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Mathilde à la ferme

Veaux, vaches, houblon, couvée… Pour montrer son attachement à la terre flamande (et à ses paysannes croyantes), la princesse multiplie les opérations coups de coeur.

Albert sédentaire, Philippe patient, Laurent coi… Ce n’est pas parce que l’actualité du Palais semble aussi terne qu’un été sans Paul Louka qu’on peut se dispenser de prendre des nouvelles de notre grande amie. Que devient Mathilde ? Un coup d’oeil à l’agenda royal (monarchie.be) suffit pour constater que la duchesse de Brabant est certainement, au même titre que sa belle-s£ur Astrid, celle qui, du côté de Laeken, ménage le moins sa peine. Rien qu’en septembre, c’est encore elle qui, coup sur coup, inaugurait un village du volontariat au Parlement européen, rencontrait des infirmiers de rue, puis débattait du microcrédit avec une armada d’entrepreneurs sociaux. Et tout ça toute seule, enfin sans son homme… Bien. Alors, l’autre jour, joie et allégresse à l’annonce d’une énième visite princière, sur le terrain, cette fois, de trois exploitations agricoles des Polders. Mathilde à la ferme, on ne pouvait quand même pas rater ça…

Le programme s’annonce serré et, comme d’habitude, mené au pas de charge. Il s’agit, pour Son Altesse, de prêter l’oreille (en moins de deux-cent-quarante minutes chrono) à trois fortes femmes du Groep KVLV, une organisation centenaire d’agricultrices et de jardinières flaman- des, appelée jadis « Boerinnenbond »… Le premier rendez-vous a lieu à Proven-Poperinge (sur les terres, donc, d’une branche des d’Ukem d’Acoz), au ‘t Hoppecruyt, belle entreprise familiale de culture du houblon, ouverte sur la modernité autant qu’aux touristes de passage. Pour l’heure, devant la cohorte de badauds enthousiastes, un cordon de policiers s’ingénie surtout à bloquer l’accès aux divers bâtiments. Au pied de l’église toute proche, la rue est en effet bondée : ça jacasse et ça caquète en ouest-flandrien, un vrai roulement de tambour. A 10 heures tip top, l’arrivée de Mathilde est furtive, donc frustrante pour ses nombreux fans : accueillie par les propriétaires (le couple Benedikte et Wout Desmyter, plus leurs enfants Roel et Marou, 12 et 10 ans), la princesse est happée dans un local où lui sont livrés (sans doute, car c’est reporters non admis) les rudiments de la science houblonnesque. La presse, elle, est priée d’attendre à l’extérieur avec le bétail. Mais pourquoi se plaindre ? Il fait délicieux, des mains serviables ont déposé sur un chariot des tasses de café fumant ainsi que du cake à la lupuline, dont il est recommandé de « se méfier des effets » (vertus aseptisantes, sédatives, galactogènes et anaphrodisiaques…). Dehors, le parfum piquant, tenace et chevalin de la vigne du Nord se mêle à celui de huit taurillons gentils mais couverts de mouches, dont des confrères s’amusent, pour tuer le temps, à photographier les ballantes…

Mathilde assure

Et voilà Mathilde, encadrée par le bourgmestre et d’importuns importants, en route vers les champs, pimpante dans son pantalon de lin marron, sa veste jaune poussin et ses souliers vernis à talons bas. Direction la haie de perches où s’enroulent ces lianes herbacées, câbles tortueux de 10 mètres de hauteur couverts de chatons femelles odorants. Alors on va cesser tout de suite d’être désagréable : Mathilde, les pieds dans la terre, constamment souriante, abat un sacré bon boulot. Comprendre les informations, ne pas répondre ja-ja quand son interlocutrice attend nee-nee, avoir l’air bigrement intéressée, faire gaffe aux pavés inégaux du chemin, tout en tenant avec distinction sous le bras, comme un bâton de majorette, son exquise pochette en reptile brun, c’est chapeau. Mathilde, élève douée et disciplinée, se prête aux expériences d’étude du milieu, triture sans chichi les boulettes ovoïdes puantes, goûte de bonne grâce les pralines au houblon et s’en retourne, aimable et charmante, arôme amer en bouche, dans la BMW plaque 43 qui l’attend. Les aficionados sont toujours là, applaudissant à toute berzingue, rejoints dans leur transport par plusieurs rangs de très petits chouchous blonds flamands qu’on a munis de drapeaux et de casquettes noir-jaune-rouge…
Le convoi a pris la route du Warandehof à Gijverinkhove- Alveringem. Sur place, patientent un comité constitué d’huiles locales et d’innombrables paysannes sur leur trente-et-un, une montagne de sculptures en choux, potirons, cerises, courgettes et fraises, ainsi que les fermiers aux anges, le couple Pol et Katrien Louwagie et leurs trois gamins, dont le plus jeune, non maîtrisable, s’entête à se traîner sur le derrière. Un tourniquet de fenouils frais embaume l’air de son parfum d’anis, la boutique attenante offre une déclinaison illimitée de dérivés de rhubarbe et les mots « schune bourrrderrréééïïï » sortent en rafale de toutes les lèvres. Mathilde signe un livre d’or, se plie à croquer une tranche de légume et avaler un bout de quatre-quarts.

Impec, à nouveau. Sauf qu’il lui arrive d’en faire trop. C’est juste une suggestion, mais un proche pourrait-il la convaincre de cesser de s’adresser à tous les enfants comme s’ils avaient 2 ans ? « En jij, helpt je wel je ouders ? » (« Et toi, aides-tu bien tes parents ? »), susurré à la joue de Lowie, 10 ans quand même, ça tombe à plat. Allez, la balade n’a duré que vingt minutes, mais faut se résigner à rembarquer la troupe. Dernière ferme, dernière métayère à la Beauvoordse Walhoeve de Furnes. Cela fait sept générations que les Deeren y élèvent des pies noires, dont les hectolitres opalins servent à la fabrication de toutes sortes de crèmes et fromages (à l’ail, à l’ortie, au trèfle, à la moutarde, au cumin…). Mathilde est guidée dans des chambres de fermentation où des centaines de roues à pâte molle dégagent une insoutenable exhalaison de bergerie, de lactarium et de body de bébé suri, avant de faire halte entre une emballeuse mécanique et une géante motte de beurre. « Voulez-vous tester un gobelet de lait battu ? Avec des toasts au boerenkaas tomate-thym-basilic ? » lui propose-t-on avec ravissement. Courageuse Mathilde qui accorde un oui même pas forcé.

Marketing

Sur quoi débouchent ces visites princières éclair n’est toutefois pas très clair. Le dossier de presse précise que l’objectif du déplacement consistait à « souligner la diversification dans l’activité agraire, notamment la place et le travail des femmes dans l’exploitation agricole (…) auxquelles la princesse souhaite exprimer son soutien ». Le choix de l’organisation féminine KVLV ne surprend guère : cette dernière oeuvre en effet à la formation de ses membres « dans une inspiration chrétienne ». Opération de marketing banale, ce voyage s’ajoute aux nombreux autres « sauts » récents de nos royals en Flandre : ces derniers cherchent vraisemblablement à y polir leur image. Mathilde, en tout cas, réussit les oraux et les travaux pratiques de ses classes vertes haut la main. Seuls désagréments : une paire d’escarpins fichus, et un estomac « vachement » barbouillé…

VALÉRIE COLIN

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