Olivier Mouton

Non, la politique n’est pas une fin en soi

Olivier Mouton Journaliste

Le retrait de Sabine Laruelle (MR) et la défaite assumée d’Isabelle Durant (Ecolo) rappellent ce que l’on a tendance à oublier: l’implication en politique n’est pas une carrière comme les autres, c’est l’accomplissement d’un idéal, fut-il temporaire. Dans un monde qui n’est pas celui des bisounours.

Deux femmes politiques belges d’envergure, Sabine Laruelle (MR) et Isabelle Durant (Ecolo), font un pas de côté. Dans des circonstances certes très différentes. Toutes deux témoignent néanmoins du fait que la politique n’est pas seulement une volonté farouche de s’accrocher au pouvoir à tout prix. Ce n’est « pas une fin en soi », dit Laruelle. Et c’est, au fond, une bonne nouvelle pour les citoyens- électeurs.

Sabine Laruelle ne se représentera plus en mai 2014. Un choix personnel. La décision de la ministre fédérale des Classes moyennes, des PME, des indépendants et de l’agriculture est « irrévocable ». « J’ai eu une vie avant la politique et j’en aurai une après, dit celle qui fut auparavant directrice de la Fédération wallonne de l’agriculture. Je ne voulais pas faire la législature de trop. » De sains propos…

Cette reyndersienne a certes été marquée par la guerre des clans au sein du MR et, récemment encore, par la démission forcée de son chef de cabinet « coupable » de ne pas avoir consulté son parti dans l’affaire Tecteo. Si son choix est sans aucun doute marqué par les blessures d’un monde qui, rappelle-t-elle, n’est pas « celui des bisounours », elle n’en sort pas moins la tête haute. Ministre pendant dix ans au fédéral, elle songe à une reconversion, peut-être dans l’humanitaire. Pour poursuivre ses idéaux, différemment.

Isabelle Durant, vice-présidente du parlement européen, aurait quant à elle préféré ne pas devoir tirer sa révérence de la sorte. Battue lors des primaires de son parti pour les listes européennes par l’hyperactif Philippe Lamberts, elle paye un péché d’orgueil: pour elle, c’était la tête de liste ou rien… Mais celle qui fut aussi vice-Première au fédéral sous Verhofstadt assume sa défaite « sans rancoeur ni abattement ». Elle salue son opposant: « L’AG d’Ecolo a fait le choix d’un très bon candidat. » Et se dit désireuse de continuer de travailler à faire avancer notre projet européen alternatif, sur le terrain et au niveau européen ».

Même si des circonstances les ont poussées à s’en aller, ces deux femmes témoignent d’une nouvelle tendance: à l’heure où les citoyens jugent, à juste titre souvent, que la politique s’est dévoyée en devenant un univers carriériste, oligarchique (les nombreux « fils et filles de… »), leur départ, volontaire et assumé, est un signal positif. Il s’agit pour ces deux femmes de reconnaître la force de l’idéal qui s’éteint, parfois, d’assumer ses erreurs de jugement et ses fragilités. Tout en permettant à de nouveaux visages d’émerger.

Une tendance lourde. Après la plus longue crise politique de l’histoire du pays, nombre de politiciens ont fait un pas de côté. L’ancienne ministre Inge Vervotte (CD&V) dirige désormais la fondation Emmaüs tandis que son mentor, l’ancien Premier ministre Yves Leterme, s’est réorienté vers une carrière plus technique à l’OCDE. Steve Vanackere, vice-Premier CD&V et ministre des Finances, s’est retiré, épuisé par les attaques de la N-VA contre l’ACW. Dans un autre registre, la ministre CDH francophone Marie-Dominique Simonet s’est retirée pour lutter contre la maladie. Les exemples, désormais, sont légion. On ne s’accroche plus. On ne meurt plus ministre ou président de parti. Dans le même moment, une nouvelle génération de trentenaires et de quadragénaires est arrivée sur le devant de la scène avec d’autres énergies, d’autres méthodes, un autre regard et la volonté de trouver des solutions. Un nouvel élan.

Ces départs plus ou moins volontaires sont aussi, certainement, l’illustration de mondes professionnels devenus plus flexibles, moins fermés, de carrières devenues moins linéaires pour tout le monde, dans tous les secteurs. Mais en politique, où l’éthique est plus indispensable que partout ailleurs, ce souffle nouveau est bienvenu. Il était grand temps de renouer avec cet idéal selon lequel nos élus sont avant tout des représentants du peuple temporairement en charge de leur destin commun.

« La politique n’est pas une fin en soi »: les propos de Sabine Laruelle résonnent comme une morale de l’histoire. Ne l’oublions jamais: la politique est avant tout un moyen, fut-ce temporaire, de réaliser des idéaux au service de la collectivité.

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