Olivier Mouton

Messieurs et mesdames les politiques, parlez moins, agissez mieux!

Olivier Mouton Journaliste

L’expression politique omniprésente est indécente quand les dossiers de fond ne sont pas résolus et que les pratiques dérapent. L’urgence absolue ? Restaurer la confiance avec le citoyen.

Il y a des moments où l’on a envie d’appuyer sur le bouton pause. De supplier les responsables politiques de tourner sept fois leur langue dans la bouche avant de s’exprimer. Et de le faire avec davantage de parcimonie, quand des solutions concrètes existent pour résoudre les problèmes de tous les jours vécus par les citoyens.

Telle une déplaisante litanie, on a ainsi appris ces derniers jours que le plan Marshall ne produisait pas les effets escomptés sur l’économie wallonne, que les politiques fédérales mises en place pour remettre les séniors au travail faisaient flop, que le dossier épineux du survol de Bruxelles restait bloqué en raison du bras de fer entre la Flandre et Bruxelles, que le futur Stade national ne verrait peut-être pas le jour à cause d’un chemin vicinal qui n’existe plus (et en raison des oppositions nationalo-écologistes) ou encore que Michel & co reporteraient sans doute à l’été leur ambitieux plan de réformes de la fiscalité (là encore, faute d’accord entre N-VA, CD&V et Open VLD).

A mi-législature, l’ombre du communautaire resurgit sur notre pays tel un fantôme identitaire stérile pour paralyser les institutions. Le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) le dénonce au Soir ce lundi matin, les dissidents de la N-VA Vuye & Wouters fourbissent leurs armes avec la publication d’un livre, début-mars, élaborant un plan pour permettre à la majorité flamande d’imposer ses vues et de briser le statu quo. Cela promet…

Dans le même temps, la Région bruxelloise lance un énième plan de réflexion pour résoudre les inextricables problèmes de mobilité – oui, il y en a déjà eu plusieurs, en vain… – tandis que le chantier ô combien important de réforme de l’école francophone patine après des mois et des mois de réflexion, faute du soutien des syndicats et d’une revalorisation du métier d’enseignant. Ce sont là deux enjeux politiques majeurs qui, s’ils sont pris en mains, manquent de vision, de détermination et de cohérence.

Rien de tout cela n’est simple, en outre, parce que le lien de confiance entre les élus et la population est malmené, brisé, rompu. C’est une corde usée qui semble flotter désormais au vent de nos illusions citoyennes perdues.

Publifin en Wallonie et Publipart en Flandre sont passés par là, révélant des pratiques financières incompatibles avec la bonne gestion de l’argent public. Si elles sont peut-être marginales, elles n’en occupent pas moins l’espace médiatique jusqu’à l’écoeurement depuis le début de l’année. En réponse, il y a eu quelques démissions ou pas de côté, mais surtout beaucoup de mots, de promesses et de plans de bonne gouvernance. Un « football panique » dénoncé dans les rangs de Défi, présent dans la majorité régionale bruxelloise, et critiqué à l’intérieur du PS, où l’on se demande s’il n’est pas temps de changer d’ère. Un « football panique » où les vieilles rivalités ressurgissent au grand galop, les uns et les autres se renvoyant la balle, CDH, MR et Ecolo bombant le torse de « chevalier blanc ». Et l’on ne parle même pas des premières confessions larmoyantes, ce week-end dans L’Echo, de Stéphane Moreau, CEO de Nethys et bourgmestre démissionnaire d’Ans : il y regrette notamment d’voir sacrifié sa vie à cette oeuvre aujourd’hui malmenée – pour la modique somme de 593.000 euros bruts par an, hors primes liées aux réalisations de l’entreprise.

Cette indécence donne ce « Mesdames et Messieurs les politiques, vous ne mesurez pas notre ras-le-bol » publié sur ce site par une citoyenne ayant déjà affirmé combien elle avait été « outragée » par des propos du ministre d’Etat Louis Michel au sujet de la rémunération des politiques. Cela génère aussi un sondage (même si l’on sait ce qu’ils valent) selon lequel un électeur francophone sur deux, outré par ces dérives, se prépare à changer son vote lors de prochaines élections. La révolution pourrait aller vite : communales et provinciales en 2018, puis régionales et fédérales en 2019.

Le grand paradoxe, dans notre pays complexe, c’est que les vagues populistes auxquelles que l’on peut redouter (à droite en Flandre avec une N-VA confortée et un Belang revitalisé, à gauche en Wallonie avec le PTB) risquent de bloquer davantage encore le système et de le rendre inopérant en raison d’un insoluble désaccord Nord-Sud. Elles menaceraient la survie du pays dans un contexte européen délétère. Un cauchemar.

Est-il encore temps d’inverser cette logique mortifère ? N’est-il pas venu le moment d’un changement profond de paradigme ? Le principal enjeu de cette fin de législature consistera à restaurer le lien de confiance avec le citoyen. Inutile de se voiler la face ou de rejeter la faute sur l’autre : l’enjeu est le même pour tous les niveaux de pouvoir. Par-delà les petites phrases, les rivalités mesquines et les postures de coq.

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