Marc Goblet © Belga

Marc Goblet, le petit prince sanguin

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Il aime le fromage de Herve. Nettement moins ceux qui le contredisent. A 57 ans, Marc Goblet, nouveau secrétaire général de la FGTB, tonne et détone. Jusqu’ici, il tient le cap. Mais Bruxelles n’est pas Liège…

Depuis qu’il a été élu secrétaire général de la FGTB, en octobre dernier, la Belgique entière a compris que cet homme à écharpe rouge parlait haut et cash. Et qu’il en serait toujours ainsi. Dans ses prises de parole, l’expression « je vous le dis clairement… » revient d’ailleurs souvent. C’est très clair, en effet : on l’a vu avec le plan d’actions syndicales de novembre et décembre derniers. Marc Goblet est unidirectionnel et ne s’en cache pas : une fois qu’il s’est forgé une idée, il ne doute plus. Jusqu’à l’obstination. Il y a quelques années, en pleine campagne électorale, il avait imaginé de lancer une caravane publicitaire sur les routes de sa région. Le jour dit, une seule voiture était au rendez-vous : la sienne. Avec deux personnes à bord, son ami Jean-Claude Bottelbergs et lui. Réduite à sa plus simple expression, la « caravane » s’est tout de même mise en route…

La sincérité de son engagement et son jusqu’auboutisme idéologique lui valent, selon les camps, une admiration sans borne ou de virulentes critiques. « Sa conception de la société est dépassée, tempête un écologiste : il en est toujours à la lutte des classes. Il n’a rien d’un progressiste. » L’homme a en tout cas été caricaturé dans les médias à une vitesse rare, alors que les leaders syndicaux ne l’étaient plus depuis des lunes. « Il est la caricature de sa propre caricature, explique un libéral : primaire dans ses raisonnements, il hait les libéraux par principe. Au point que, chaque fois qu’il passe à la télévision, le MR gagne des points. »

Au moins, chacun sait à quoi s’en tenir avec Marc Goblet et la majeure partie des troupes de la FGTB lui en sait gré. « Il apporte un discours très clarificateur à l’intérieur de la FGTB et du front commun syndical, observe Felipe Van Keirsbilck, le secrétaire général de la CNE (CSC). Avec lui, on sait où on va. » En débarquant au Groupe des 10, cette instance fédérale qui réunit les représentants des employeurs et des syndicats, avec son discours sans fioritures et son accent trempé dans le fromage de Herve, cet amoureux de Cuba, plus habitué aux usines qu’aux salons feutrés, a marqué une brutale rupture de style. « C’est un chien dans un jeu de quilles, analyse Eric Wiertz, communicateur à la Ville de Herstal. Mais il ne fera rien pour changer. Ses costumes sont trop petits ? Il s’en fiche. Avec lui, ou c’est bon, il signe et on n’en parle plus, ou ce n’est pas bon et il le dit franco. »

A sa première apparition au Groupe des 10, le nouvel homme fort de la FGTB s’est présenté en essayant de casser l’image qui lui colle à la peau : celle d’un homme de terroir et de terrain, bourru, sans nuances et prompt à déclencher des grèves. « Les patrons, comme tout le monde, sont remplis de préjugés, coupe Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC. Mais sur le fond des dossiers, Marc est inattaquable. »

La matière, ce bosseur invétéré la maîtrise parfaitement, ce qui lui permet de ne dépendre de personne. Devant le bureau de la FGTB, il est capable d’expliquer tout l’accord sur les fins de carrière en une heure, sans une note, et dans le moindre détail. Il prépare d’ailleurs chaque réunion avec le plus grand soin. « C’est un organisateur maniaque, qui perd ses moyens quand on le prend au dépourvu, assure un Hervien. C’est sa faiblesse. Il a peu d’humour et aucun esprit de répartie. Et si on le bouscule, il devient parfois agressif, même avec les siens. »

Car Marc Goblet est d’abord un homme de pouvoir. Donc un homme de contrôle. « Qu’il tire les ficelles partout où il le peut est une évidence, résume un socialiste liégeois. Marc n’est pas un enfant de choeur. Il utilise le pouvoir quand il l’a et ne le laissera pas filer. » A Herve, où il fut, un temps, échevin socialiste, on se souvient de lui certes comme d’un élu actif et efficace, mais aussi comme d’un homme redouté par tous les échevins, alors même que le PS n’était pas majoritaire. C’est que ce supporter du club de basket de Pepinster en impose et est coutumier des coups de gueule. « Ils sont moins fréquents ces derniers temps », glisse l’intéressé. Peut-être. Mais ils sont mémorables. On est avec lui ou contre lui, sans autre forme de nuance. « Jadis, nous avions passé des accords avec l’ancien ministre socialiste Yvan Ylieff sans en parler d’emblée à Marc, se souvient le socialiste verviétois Claude Desama. Il nous en a voulu pendant des mois. » La rupture avec son frère Jean-Claude, liée au projet (raté) de relance d’épiceries sociales en région liégeoise, est du même acabit : ils ne se parlent plus depuis lors.

Enfant, Marc Goblet, cadet d’une fratrie de quatre, était appelé « le petit prince ». Celui auquel on passe tout. Ce « petit prince » a grandi dans un cocon familial tissé de fibres sociales. Son père Simon, d’abord mineur et délégué syndical, s’est ensuite engagé à la Centrale générale de la FGTB, et au PS. La maison familiale, en pays de Herve, était peuplée de voisins qui venaient chercher qui une allocation de chômage, qui un renseignement pour la mutuelle, qui une carte du parti. Par la force des choses, Marc Goblet est devenu une action commune socialiste à lui tout seul.

L’intégralité du portrait dans Le Vif/L’Express. Avec :

  • ses débuts à la FGTB
  • ce que le Val Saint Lambert, Inbev et Cuivre et Zinc lui doivent
  • l’avis élogieux des employeurs
  • son réseau politique
  • sa méthode

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