Aymeric old de Lamotte

« Mesdames et messieurs les politiques, nous n’avons plus droit à l’erreur »

Aymeric old de Lamotte Conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre et avocat

Cet article est une charge tirée sur une tendance néfaste qui appauvrit beaucoup de politiques: celle de déserter le monde des idées et de ne plus penser la société.

J’ai 27 ans, je suis investi en politique depuis quelques années et je constate avec déception que le politique ne se contente souvent plus que de gérer ou d’administrer, quand celui-ci n’est pas préoccupé par des stratégies de parti, de positionnement ou électorales. Paradoxalement, il m’arrive par exemple rarement de parler d’idées avec des hommes et femmes politiques. Certains répliqueront que ce n’est pas propre à notre époque et que la politique est ainsi faite. Cette critique renferme une part de vérité mais la démocratie, la Belgique et l’Europe n’ont pas été érigées pas des dirigeants qui se sont contentés de paraître ou de n’agir que par calculs et coups stratégiques.

Un exemple frappant est le peu d’ouvrages politiques de qualité pondus par les hommes et les femmes politiques. Les livres puissants qui font un diagnostic sans langue de bois des enjeux contemporains, présagent les défis de demain et posent des hypothèses de réponse pertinentes se comptent sur les doigts d’une main. Les politiques sont nombreux mais, paradoxalement, seule une minorité d’entre eux s’investit corps et âme dans le monde des idées. Il faut rompre avec cette logique. Certains l’ont compris et endossent cette responsabilité ; je pense notamment à Georges-Louis Bouchez qui, pourtant jeune et peu expérimenté, s’est déjà fendu d’un livre « L’Aurore d’un monde nouveau« , dans lequel il égrène dix propositions politiques ambitieuses qui constituent sa vision du présent et de l’avenir.

Il est vrai que la Belgique accumule les obstacles : son pluralisme linguistique freine les possibilités de débattre ; la lourde particratie musèle parfois la liberté d’expression ; le rapport à la politique y est peu passionné ; et sa complexité institutionnelle facilite l’esquive et déresponsabilise. Cependant, les confluents des spécificités nationales convergent toujours vers la même mission première du politique: aller de toute son âme à la vérité. D’aucuns voient la suppression des partis politiques comme un remède. Bien qu’un pouvoir trop grand accordé aux partis soit évidemment néfaste pour la vitalité de la démocratie, je m’oppose à leur suppression car ceux-ci offrent une grille de lecture aux citoyens ; ils servent de boussoles idéologiques les guidant dans la tempête de la complexité du monde.

Beaucoup oublient que la politique n’est pas une vie de croisière sans remous pendant laquelle on se protège et on se recycle. Par son vote, expression la plus concrète de sa souveraineté, l’individu accorde une confiance au politique qui oblige, en retour, un investissement entier de la part de celui-ci dans l’exercice de sa fonction. Je préfère un politique qui ne siège que durant une période brève mais qui pense sans oeillères et qui agit sans peur, qu’un autre qui se regarde perdurer pendant 30 ans. Cela oblige évidemment le politique à sortir des pantoufles de son mandat dans lesquels il s’est confortablement installé ; de prendre le risque de se projeter, de mettre sa peau sur la table peu importe si cela le met parfois en difficulté. Il existe bien sûr de nombreux politiques qui agissent réellement mais beaucoup avancent à l’aveugle, sans s’être bâti au préalable une colonne vertébrale idéologique solide sur laquelle repose leur action. L’action irréfléchie est presque plus grave que l’inaction car une action qui n’est pas pesée, guidée par une pensée charpentée et murie ne conduit qu’à des résultats inconséquents, et parfois même à des désastres. Le politique digne de ce nom ne vogue pas au gré des modes et des tendances du moment que lui imposent les citoyens : il mûrit laborieusement le cap qui lui semble le plus juste et s’y tient.

Les citoyens ne veulent plus de technocrates aux petits pieds, mais des démocrates avec du souffle

Je me permets cette critique car les citoyens sont fatigués de l’uniformité et le manque de profondeur du discours politique, du manque de courage de la parole publique, effrayée à l’idée de froisser une sensibilité, ou de celle qui claque dans l’air sans jamais être suivie d’effets. Les citoyens ne veulent plus de technocrates aux petits pieds, mais des démocrates avec du souffle. Le politique n’a plus droit à l’erreur. Les citoyens perçoivent ce renoncement à traiter les grands enjeux et doutent aujourd’hui sévèrement de l’agir publique. Pourtant, la complexité sans précédent de notre époque oblige plus que jamais le politique à redoubler d’ardeur dans sa compréhension et son explication du monde. La recherche de la vérité en est d’autant plus urgente et l’obligation de clarté envers ceux qui nous ont élus d’autant plus capitale. Le grand risque de ce renoncement – qui est pourtant déjà à l’oeuvre – est le fait que d’autres, qui ne détiennent aucune légitimité démocratique, se mettent à penser l’homme de demain à la place du politique et imposent arbitrairement leur conception de celui-ci à nos sociétés.

Mesdames et Messieurs les politiques, notre message doit être composé d’audace, d’intégrité et de vision. Contre la politique de l’émotion et des communicants, il nous faut réintroduire le temps long de l’argumentation raisonnée ; contre la réduction des hommes au statut de consommateurs, il nous faut nous adresser aux citoyens ; contre le conformisme de la pensée, il nous faut chercher à réintroduire la contradiction ; contre les corporatismes, il nous faut garder l’intérêt général en ligne de mire.

A l’aube d’une période de deux années d’échéances électorales, c’est le moment idéal et adéquat pour qu’ensemble, nous élevions le débat et redonnions à la politique ses lettres de noblesse !

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