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Marie-Christine Marghem, l’autre Jeanne d’Arc

A 52 ans, la ministre de l’Energie MR met le feu au Parlement sur la question nucléaire. Adepte du froncement de sourcils et du lancement de vannes, elle passe sous les missiles, convaincue que rien ne peut lui arriver. Même pas peur…

« C’est une guerrière, résume un ténor du MR. Rien ne l’arrête. » Sous ses sourcils, Marie-Christine Marghem soupire d’aise. Confirme. Et assume. En commission parlementaire, où l’opposition l’attaque sans relâche depuis des semaines sur l’avenir des réacteurs nucléaires de Doel 1 et 2, elle fixe souvent les députés de ses yeux sombres. Puis, d’un sourire silencieux bien qu’assassin, les fusille : c’est la guerre. « Je suis fondamentalement préparée à la rudesse du monde depuis toute petite », explique-t-elle. Dès lors, rien ne lui fait peur.

Fille aînée d’un père pharmacien et d’une maman mi-aide-pharmacienne mi-mère au foyer, elle a grandi au milieu d’une certaine bourgeoisie catholique tournaisienne. L’éducation qu’elle reçoit de ses parents aux tempéraments bien trempés (tiens donc ?) est plutôt sévère. De ces années, elle garde la mémoire des chants qu’elle entonnait dans la chorale Saint-Quentin, le sens de la famille, une certaine forme de foi. Et, dans l’oreille, la prédiction, lancée par cette marchande flamande qu’elle rencontrait souvent sur le quai du Marché aux Poissons: « De cette petite, on fera un avocat. »

Dont acte. « Mustang, 100 000 volts » – son totem et son qualificatif – sort diplômée de l’université de Liège puis passe un an à la KUL. Elle ouvre un cabinet à Tournai, spécialisé dans les affaires familiales. En 1994, sollicitée par le PSC (Parti social-chrétien, ancêtre du CDH), elle se présente aux élections communales à Tournai. Elue. Quatre ans plus tard, elle emboite le pas à Gérard Deprez, ancien président du PSC, lorsqu’il crée le MCC (Mouvement des citoyens pour le changement), qui intègre, en 1998, la fédération PRL-FDF-MCC, ancêtre du MR. Elle s’y trouve bien, se considérant comme de centre-droit. Conservatrice sur les sujets éthiques – elle s’est prononcée contre l’adoption d’enfants par un couple homosexuel et contre l’euthanasie étendue aux enfants mineurs – , elle trouve au MR un espace où, sur ces questions, elle n’est pas contrainte de suivre une consigne de vote. « La liberté est un de mes traits de caractère fondamentaux », dit-elle. On la croit sans peine.

Aux communales de 2006, elle compte 4 840 voix de préférence et six ans plus tard, 7 911, soit davantage que Rudy Demotte, son rival socialiste, ministre-président wallon et francophone. En campagne électorale, elle parcourt les rues de la ville à bord de la Marghemmobile, une camionnette Suzuki sans âge, dans laquelle elle s’installe pour saluer les Tournaisiens. Comme le pape, en somme…

Son objectif est limpide : elle veut le maïorat. « Il y a quelque chose de féodal qui se joue là, glisse Robert Delvigne, qui la remplace à Tournai : c’est la princesse qui défend sa ville ». Comme la princesse d’Espinoy, statufiée dans son armure de bronze, sur la Grand-Place de Tournai.

Octobre 2014. Au sein d’un gouvernement inédit, la Tournaisienne, qui aurait volontiers pris le portefeuille de la Justice cédé au CD&V, hérite de l’Energie, de l’Environnement et du Développement durable. Un dossier que beaucoup qualifient de pourri, à la veille d’un hiver qui pourrait voir se produire le premier blackout de l’histoire belge.

« Marie-Christine a été choisie parce qu’elle est membre du MCC, parce que c’est une femme et parce qu’elle est hennuyère », décrypte un parlementaire libéral. Peut-être faut-il aussi se souvenir que dans la guerre féroce qui avait opposé Didier Reynders et Charles Michel en 2009-2010, Marie-Christine Marghem avait pris fait et cause pour le second… Sa nomination n’en fait pas moins grincer quelques dents parmi ceux qui auraient volontiers pris la place, comme David Clarinval ou Jean-Luc Crucke, qu’elle traite désormais de Cruchot, du nom du maréchal des logis-chef joué par Louis de Funès dans la série Le Gendarme.

Mai 2015. Au Parlement, la question de la prolongation des réacteurs de Doel 1 et 2 explose. Marghem est accusée d’avoir caché un avis du Conseil d’Etat et de n’avoir pas informé les députés de l’existence d’un autre avis, rendu par un cabinet externe d’avocats. L’opposition se déchaîne, la majorité ne monte pas – ou peu – au créneau pour la défendre.

L’intégralité du portrait dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– « On dirait qu’elle n’a pas bien pris la mesure de la complexité des dossiers »

– « Elle n’est en tous cas pas pire que ses prédécesseurs »

– L’avis de Jean-Marc Nollet (Ecolo)

– « Ce dossier est mauvais pour le MR. Cela laissera des traces »

– « Je préfère être crainte que mal-aimée »

– « Si vous n’êtes pas avec elle, vous êtes mort »

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