Carte blanche

Mobilité à Bruxelles : Pourquoi il faut évoluer vers un modèle axé sur le temps

Citoyens comme responsables politiques se lamentent que Bruxelles souffre de nombreux maux en matière de mobilité et les débats s’accumulent sans que les politiques mises en place par les pouvoirs publics ne semblent produire des effets notables.

Un des débats qui n’est toujours pas tranché est celui du système permettant, à côté des indispensables mesures structurelles liées à l’offre de transport public, de juguler efficacement les flux de circulation des navetteurs par le biais d’un système de taxation le plus cohérent, juste et efficace possible. On est aujourd’hui très loin du compte.

Il est symptomatique que le péage urbain et la taxe kilométrique intelligente semblent être les seuls horizons de débat dans le chef des gouvernants bruxellois pour gérer ces flux. Pourtant il semble peu judicieux de s’obstiner avec ces horizons : la première option ne fait l’objet d’aucun consensus politique et ne résout pas le problème des pratiques de mobilité une fois passée l’entrée de la zone touchée par le dispositif. La seconde option, retenue par le gouvernement bruxellois, est une impasse: une taxe kilométrique n’a que peu de sens sur un territoire urbain réduit, qui plus est étouffant dans la congestion. Ce système de taxe est inefficace face à un phénomène comme celui de milliers de véhicules effectuant pendant 1 heure une distance aussi réduite que 3 kilomètres dans les embouteillages.

Il existe pourtant un autre horizon qui sort des sentiers battus, mais qui nécessite de la vision, du courage politique et des investissements technologiques. Cet horizon semble futuriste, voire utopiste, mais il est éminemment pragmatique. C’est celui d’admettre que dans un contexte de congestion urbaine, ce qui compte ce n’est pas le nombre de kilomètres parcourus ou le fait de rentrer dans la ville, mais c’est le temps que passe une voiture en mouvement dans un espace délimité. En effet, le temps est à la fois un indicateur du degré de mobilité, mais aussi un moyen de repérer cumulativement l’impact d’un ensemble de véhicules en mouvement. Il est donc extrêmement étonnant qu’aucune réflexion de nos gouvernants n’intègre cette donne dans les politiques de gestion des flux des navetteurs, hormis de façon indirecte dans le cadre classique du stationnement.

Embouteillages: il est nécessaire d’évoluer vers un modèle axé sur le temps passé par un véhicule en mouvement dans un périmètre

Si l’on veut taxer de façon cohérente les déplacements des navetteurs de façon à viser l’occupation de l’espace occasionnée par les embouteillages, il est nécessaire d’évoluer vers un modèle axé sur le temps passé par un véhicule en mouvement dans un périmètre avec une modulation en fonction des zones d’accessibilité et de fréquence des transports en commun. En clair : c’est le temps pris à occuper de façon mobile de l’espace physique en zones abondamment desservies par les transports en commun qui doit être converti en valeur à taxer. Il s’agit ni plus ni moins d’une équivalence du principe existant avec le stationnement, mais appliqué cette fois-ci à l’espace occupé par un véhicule lorsqu’il est en mouvement. D’un point de vue technique, pas besoin de tracer les véhicules avec des dispositifs intégrés, un réseau de caméras avec reconnaissance automatique de plaque minéralogique permettrait de déterminer quand un véhicule rentre dans une zone, enclenchant ainsi un « chronomètre » qui ne s’arrêterait que lorsque le véhicule quitte la zone. La taxe serait calculée sur base du relevé du temps passé à rouler dans les différentes zones. Plus la zone est une zone desservie efficacement par les transports en commun, plus le temps serait cher. Plus le temps passé dans une zone est bref, moins est taxé le véhicule, car il occupe durant moins de temps un espace mobile sur nos routes, ce qui indique un degré moindre d’impact sur la circulation.

Évidemment se pose la question du stationnement, quid lorsque le véhicule se gare ? Et lorsqu’il quitte sa place de stationnement ? Dès que le véhicule se parquerait, le chronomètre s’arrêterait, dès qu’il quitte son emplacement, il redémarrerait. Cela nécessite le déploiement de dispositifs de capteurs dans les emplacements de stationnement, reliés au système d’identification de la plaque. Bien entendu tout le système décrit ci-dessus nécessite des investissements technologiques, une analyse juridique et technique fine et des travaux, il n’en demeure pas moins in fine qu’il semble plus efficace que les autres solutions débattues pour contribuer à gérer efficacement l’impact réel des flux de circulation de véhicules dans un cadre urbain engorgé comme Bruxelles. Et qui sait si à terme ce système ne devrait pas s’appliquer à l’ensemble des véhicules situés sur le territoire bruxellois, dans un système remplaçant la taxe de circulation et englobant la tarification du stationnement. On arriverait ainsi à une ville qui parviendrait à gérer fiscalement les flux de circulation et de stationnement autour d’un seul étalon, l’or du XXIe siècle dans la mobilité urbaine : le temps qu’un espace est occupé.

Wilfried Emens, ingénieur et fonctionnaire européen retraité

Bernardo Aguilar, logisticien et fonctionnaire européen retraité

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