet culturel commun pour la Wallonie et Bruxelles ? A Liège il y a une réflexion pour associer développements culturel et économique. A Charleroi et à Mons aussi, même si on craint la suite de Mons 2015… Mais quel équilibre trouve-t-on ? On a le sentiment que tout le monde veut tout faire, et plus rien ne dépasse nos frontières. Or, réussir un projet culturel, c’est sortir de ses frontières.

Un ministère aurait pu vous donner une assise politique sur le territoire wallon…

Ah moi, je suis tout prêt à devenir ministre de la Culture, quand on veut ! C’est sans doute un des domaines les plus essentiels à un avenir. Au tout début de ma carrière, j’ai été directeur adjoint de Valmy Féaux (NDLR : PS, ministre-président de la Communauté française entre 1989 et 1991). Quand je vois ce qu’on faisait à l’époque, il y avait de la vision. Hervé Hasquin a été un ministre-président visionnaire avec le Théâtre des Doms, à Avignon. Il faut élargir cette réflexion.

Entretien : Nicolas De Decker

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