Gérald Papy

Ne pas céder aux terroristes

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’Histoire ne retiendra sans doute pas que la suédoise, dans laquelle certains voient une source de confrontation permanente entre pouvoir fédéral et entités fédérées, a réussi, avant même d’être créée, à forger un consensus entre tous les partis de gouvernements, au nord comme au sud du pays, sur un dossier tout sauf anodin, l’entrée en guerre de la Belgique contre le groupe terroriste Etat islamique.

Que la politique étrangère fasse consensus en Belgique n’est pas une surprise. Il était cependant important qu’anciens et futurs dirigeants nationaux adhèrent au principe d’une opération qui porte en elle les germes de menaces et de tensions futures.

La résolution que les députés belges ont approuvée à une large majorité, hormis l’opposition du PTB et l’abstention d’Ecolo-Groen, a le mérite d’être équilibrée. Elle insiste à juste titre sur la nécessité d’une « approche politico-diplomatique, financière, économique et socio-humanitaire » en complément de l’intervention militaire en elle-même « insuffisante pour trouver une solution durable à la crise ».

Opportune, cette alliance sacrée est cependant vouée à subir des contrariétés au gré des développements de l’opération « Faucon du désert ». La Belgique s’expose inévitablement à de possibles représailles terroristes sur son territoire. Nos services de sécurité ont acquis une expérience reconnue dans la lutte contre ce fléau. Mais l’attentat au Musée juif de Belgique, le 24 mai dernier, démontre, comme le confirme le patron de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace André Vandoren dans l’interview exclusive qu’il a accordée au Vif/L’Express, qu’il n’existe pas de parade infaillible au radicalisme.

Sur le terrain, les écueils à éviter seront nombreux. Le soupçon d’une croisade occidentale ou d’une manipulation par les chiites, à la manoeuvre à Bagdad et à Damas, que la participation à la coalition d’Etats arabes sunnites dément pour le moment. Le défi de la restauration d’un Etat de droit impartial en Irak et celui d’une forme de réconciliation nationale en Syrie. Enfin, la déradicalisation des djihadistes européens et arabes et la délicate promotion d’une culture de la cohabitation démocratique.

L’implosion des démocraties par le virus communautariste fait partie intégrante de la stratégie des extrémistes

Les simplifications mènent à l’incompréhension et à la violence. En l’occurrence, derrière les djihadistes-égorgeurs de l’Etat islamique, cohabitent des populations sunnites qui peuvent nourrir de légitimes préventions contre les Américains et le pouvoir central irakien pour leurs reniements passés. Et au-delà de Mariam al-Mansouri, la pilote d’avion de combat médiatisée comme un symbole de modernité des Emirats arabes unis, prospèrent, dans les pays du Golfe, des obscurantistes supporters et financiers du djihadisme le plus radical…

Plus sensible sera l’engagement de la Belgique en Irak, plus grand sera le risque que ce même genre de simplismes et d’amalgames n’attisent les tensions dans notre pays. Or, notre voisin ne se réduit pas à sa seule confession. L’implosion des démocraties occidentales par le virus communautariste mâtiné de choc des civilisations fait partie intégrante de la stratégie des extrémistes. Comme la réduction du champ démocratique par l’adoption de lois liberticides sous l’effet de la peur. Il appartient à nos dirigeants et à nous, citoyens, de tout faire pour ne pas y succomber.

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