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Médiation familiale : l’appel à l’aide du Centre MIR

A Bruxelles, le Centre MIR (Médiations, Investigations familiales, Rencontres assistées) est de plus en plus souvent mandaté par des juges du tribunal de la Famille pour organiser des rencontres encadrées entre les enfants et le parent qui n’assure pas leur hébergement suite à une séparation spécialement conflictuelle.

Les intervenants rédigent ensuite des rapports qui éclairent le magistrat avant jugement. Mais du fait de ce « rapportage », MIR ne peut pas être subsidié par la Communauté française. Il doit donc s’en remettre largement au bénévolat et réclamer une participation financière aux parents, second motif de privation de subsides. Selon ses responsables, la situation ne peut plus durer.

« Nos locaux sont insuffisants, explique Pierre Vermeylen, le président du c.a. de MIR, deux salles de rencontres, pour une trentaine de dossiers traités en permanence, un secrétariat ‘qui explose’, une petite salle d’attente dans une ancienne cuisine sans lumière du jour. C’est un ‘sport’ de réussir à organiser là les rencontres, le mercredi et le samedi, école oblige. »

MIR fonctionne avec une équipe de 19 personnes, dont 5 à 6 secrétaires, des médiateurs, des conseillers conjugaux et familiaux, des psychologues et une juriste qui relit les rapports. Le Centre vit de dons et d’aides privées (Rotary, Fondation Roi Baudouin, Fondation Lippens, etc.) ainsi que d’un subside annuel de 5.000 euros de la commune de Jette, où il est situé. Budget 2017 : 40 000 euros dont la quasi-totalité est constituée de frais de fonctionnement : loyer, honoraires de la coordinatrice, la seule personne rétribuée, le remboursement des kilomètres des bénévoles, etc.

Créé en 2003 à l’initiative d’un groupe de magistrats, avocats et psychologues, le Centre MIR est unique en son genre à Bruxelles, où existent également deux autres « Espaces-Rencontres », subsidiés, ceux-là, par la Communauté française, car ils respectent les exigences du décret (pas de rapportage au juge et gratuité des interventions). Sa spécificité ?

« La Cour des Miracles du tribunal de la Famille »

« Les magistrats à l’origine du Centre, explique Alix van Eetvelde, sa coordinatrice, s’étaient rendu compte que les juges se retrouvaient souvent, à l’audience, face à des situations familiales très complexes, qu’ils n’avaient pas le temps de bien comprendre avant de juger dans l’intérêt de l’enfant. Chaque partie raconte, en effet, sa vérité qui, souvent, contredit celle de l’autre. Les juges voulaient être éclairés sur les relations parents-enfants et au sein du couple, après un divorce ou une séparation. »

Le travail de MIR consiste alors à accueillir les familles dans ses locaux. Une participation de 800 euros pour seize interventions est demandée par famille. Les dossiers restent ouverts six mois à un an, voire deux à trois ans. « Il nous faut, coûte que coûte, tenter de rétablir la relation avec le parent qui s’est éloigné ou qui a été éloigné du foyer sur décision du juge, poursuit Alix van Eetvelde, nous voyons le père, la mère et chaque enfant (jusqu’à 16 ans), individuellement. Et ce qui est interpelant, c’est que les juges, les Services d’aide à la Jeunesse et de protection de la jeunesse nous adressent toutes les situations (maltraitance, violence, drogue, alcool, abus sexuels, etc.) que d’autres lieux ne veulent ou ne peuvent pas accueillir. Nous sommes la Cour des Miracles du tribunal de la Famille ! »

« Nous accueillons, en effet, les cas les plus graves, enchaîne Pierre Vermeylen, les plus dramatiques, ceux qui dégagent le plus de violence. » « Nous sommes le dernier chaînon, complète Jeanne Dupont, intervenante, contrairement aux ‘Espaces-Rencontres’ subsidiés, nous recevons les personnes une à une et non collectivement. Et les parents sont satisfaits de nous voir rédiger nos rapports, lors des entretiens, ils se rendent compte que leur parole sera rapportée au juge pour assurer leur défense. Certains jugements reprennent d’ailleurs, mot pour mot, des extraits de nos rapports… »

« Un fabuleux boulot de remise en confiance »

Et les juges, qu’en pensent-ils ?

« Je constate les résultats, déclare Myriam de Hemptinne, juge d’appel de la famille et de la jeunesse, à Bruxelles, le Centre MIR accomplit un fabuleux boulot de remise en confiance. L’enfant sent qu’il y a ‘quelqu’un derrière la porte’. Le rapportage, poursuit la juge, permet d’avoir un regard objectif sur l’attitude de l’enfant et des parents durant les rencontres au centre. On perçoit si le parent est adéquat, s’il utilise les mots qu’il faut, s’il implique l’enfant dans son conflit, s’il est mal à l’aise, si l’enfant court spontanément vers le parent qui n’a pas la garde, etc. On suit l’évolution des relations. »

Pour l’instant, les rapports du Centre MIR adressés au juge ne sont pas « légaux ». Ce que fait MIR est « hors normes ». « Et nous n’avons évidemment pas la garantie que le travail, bénévole, soit réalisé par des gens compétents, de manière contradictoire, note encore la juge. On se trouve en dehors de tout contrôle de qualité externe, mais nous sommes contents que MIR soit là ! Les juges, francophones et flamands, conclut Mme de Hemptinne, sont unanimes pour dire qu’on a besoin de tels rapports quand les situations sont très conflictuelles. Nous avons besoin d’une photographie de ce qui se passe dans les familles, d’une description objective des comportements et de leur évolution. Nous apprécions les rapports qui perçoivent la spontanéité de l’affection exprimée par les parents. MIR est le seul à accomplir ce travail, à Bruxelles. De plus en plus de juges, même néerlandophones, font appel à lui et il n’est pas normal, pour ce travail-là, de devoir faire appel à des bénévoles. »

« Indéniable que ces rapports sont très utiles »

Récemment, le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), a sondé le collège des cours et tribunaux sur l’intérêt et les formes souhaitées du rapportage à la Justice. Ces magistrats lui ont répondu que l’ « essentiel à rapporter serait la description de ce qui se passe durant les rencontres, de façon objective, technique et neutre, sans prise de position de l’intervenant. Il ne faudrait pas obtenir l’accord préalable des intéressés pour communiquer cela au juge. Le rapport pourrait néanmoins également leur être adressé. »

Du côté de la Communauté française, instance subsidiante donc, le ministre de l’Aide à la Jeunesse, Rachid Madrane (PS), interpellé par le député André du Bus (CDH), lui a répondu : « Il est indéniable que ces rapports sont très utiles. » Le ministre dit attendre les recommandations du groupe de travail, créé au sein de la Conférence interministérielle des Maisons de Justice et présidé par l’État fédéral, « en vue de garantir l’envoi de rapports uniformes et neutres des ‘Espaces-Rencontres’ aux autorités mandantes. » Ensuite, dit M. Madrane, « je réfléchirai, après avoir consulté le secteur et dans le respect de leur cadre déontologique, à la meilleure façon d’intégrer dans leurs pratiques une méthodologie spécifique pour les rapports à délivrer aux autorités judiciaires. »

« Si nous percevions une fraction seulement du subside qu’un ‘Espace-Rencontre’ officiel perçoit, nous pourrions déjà faire des miracles, conclut Pierre Vermeylen, nous offrons une solution très favorable à l’Etat, des juges de tous horizons font appel à nous. C’est dire… »

Patience. Début novembre, le ministre de la Justice annonçait la tenue d’un colloque, en 2018, « qui se penchera sur les observations du groupe de travail »…

Michelle Lamensch

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