La centrale nucléaire de Doel. © Reuters

Nucléaire: vers le grand sauve-qui-peut

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Vingt centrales nucléaires dans un rayon de 100 kilomètres : la Belgique vit sur une chaîne de volcans atomiques. Le jour où l’un d’eux s’éveillera, une évacuation bâclée pourrait virer à la cohue générale.

La question n’est plus de savoir si, mais quand un crash nucléaire d’envergure se produira sous nos latitudes. Les vénérables réacteurs de Tihange et de Doel en butte à des pépins techniques officiellement sous contrôle, le site de Doel victime d’un sabotage officiellement au stade de l’énigme deux ans après l’acte : soutenir encore sans ciller qu’une catastrophe sérieuse relève de l’impensable confine à l’aveuglement.

Tous aux abris ? La bonne planque affichera complet à la vitesse de l’éclair. Vingt centrales déployées dans un rayon de 100 kilomètres, dans des zones très densément peuplées : plus nucléarisé que l’espace belge, tu meurs.

Des experts en sécurité nucléaire au sens critique ont récemment repris leur bâton de pèlerin dans l’espoir de convaincre les décideurs belges d’appuyer sur le champignon. Faire avaler dans l’urgence des comprimés d’iode préalablement distribués à grande échelle afin de protéger la thyroïde pourrait bien ne pas suffire. Il faudra songer à mettre de la distance entre un site en éruption et les populations qui l’avoisinent. Ce qui devrait jeter énormément de monde sur les routes.

Auteur d’un avis pour le moins critique sur les plans d’urgence nucléaire actuels, le Conseil supérieur de la santé (CSS) a fixé une échelle de grandeur :  » Un accident sévère dans une centrale belge ou située à proximité de la frontière pourrait toucher jusqu’à un million de personnes et des territoires abritant d’importantes activités économiques et des noeuds de trafic européen.  » Fukushima au plat pays, bonjour les dégâts : la Flandre (13 522 km2) égale en superficie la préfecture japonaise dévastée en mars 2011, mais elle abrite trois fois plus d’habitants (6 millions).

 » Evacuer en panique, c’est créer un accident dans l’accident  »

Excellente raison, ont recommandé les représentants du CSS auditionnés au Parlement, pour voir plus grand s’il fallait un jour vider les lieux : il ne serait pas idiot de porter de 10 à 20 kilomètres minimum le rayon d’une évacuation. A mener avec ordre et méthode, de préférence.

Sauve qui peut ? Le scénario du pire reste dans les cartons.  » La Belgique n’a aucune culture en matière d’évacuation de la population et de discipline de groupe « , est venu asséner Antoine Debauche (UCL), ex-directeur sécurité à l’Institut national des radioéléments,  » aussi bien à Doel qu’à Tihange, réaliser une évacuation dans l’ordre serait très compliqué pour ne pas dire impossible, à grande échelle.  »

Les autorités ne se sont jamais risquées à simuler pareil exode :  » On se prépare pour la forme et pour rassurer la population.  » Inch’Allah :  » Evacuer en situation de panique revient à créer un accident dans l’accident. Il n’y a rien de plus dangereux que de laisser tout le monde fuir en famille dans la confusion et l’énervement. La voiture non ventilée et les embouteillages causeraient un chaos dangereux au milieu d’un nuage de radioactivité.  »

Les autorités ont promis de faire de ces alarmes autre chose qu’un énième cri dans le désert. Réponse dans le plan d’urgence nucléaire attendu pour la fin de l’année.

Par Pierre Havaux

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire