Thierry Fiorilli

N-VA : La farce du changement

Thierry Fiorilli Journaliste

De kracht van verandering. La force du changement. C’était le slogan de la N-VA pour la campagne d’avant les élections communales d’octobre 2012. Un slogan, une campagne et des élections qui, dans près d’une commune flamande sur deux, ont installé le parti nationaliste au pouvoir.

Bilan des nouveaux maîtres de Flandre, un an plus tard : beaucoup de démonstrations de force, comme le nouveau riche exhibe sa fortune subite, et très peu de changements. Même en tenant compte du contexte budgétaire et économique difficile, même en n’oubliant pas qu’il faut laisser du temps au temps, on peut prétendre que le parti de Bart De Wever n’a pas convaincu. Il restera incontournable, au niveau régional et peut-être fédéral, après le scrutin de mai prochain, mais il a prouvé, déjà, qu’il n’incarne pas le renouveau tellement annoncé, hormis sans doute en termes de communication.

Dans les faits, la N-VA se retrouve dans une situation assez similaire à celle qui préside aux destinées… du gouvernement Di Rupo, l’expérience du pouvoir en moins et la rudesse, voire l’agressivité, du propos en plus : elle ne peut pas faire ce qu’elle veut. Elle doit composer. Avec les moyens financiers du moment, avec les différents courants qui la composent (le nationaliste, l’extrémiste de droite, le libéral, le poujadiste…), avec les ego des uns et des autres, avec l’adversaire qui marque en apparence des points, avec des médias flamands désormais moins dociles, avec l’avènement de l’émocratie, avec l’inexorable réalité qu’on n’est jamais si populaire que tant qu’on ne monte pas aux affaires.
Comme bien d’autres auparavant, la formation de De Wever prouve que « le changement » a du mal à exister ailleurs que dans les slogans. Et qu’on ne doit décidément rien espérer d’autre d’elle que ce que tous les autres partis traditionnels peuvent encore offrir : occuper le pouvoir, colmater les voies d’eau vaille que vaille, faire mine de répondre « le plus rapidement possible aux préoccupations des citoyens » tout en restant totalement déconnecté de leurs réalités. Dans son nouveau livre, Contre les élections (Ed. De Bezige Bij), l’écrivain philosophe David Van Reybrouck avance ceci : « On dirait que la politique s’est retranchée entre les murs de son château et épie craintivement, cachée derrière ses rideaux, le tumulte de la rue. Ce n’est pas la meilleure attitude : elle ne fait qu’exciter encore l’agitation. » Ce n’est pas la meilleure description. On dirait plutôt que la politique campe devant le château, au grand jour, pour que la rue n’en perde pas une miette. Et la plupart des décisions ne sont prises que pour ne déplaire qu’au plus petit nombre.

Dans ces deux cas de figure, c’est l’illustration d’un temps bel et bien révolu, celui du souverain tout-puissant administrant un peuple silencieux, crédule et soumis. Parce que ce peuple est de plus en plus bruyant, avec de plus en plus de moyens pour se faire entendre et de plus en plus d’arguments pour contredire la parole du souverain, qui voit sa puissance se diluer dans les « nouvelles formes de délibération démocratique », comme le résume l’essayiste Christian Salmon. Soit le débat incessant et sans frontières sur n’importe quel réseau social. Des formes permises par « les nouvelles technologies de l’information, qui peuvent contribuer à ouvrir une démocratie déterritorialisée ». Et accélérer la fin de l’homme politique qui croit incarner à lui tout seul le changement. Même s’il s’appelle Bart De Wever.

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