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Michelle Martin au couvent : « une tradition d’hospitalité inscrite dans l’ADN monastique »

Les religieuses du couvent de Malonne ont accepté d’héberger l’ancienne épouse de Marc Dutroux à sa sortie de prison. Ce geste, fidèle à la tradition d’hospitalité monastique, fait polémique depuis plusieurs semaines.

Les soeurs clarisses de Malonne ne s’attendaient pas à un tel déferlement de hargne. À ces manifestants criant leur colère devant leur monastère, près de Namur. À ces « Non! », tagués sur leur porte. À ces lettres et courriels injurieux.

Pour le quotidien La Meuse, elles sont les « nouvelles amies de Michelle Martin », 52 ans, l’ex-épouse du violeur et meurtrier pédophile Marc Dutroux. Les dix nonnes s’apprêtent en effet à accueillir l’ancienne institutrice, condamnée en 1996 à trente ans de prison pour s’être rendue complice de l’enlèvement et de la séquestration de six petites filles, dont Julie et Melissa qu’elle a laissé mourir de faim dans la cave de sa maison. Sous réserve que la Cour de cassation donne son feu vert à cette libération conditionnelle, ce qui, selon toute vraisemblance, devrait être le cas ce mardi à 16 heures.

« L’hôte doit être reçu comme s’il était le Christ »

« Nous avons la profonde conviction qu’enfermer définitivement le déviant dans son passé délictueux et l’acculer à la désespérance ne serait utile à personne et serait au contraire une marche arrière pour notre société », a plaidé soeur Christine, l’abbesse de la petite communauté de Malonne, dans un communiqué.

Un credo partagé par les trappistes de l’abbaye Maria-Toevlucht de Zundert, aux Pays-Bas, qui avaient accepté, eux aussi, d’ouvrir leur porte à la détenue la plus haïe de Belgique. L’an dernier, un autre couvent, français celui-là, était prêt à accorder le gîte et le couvert à Michelle Martin, avant que le gouvernement français ne s’y oppose.

 » Cette tradition d’hospitalité est profondément inscrite dans l’ADN monastique, explique Philippe Portier, historien et sociologue des religions. Conformément à la règle de saint Benoît, l’hôte doit être reçu comme s’il était le Christ, surtout s’il s’agit d’un exclu de la société civile. À cela s’ajoute la notion de miséricorde, essentielle aux yeux de l’Église : celui qui a fauté doit être objet de compassion. S’il est en règle vis-à-vis de la justice des hommes, bien sûr. »

L’Église parfois hors la loi

Cette condition n’a pourtant pas toujours été respectée. Ainsi, entre 1945 et 1953, plusieurs institutions catholiques ont abrité deux enfants juifs, Gérard et Robert Finaly, que leur tutrice refusait de rendre à leur famille. L’Église s’est également mise hors la loi dans l’affaire Touvier. Condamné à mort par contumace en 1946, l’ancien milicien lyonnais Paul Touvier a trouvé refuge dans des couvents et monastères au cours de ses longues années de cavale. En mai 1989, c’est au prieuré Saint-Joseph, à Nice (Alpes-Maritimes), qu’il a été arrêté.

Aujourd’hui, l’hospitalité des communautés catholiques arrange bien les autorités judiciaires. « C’est à leur demande qu’il nous arrive d’accueillir d’anciens détenus », indique un responsable monastique. Les trinitaires le font « ponctuellement ». La congrégation des soeurs de Béthanie, créée pour permettre à des femmes sortant de prison d’embrasser la vie religieuse, héberge parfois d’ex-détenues. « Quelques semaines, jusqu’à ce qu’elles trouvent une solution », précise soeur Pia Élisabeth Suter, sa prieure générale.

A Montréal (Canada), la Corporation Maison Charlemagne, offre aux anciens prisonniers un toit et une aide à la réinsertion. En Corée du Sud, l’Église a ouvert une maison d’accueil pour ceux qui n’ont pas de famille. « La question qui se pose à nos sociétés est celle de l’accompagnement des anciens détenus », estime le père Jean-Pierre Longeat, président de la Conférence des religieux et religieuses de France. Et la réponse se fait toujours attendre…

Anne Vidalie, M.G.

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