Christine Laurent

Négociations : les dupes et les dupés

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Il n’a pas besoin de lustrer son profil, il s’en fiche. Totalement désinhibé du souci de plaire, il avance obstinément dans le sillon qu’il a lui-même tracé sur la trame de l’Histoire et qui devrait le conduire au but obsessionnel qui l’habite tout entier : l’indépendance de la Flandre.

Par Christine Laurent

Bart De Wever vient de claquer la porte des négociations engagées par les sept partis. Il en a assez. Fini de jouer aux « petits jeux enfantins » et de « patauger », on efface tout et on repart à zéro. Et de relever fièrement le menton : non, la N-VA n’a pas peur de la crise, oui elle veut changer de partenaires, accélérer le tempo. Vite et mieux, un pari à haut risque qu’elle assume en affichant une surprenante sérénité, laissant ainsi les autres partis totalement désarçonnés.

Avec à peine 18 % de l’électorat belge, la N-VA fait la loi. Incontournable. Un véritable abus de pouvoir ? Aux yeux des francophones, c’est certain. Mais le président du parti nationaliste s’en moque. Et de pointer le trio PS-Ecolo-CDH clairement accusé d’être « en retard d’une négociation », enlisé dans une culture politique et une stratégie dignes de 2007, alors que lui, il voit loin, beaucoup plus loin. Un dialogue de sourds, une mascarade, un jeu de dupes et de dupés qui ne peut conduire qu’à l’impasse.

Les francophones acceptent, après des semaines de palabres, de faire un pas de géant avec un transfert de 15 milliards d’euros de l’Etat fédéral aux Régions ? « Peanuts » pour la N-VA qui vise, à terme, les 140 milliards ! Ce sera Copernic ou rien. Et peu importe si, entre-temps, la situation de la Belgique pourrit lentement. Bart De Wever n’a-t-il pas manifesté une indifférence insolente à l’égard d’un pays dont il souhaite, à terme, la disparition ?

Pour y parvenir, il nous a concocté une thérapie de choc. En mariant habilement l’eau et le feu, il entraîne les francophones, qui peinent à sortir de leurs douces illusions, à naviguer dans la vapeur. Enfumage et mensonges, assertions ciselées, distillées au compte-gouttes, métaphores corrosives, ouverture et replis, main tendue et portes qui brutalement se ferment, tout y passe. Normal, il a rendez-vous avec l’Histoire. Tout le reste n’est que broutilles. Les principes avant le pouvoir et ses compromissions. Aucun maroquin ne le tente, ni lui ni ses amis. Encore moins le 16, rue de la Loi. De Wever s’identifie totalement à cette nouvelle génération de politiciens qui n’inscrivent leur avenir que dans une Flandre indépendante.

Doit-il être diabolisé pour autant ? Pas sûr. Le comprendre mieux, c’est aussi, pour ses interlocuteurs, maîtriser davantage les ficelles de négociations serrées et difficiles. Les libéraux en seront-ils capables ? A suivre. Plus à droite sur l’échiquier politique, donc plus proches du programme économique de la N-VA, le MR et l’Open VLD au fédéral pourraient peut-être rassurer un Bart De Wever qui a clairement exprimé ses réticences à l’égard de l’olivier.

Mais qui pourrait donc freiner, voire arrêter vraiment le président de la N-VA dans son opération de dépeçage du pays ? Seule peut-être l’ombre menaçante des marchés financiers qui, dans quelques mois, pourraient s’intéresser de nouveau à la Belgique. Toujours sans gouvernement, sans plan d’assainissement, sans budget d’austérité, avec une dette publique croissante, notre pays se fragilise. Pas bon pour la Flandre, tout ça ! Pas bon du tout pour De Wever non plus !

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