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Michel Ier, un gouvernement sans vision

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Nos experts dénoncent les incohérences et les faiblesses d’un gouvernement dont l’idéologie néolibérale et conservatrice manque de souffle à l’heure où la Belgique en crise en aurait le plus grand besoin. Des constats accablants.

Des dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Bruxelles et une opposition francophone démontée : le gouvernement Michel ne débute pas son action dans un contexte des plus sereins. Du côté francophone, on remet en question la légitimité démocratique de certains ministres N-VA. La gauche atomise un gouvernement « injuste » qui s’en prendrait aux classes moyennes, en usant de comparaisons historiques avec le thatchérisme… La nouvelle équipe, atypique (N-VA, MR, CD&V et Open VLD), n’a non plus, il est vrai, rassuré les citoyens en perdant complètement le contrôle de la communication au sujet de son accord durant les premières semaines ou en proposant quelques approximations coupables, la plus évidente étant celle relative aux chiffres d’économie à la SNCB.

Le Vif/ L’Express a demandé à des experts de passer au crible l’accord de gouvernement pour tenter d’objectiver le débat. Il en ressort l’image d’un gouvernement certes courageux dans certains domaines, mais sans une réelle vision d’avenir pour le pays. Tous dénoncent au contraire des a priori idéologiques, des incohérences coupables, des faiblesses de raisonnement ou, tout simplement, un manque de volontarisme réel. La suédoise mènerait encore une politique « à contretemps » face aux nécessités socio-économiques de l’heure. Pour ne pas parler d’un risque réel de démanteler la sécurité sociale ou d’une approche sécuritaire et stigmatisante à l’égard de certaines catégories de la population.

Tout est-il pour autant à jeter dans ce projet ? Non, pas à ce point. Mais les objectifs annoncés en matière de création d’emplois, de sauvegarde du modèle social ou de relance de l’ambition fédérale risquent de se heurter à la réalité des faits.

Oui, le gouvernement Michel est sans doute courageux lorsqu’il affronte frontalement un certain nombre de tabous de la société belge, que ce soit la nécessité de soutenir plus fortement l’esprit d’entreprise ou de revisiter notre système de protection sociale : baisse des charges, réduction du handicap salarial, rehaussement de l’âge de la pension, lutte intensifiée contre le chômage de longue durée… « Plusieurs reformes en matière de sécurité sociale, et particulièrement de retraite, sont indispensables et on peut imaginer que les partis de centre gauche qui ne sont pas parvenus à les réaliser se réjouissent de voir le sale boulot effectué par quelqu’un d’autre », analyse Pierre Pestieau, économiste renommé, professeur émérite de l’Université de Liège et prix Francqui 1989.

« Mais à part cela, qui est déjà important, je ne vois pas de vision cohérente de réforme de l’Etat providence, prolonge-t-il. Quitte à se faire vraiment hara-kiri, on aurait aimé que le gouvernement entreprenne enfin une vraie réforme de la fiscalité et de la sécurité sociale afin de rendre l’une et l’autre plus efficaces. On aurait aimé aussi qu’écoutant d’avantage le FMI que la Commission européenne, il fasse une pause dans l’austérité et procède à des dépenses d’infrastructure qui auraient le mérite de ne pas pénaliser les générations futures. » Or, tel n’est malheureusement pas le cas…

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

Avec le diagnostic de Bruno Colmant, professeur d’économie à l’UCL et l’ULB, de Pascale Vielle, spécialiste de la sécurité sociale et professeure à l’UCL, Jean Faniel, directeur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp) et Vincent Seron, chef de travaux en criminologie à l’Université de Liège et spécialiste de la police.

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