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Nucléaire : Johan Vande Lanotte ne veut pas courir de risque de black-out

Les principaux ministres du gouvernement fédéral sont arrivés ce matin au 16 rue de la Loi pour participer à une réunion du Comité de concertation avant la tenue d’un Comité ministériel restreint sur le plan Energie du secrétaire d’Etat Melchior Wathelet. Alors qu’au sp.a, certains ont descendu en flèche ce plan qui prévoit le prolongement du réacteur de Tihange 1 jusqu’en 2025, le vice-premier ministre Johan Vande Lanotte s’est voulu constructif.

« Il s’agit du premier plan concret organisant la sortie du nucléaire » depuis la loi de 2003, a fait observer le chef de file sp.a au gouvernement fédéral. Six des sept réacteurs seront fermés conformément à cette loi, a-t-il poursuivi.

Le plan prévoit une prolongation de dix ans de Tihange 1. Il faudra en discuter sur base non seulement des rapports de la CREG et de l’administration mais également d’Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, selon qui une fermeture totale des centrales nucléaires pourrait entraîner un « black-out », a indiqué M. Vande Lanotte. « Je ne veux courir aucun risque », a-t-il dit.

Le vice-premier sp.a est d’avis que dans l’hypothèse de la prolongation de Tihange 1, il faudra veiller à protéger le consommateur, notamment en prévoyant une mise à disposition en vue d’influer à la baisse sur les prix. A cet égard, le plan de Melchior Wathelet apparaît « limité », a dit Johan Vande Lanote.

Certains faisaient valoir que, comme au sp.a, certains au CD&V pourraient également se montrer réticents. Ses représentants ont affiché une certaine discrétion à leur arrivée au « 16 ». Il faut veiller à ce que « les prix de l’énergie soient sous contrôle », a indiqué le ministre-président flamand Kris Peeters alors que le vice-premier ministre fédéral Steven Vanackere se refusait à tout commentaire.

Présent pour la réunion du Comité de concertation, le vice-président du gouvernement wallon Jean-Marc Nollet a pour sa part appelé Melchior Wathelet à réunir l’ensemble des ministres de l’Energie du pays afin d’échanger des éléments chiffrés. Le ministre écologiste qualifie le prolongement de Tihange 1 d' »inutile » et « dangereux ». Il n’y a « pas de compromis », le gouvernement fédéral s’est « mis à genoux », pour « faire plaisir à Electrabel », pour une question de « dividendes », a-t-ilsouligné.

Au PS, on fait valoir que le plan proposé par Melchior Wathelet n’est « pas à prendre ou à laisser ». Il va falloir en étudier « les modalités », examiner s’il répond à des « critères objectifs », a dit Laurette Onkelinx. La vice-première ministre souhaite avoir « la certitude qu’on s’inscrit bien dans la sortie du nucléaire, qu’on travaille parallèlement sur les énergies renouvelables ». Il faut également, a-t-elle dit, « qu’il y ait pour le consommateur la certitude que les prix n’augmenteront pas ». Il y a encore « beaucoup de travail », a lancé la ministre socialiste.

A son arrivée, Melchior Wathelet s’est montré volontariste. « Je vais défendre mon plan », a-t-il dit.

Le sp.a n’est pas d’accord avec le plan Wathelet

Le sp.a, un des partis de la coalition fédérale, est d’avis que le calendrier pour la sortie du nucléaire doit rester inchangé.

Il n’a pas l’intention de se rallier sans discuter au plan que présente ce mercredi matin le secrétaire d’Etat Melchior Wathelet au Comité ministériel restreint, explique le parlementaire flamand
Bart Martens. Celui-ci affirme s’être concerté avec le président du parti Bruno Tobback et le vice-premier ministre Johan Vande Lanotte.

Dans De Morgen et sur la VRT radio, M. Martens souligne que son parti veut le maintien du calendrier tel qu’il existe et ne croit pas à l’utilité du maintien en activité de vieilles centrales. « L’énergie nucléaire est opposée à l’énergie verte. Ces deux types de production ne collaborent pas », dit M. Martens qui ajoute toutefois qu’il suppose que « le plan Wathelet n’est pas à prendre ou à laisser ».

Pour le sp.a, la Belgique ne doit pas produire elle-même toute son électricité. « Nous pouvons acheter de l’électricité chez nos voisins et cette électricité est même souvent beaucoup moins chère que celle produite chez nous ».

Le plan de Melchior Wathelet

Le plan que présente Melchior Wathelet prévoit notamment la fermeture de Doel I et II en 2016 et la prolongation de Tihange I jusqu’en 2025. Les trois centrales représentent une capacité globale de quelque 2000 MW et il est impossible de se passer en une fois de l’ensemble de cette capacité. Le secrétaire d’Etat propose dès lors de prolonger de 2015 à 2025 l’existence de Tihange I qui représente 900 MW.

Son choix s’est porté sur la centrale de Tihange pour plusieurs raisons dont celle du coût moins élevé de son adaptation, le fait qu’il ne s’agit que d’une seule unité et la proximité de Doel avec le Centre d’Etude de l’Energie Nucléaire situé à Mol qui aura un rôle important à jouer dans le démantèlement des centrales.

La tranche nucléaire prolongée serait mise à disposition du marché afin d’augmenter la concurrence. Le calendrier définitif de sortie du nucléaire découlant de cette décision sera inscrit dans la loi et la clause de sauvegarde sera supprimée pour confirmer le caractère définitif de la sortie du nucléaire.

La fermeture d’une tranche nucléaire en 2015 permettrait également de réduire les risques liés au phénomène de surproduction en cas de demande faible et de production renouvelable importante. Cela initie aussi de façon crédible le processus de sortie du nucléaire.

Le plan prévoit également que lorsqu’un producteur décide la mise à l’arrêt de certaines capacités classiques, il sera possible de placer temporairement ces capacités dans une réserve stratégique afin de préserver l’approvisionnement jusqu’en 2014.

On devrait ainsi réduire, avec la prolongation de 900 MW nucléaire, le risque de manque de capacités en 2017 pour autant que de la capacité d’importation soit disponible.

Enfin, Melchior Wathelet propose de mettre sur pied une procédure d’appel d’offres afin d’attirer de nouveaux investissements en capacité de production modernes à base de gaz, d’apporter au marché belge la flexibilité indispensable au développement des énergies renouvelables, et de réduire la dépendance électrique vis-à-vis de l’étranger.

Les investisseurs se verront octroyer une rémunération garantie qui ne sera activée que lorsque le marché ne permet pas de rentabiliser ces outils indispensables au réseau électrique belge et à la sécurité d’approvisionnement.

Le plan comporte un calendrier précis de fermeture pour les autres centrales:

– 1er avril 2022 : fermeture de Doel 3 (au lieu du 1er octobre 2022)

– 1er avril 2023 : fermeture de Tihange 2 (au lieu du 1er février 2023)

– 1er avril 2025 : fermeture de Tihange 1, de Doel 4 (au lieu le 1er juillet 2025) et de Tihange 3 (au lieu du 1er septembre 2025).

Ce calendrier devrait permettre de tenir compte de la nécessité de garantir la sécurité d’approvisionnement et de la logique consistant à fermer les réacteurs nucléaires juste après l’hiver, période de l’année où la consommation est la plus élevée.

« Cela va à l’encontre de la loi sur la sortie du nucléaire » Cette proposition est « totalement inacceptable », selon Greenpeace. « Cela va à l’encontre de l’esprit de la loi sur la sortie du nucléaire et de l’accord de gouvernement », a indiqué Elio Glorieux de l’organisation environnementale.

Elio Glorieux s’est dit « extrêmement déçu » de ces plans. « J’espère que l’Open Vld et le sp.a tiendront tête demain et que ce ‘compromis à la Belge’ ne sera pas accepté. »

Selon le spécialiste en énergie nucléaire chez Greenpeace Belgique, « vous pouvez reporter la sortie uniquement en cas de problèmes d’approvisionnement », selon la clause de sauvegarde pour la sécurité d’approvisionnement, explique-t-il. « Dix années supplémentaires n’aideront en rien ».

Par ailleurs, Greenpeace souligne que le plan d’équipement ne laisse aucune place à de nouveaux acteurs. Selon l’ONG, la perte de 900 MW de production, soit 7,5% du marché, avec Doel I et II, est trop faible pour que de nouvelles centrales fonctionnant au gaz concurrencent l’électricité issue de l’énergie nucléaire.

Avec la prolongation de Tihange, les centrales fonctionnant au gaz auront également moins d’heures de roulement, selon Elio Glorieux. La prolongation de la durée de vie de Tihange I sera finalement payée par le citoyen, explique-t-il encore.

La fermeture de Doel 1 et 2 coûterait au moins 1.500 emplois Une fermeture de Doel 1 et 2 coûterait au moins 1.500 emplois, selon le front commun syndical qui se réfère à une récente étude sur l’emploi dans le secteur par Forum nucléaire. Les syndicats estiment que la proposition de Melchior Wathelet est « un mauvais compris » car la Belgique devrait importer de l’électricité et donc, exporter des emplois.

« Le secteur nucléaire emploie directement 2.000 personnes et 10.000 indirectement. Si on fermait Doel 1 et 2 en 2016, comme le prévoit M. Wathelet dans sa proposition, au moins 1.500 emplois disparaîtraient », explique Philippe Hendryckx, de la Confédération nationale descadres.

Il explique aussi que la fermeture annoncée des centrales nucléaires s’est déjà accompagnée des fermetures de centrales comme celles de Ruien ou des Awirs. « Les centrales à gaz ne sont pas rentables et là aussi, des emplois sont menacés. »

Le syndicat s’oppose à l’abandon du nucléaire. « Nous aurons des problèmes d’approvisionnement et devrons importer de l’énergie. Les rejets de CO2 posent aussi problème. Si on ferme Doel 1 et 2, 5 millions de tonnes de CO2 ne seront pas économisées », explique encore le responsable syndical.

Le Vif.be, avec Belga

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