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Mons 2015 : quelles retombées économiques et pour qui ?

Le Vif

Les autorités le répètent : Mons 2015 n’est pas qu’un événement culturel. C’est aussi une affaire de retombées économiques. Mais chaque euro investi sera-t-il multiplié par 6 comme annoncé ?

Depuis l’annonce de l’obtention du label de Capitale européenne de la culture, en 2010, les autorités ne cessent de le répéter : Mons 2015 sera porteur aussi pour les finances locales. « Un moyen de positionner Mons sur un plan économique, résume le bourgmestre faisant fonction, Nicolas Martin (PS). Les analystes conviennent que chaque euro investi dans le projet rapporte 6 euros à l’économie locale. »

« Des chiffres bateaux, cités sans base scientifique », soutient Manu Disabato, député Ecolo et administrateur de la fondation Mons 2015. Ces estimations ne sont en tout cas pas des certitudes. Plutôt des espoirs : ceux nés en observant Lille, capitale culturelle en 2004. Le modèle, aux yeux de Mons. Même si la ville française et la cité du Doudou ne jouent pas dans la même catégorie : plus de 227 000 habitants pour la première, environ 95 000 pour la seconde.

Alain Finet, professeur à l’Université de Mons, a été chargé de réaliser (pour le compte de la société Kea Consulting, elle-même mandatée par la fondation) un rapport évaluant les retombées avant, pendant et après. Impossible de prédire l’avenir. Mais après étude des paramètres qui avaient permis à Lille de se vanter d’un effet multiplicateur de 6, Alain Finet estime qu’il faudrait plutôt s’orienter vers un multiplicateur de 3 ou 4. « Comme Mons est une ville plus petite, elle devra s’adresser à des sous-traitants externes à l’arrondissement, qui ne seront pas intégrés au multiplicateur. »
Mais à qui bénéficieront ces retombées, même moins florissantes qu’annoncé ? « Ce serait dommage que cela ne profite qu’à deux ou trois 3 grandes compagnies culturelles », lance Charlotte De Jaer, cheffe de l’opposition Ecolo au conseil communal. Un risque qui ne serait pas à écarter. « On remarque que ce sont surtout les acteurs centraux qui donnent le ton », affirme Alain Finet.

Tout en ajoutant que le secteur culturel sera loin d’être le seul concerné. Deux millions de visiteurs attendus durant un an, cela laisser forcément des traces du côté de l’Horeca, du commerce, du transport, du nettoyage mais aussi des nouvelles technologies, étant donné le slogan choisi : « Where technology meets culture ». Une affluence qui nécessitera des renforts de main d’oeuvre. Impossibles à chiffrer du côté de l’emploi indirect. Pour l’emploi direct, Anne-Sophie Charle, coordinateur-superviseur de la fondation Mons 2015, parle de 25 jobs en interne (50 en 2015) et de 80 à 100 recrutements de gardiens de musée, médiateurs, hôtesses d’accueil trilingues et régisseurs.

Reste la question de la durabilité de l’emploi. Les contrats précités sont tous à durée déterminée. « Que des jobs soient créés, c’est bien. Mais dans une région où le taux de chômage dépasse les 20 %, ce qui m’intéresse, c’est qu’ils soient pérennes », dénonce Savine Moucheron, députée et conseillère communale CDH. La pérennisation de l’opération, voilà une crainte partagée par nombre d’observateurs. Pas seulement sur le plan de l’emploi. « Si Mons 2015 est un aboutissement, ce sera l’échec. Il faut que ce soit le début d’une nouvelle ère », résume Lionel Bonjean, directeur de Hainaut Développement.

Le bourgmestre ff Nicolas Martin se veut rassurant : « Bien sûr, il n’y aura plus 2 millions de visiteurs en 2016 ! Mais tout est fait pour que l’effet soit le plus durable possible. Lille a réussi à surfer sur 2004. Liverpool aussi après 2008. Nous travaillons dans la même logique. » Il ajoute que les travaux réalisés ou en cours (notamment grâce à des fonds européens et extérieurs à l’enveloppe Mons 2015) sont d’ores et déjà acquis : construction d’un centre de congrès, rénovation du le musée des Beaux-Arts, du Beffroi, de la Machine à eau pour abriter le musée d’histoire militaire…

« On confond ambition et démesure »

« L’avenir de ces bâtiment a-t-il été envisagé ?, s’interroge Manu Disabato. Il ne faudrait pas qu’on se retrouve avec des chancres. » « J’ai peur que cela nous coûte très cher. Aura-t-on les moyens d’assumer ce que l’on est en train de construire ? », enchaîne Savine Moucheron. Et de citer le Centre de Congrès : « On n’arrive pas à trouver de gestionnaire privé. La Ville ne pourra pas se permettre d’assumer le million d’euro par an de frais de gestion que cela représente », estime l’humaniste.

Autre exemple : les nouveaux hôtels qui sortent de terre. Les autorités ambitionnent d’augmenter l’offre de 450 chambres. Un projet contesté dès 2012 par les hôteliers déjà présents, qui estiment que 197 chambres supplémentaires seraient amplement suffisantes pour ne pas déséquilibrer l’offre après 2015. « J’ai parfois l’impression que l’on confond ambition et démesure », glisse Manu Disabato.

« Nous n’avons pas la folie des grandeurs. Tous les équipements ont leur raison d’être », réplique Anne-Sophie Charle. Reste que le temps file et que les chantiers à mener à bien sont nombreux. « Nous y arriverons, positive-t-elle. Sur certains dossiers, nous sommes beaucoup plus en avance que d’autres capitales. Nous disposons d’un budget équivalent aux autres villrd (NDLR : 65 millions) et même un peu supérieur à celui de Lille. Elle aussi souffrait de son image. Personne n’y aurait parié sur la culture comme levier. » Lille, ce modèle décidément tant jalousé. Encore faudra-t-il que Mons parvienne au final à figurer sur la liste des réussites et non sur celle, beaucoup plus longue, des éditions qui n’ont pas forcément marqué les esprits…

Par Mélanie Geelkens

Le dossier spécial Mons dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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