Maria Deraismes © DR

Maria Deraismes, star oubliée du féminisme

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Tristan Bourlard publie Le Petit abécédaire du féminisme selon Maria Deraismes. A travers des textes inédits, le lecteur découvre celle qui a fondé le féminisme européen et la première femme franc-maçonne.

Maria Deraismes ? « Pionnière tombée dans l’oubli depuis sa mort en 1894 », regrette Tristan Bourlard, réalisateur et essayiste qui publie Le Petit abécédaire du féminisme selon Maria Deraismes. Quel personnage ! Née à Paris en 1828 dans une famille bourgeoise et républicaine, élevée dans l’esprit des Lumières, Maria Deraismes fut écrivaine, philosophe, fortunée, femme de salon, lobbyiste, propriétaire de journaux, mécène, musicienne, peintre… Révoltée par le sort réservé aux femmes, elle développe très vite une conception laïque de la société, puis rêve d’une société égalitaire et libre. « Elle s’affirma célibataire par choix et féministe par indignation », raconte Tristan Bourlard.

Elle a fondé Le Droit Humain, seule obédience maçonnique mixte. Remarquée par les frères du Grand Orient de France, elle multiplie les conférences et élargit son auditoire, à une époque où aucune femme n’a encore, à Paris, pris la parole en public. La quadragénaire rallie à sa cause tous les progressistes, dont Victor Hugo. Et son héritage est impressionnant : le divorce, les crèches, le suffrage universel, l’éducation… « Maria Deraismes se bat pour l’égalité totale et absolue entre les hommes et les femmes, car, à ses yeux, c’était – et c’est toujours -, se battre pour les droits de toutes les minorités qu’elles soient sexuelles, religieuses ou ethniques », précise Tristan Bourlard.

Elle meurt en 1894. Des milliers de personnes se pressent aux funérailles. Des entrefilets dans la presse. Puis, plus rien ou presque.

La biographie est suivie d’un abécédaire, reproduisant des documents inédits, de « Apprendre » à « Yogi » : quelques dizaines de mots pour suivre la pensée de Maria Deraismes. Le plus réjouissant dans l’ouvrage tient notamment au ridicule des hommes qui tentèrent de lui fermer la route.

Des entrées les plus fracassantes, on peut notamment retenir :

« Droit : En quoi le droit des femmes peut-il gêner le droit des hommes ? L’un n’annule pas l’autre. Le droit de tous ne peut contrarier que les privilèges, et abolir le privilège, c’est servir la justice, c’est moraliser, et par conséquent, progresser. »

« Education : Ne vous étonnez donc plus, si je réclame instamment l’instruction complète des femmes. Le véritable élément du progrès est là. Il ne faut plus que le foyer soit seulement le milieu des pensées étroites, des calculs mesquins ; il ne faut plus enfin que les grandes idées passent devant le seuil de la porte sans qu’on leur fasse signe d’entrer. Le foyer est le sanctuaire où doit s’épurer la religion, où doit se démocratiser la philosophie. C’est de ces nouvelles conditions de la famille et de l’éducation que dépendent le progrès et le bonheur de la société. »

« Egalité : Cette persistance à nous refuser ce qui nous appartient vient d’une très fausse notion du droit et de son origine. Jamais l’égalité devant la loi n’a été fondée sur l’égalité intellectuelle. Il n’y a pas de toise pour mesurer la capacité. A ce compte, le droit serait divisible comme un médicament homéopathique : il y aurait divers dosages : demi-droit, quart de droit, huitième de droit, etc., etc. Aux élections, par exemple, la voix de M. Victor Hugo compterait pour cent mille, parce qu’il est le plus grand poète du siècle et ainsi de suite. Où cela conduirait-il ? »

Le Petit abécédaire du féminisme selon Maria Deraismes, par Tristan Bourlard. Le livre se double d’une pièce de théâtre, Maria, ma soeur, qui raconte sa vie. Infos : mariaderaismes.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire