Pierre Havaux

Merci De Clerck, merci Fabiola, merci Tintin

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Sans le député CD&V recasé à Belgacom, sans la veuve du Roi Baudouin, sans le patron non reconduit de Belgocontrol, point d’indemnités parlementaires corsetées, ni de dotations royales rabotées, ni de parachutes dorés limités. A qui le tour de se dévouer pour que le politique ose trancher ?

Gouverner c’est prévoir. Mais à tout prendre, mieux vaut guérir que prévenir. C’est plus simple. Et tellement plus rapide. Les députés fédéraux ont été admirables de célérité et de courage : il leur a fallu cinq minutes à peine pour trancher dans le vif, accepter de se faire mal en touchant à leur portefeuille. Avec effet immédiat, en prime.

Depuis ce mercredi, fini d’abandonner volontairement son siège à la Chambre, avec une coquette indemnité de départ en poche. Stefaan De Clerck sera le premier puni par où il a voulu pécher : le député CD&V se préparait à rendre son tablier de parlementaire pour la très lucrative présidence de Belgacom, en empochant un bon de sortie de 270.000 €. Il devra s’en passer.

Très mauvais plan. Le rouleau compresseur médiatique s’est chargé de le torpiller. Le tollé a suffi aux élus du peuple pour ouvrir les yeux. Pour réaliser que pareille largesse avait beau être parfaitement réglementaire, elle était politiquement incorrecte. Promis juré, ils feront désormais preuve de retenue.

Certains anciens partis sous d’autres cieux professionnels, ont saisi la balle au bond pour justifier leurs actes devant le grand tribunal médiatique. Rik Torfs, ex-sénateur CD&V devenu recteur de la KUL, annonce urbi et orbi que des « oeuvres sociales catholiques », bénéficieront de son enveloppe de départ. Yves Leterme (CD&V) a fait un mea culpa facile sur Twitter : impossible pour lui d’être généreux puisqu’il avait renoncé à sa prime de sortie…

D’autres en revanche auraient préféré ne pas être remarqués. Ainsi ce « pauvre » Danny Pieters . L’ex-président N-VA du Sénat est pris en flagrant délit d’exiger son indemnité pour départ volontaire, alors qu’il en avait été un des grands pourfendeurs quand il était en politique. Pris dans la tourmente médiatique, l’homme a fini par y renoncer. En espérant qu’au moins « son geste » ne sera pas vain : « car il s’agit tout de même de beaucoup d’argent. »

Au moins un accent de sincérité dans un océan de démagogie, d’hypocrisie et d’impéritie.

Il faut une « affaire De Clerck » pour forcer soudainement les députés à assainir plus vite qu’ils ne l’avaient prévu leur statut financier.

Il a fallu la reine Fabiola, ses fondations à vocation douteuse et sa plus que confortable enveloppe annuelle, pour décider le gouvernement Di Rupo à réévaluer sans plus tergiverser des dotations princières qui avaient été accordées en dépit du bon sens politique.

Il faut un Jean-Claude Tintin, ex-patron de Belgocontrol en droit de toucher un parachute doré de 700.000 € pour ne pas être reconduit dans sa fonction, ou un Jo Cornu, le nouveau patron très occupé de la SNCB mais néanmoins décidé à ne pas lâcher d’autres mandats, pour convaincre le gouvernement de recadrer et de mettre plus ou moins à la diète certains CEO d’entreprises publiques.

Il faudra une nouvelle défaillance financière pour forcer le monde politique à réformer enfin en profondeur le système bancaire. Et là, c’est en milliards que l’addition se règlera. Quel banquier se dévouera pour la cause ?

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