Morne ambiance dans le centre de Bruxelles

Le Vif

Au fond d’une brasserie médiévale de la Grand-Place, Patrick replie lentement quelques serviettes pour tuer le temps. Depuis le relèvement de l’alerte à son niveau maximal, le coeur touristique de Bruxelles subit « un coup de froid », déplore ce serveur. Après une heure de service, seul un couple a franchi la porte du « Roy d’Espagne ». « On a annulé les commandes de croissants et de pains au chocolat », maugrée Patrick, garçon de café depuis 15 ans dans cette taverne, l’une des plus courues de la pittoresque place bruxelloise.

« Un groupe de 140 personnes a appelé hier pour annuler un banquet. A ce rythme, le marché de Noël (qui doit ouvrir vendredi) va aussi être annulé. Cela risque d’avoir des répercussions sur tout le mois de décembre », s’inquiète-t-il. Selon lui, la décision du Premier ministre Charles Michel de déployer militaires et blindés dans les rues, par crainte d’attentats similaires à ceux de Paris (130 morts), est « vraiment exagérée ». « On n’est pas en guerre quand même! »

Une nouvelle évaluation de la situation doit être faite dimanche après-midi et sera suivie par un Conseil national de sécurité. Il s’agit de décider de rouvrir ou non les lignes de métro mais aussi, lundi, écoles, grands magasins et sites culturels. Samedi, le bourgmestre de Bruxelles, Yvan Mayeur, a recommandé aux cafés du centre-ville, habituellement très animés, de fermer leurs portes à partir de 18H00. A Paris, plusieurs terrasses de cafés et de restaurants parisiens avaient été ciblés par l’un des commandos, tuant près de 40 personnes.

Une consigne très largement respectée dans le quartier Saint-Géry, où se côtoient de nombreux clubs et bars de nuit. « C’était très étrange de voir ces rues vides alors que le samedi, elles sont toujours bondées », confie Vincent, qui vit depuis 40 ans dans ce haut-lieu de la vie nocturne bruxelloise.

Bars ouverts derrière les rideaux de fer

« On doit laisser les forces de l’ordre travailler sereinement et privilégier la sécurité de nos clients, même si financièrement c’est déjà difficile », concède Yvan Roque, président d’Horeca, principale fédération patronale des hôteliers, restaurateurs et cafetiers de Bruxelles, qui représente plus de 8.000 établissements.

Obliger les clients à prendre leurs sacs avant de sortir fumer, alerter la police au moindre doute: pour les professionnels qui ont décidé de braver la recommandation, des conseils « de vigilance et de grande prudence » ont été transmis, rassure M. Roque.

A l’instar de « La Brouette », une autre taverne de la Grand-Place, où le service s’est terminé à 22H00. « On a une clientèle d’habitués. Je ne peux pas me permettre de les laisser à la porte », justifie un serveur, qui évoque un chiffre d’affaires en baisse de 70% par rapport à un week-end normal. « Mais est-ce le plus important vu les enjeux? », philosophe-t-il.

Avant de quitter Bruxelles, Pascal et Frédéric, un couple de Parisiens venus pour le week-end, prennent un dernier café au comptoir du Saint-Nicolas, dans une rue voisine.

La veille, ils ont écumé plusieurs bars du quartier jusqu’à 23H00. « Certains bars vers Sainte-Catherine et Brouckère (deux autres quartiers nocturnes: ndlr) sont restés ouverts tout en laissant le rideau de fer baissé », témoigne Frédéric. « Nous ne voulons pas céder à la peur, tout en ayant un peu peur quand même », complète Pascal. C’est aussi pour ne pas nourrir « un climat de méfiance » que l’Association des commerçants de la rue de Brabant (ACRB), qui réunit plus de 200 commerces, n’a pas demandé à ses adhérents de fermer boutique, comme le leur avait conseillé pourtant Bernard Clerfayt, le bourgmestre (maire) de Schaerbeek, une commune bruxelloise. »Cela n’aurait pas donné une bonne image de la rue », qui draine 17.000 piétons chaque jour en moyenne, justifie Hayri Apaydin, vice-président de l’ACRB. « Si on ferme, ce sont eux (les jihadistes) qui gagnent ».

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