Gérald Papy

Mali : une opération nécessaire mais aux objectifs mal définis

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’offensive des groupes islamistes vers le sud du pays a précipité l’opération militaire et forcé un engagement plus direct de la France. Mais à force de ne pas mieux préciser ses objectifs, Paris s’expose à terme aux critiques.

Souvent décrié pour sa couardise supposée, le président français François Hollande a surpris les observateurs en ordonnant l’ « opération Serval » d’appui à l’armée de Bamako dans la reconquête du nord du Mali dirigé depuis mars 2012 par des groupes islamistes.

La résolution 2085 du Conseil de sécurité, adoptée le 20 décembre 2012, autorisait, la Mission internationale de soutien au Mali (Misma), composée de forces africaines, à « aider les autorités maliennes à reprendre les zones du nord de son territoire qui sont contrôlées par des groupes armés terroristes et extrémistes ». Mais c’est plutôt sur l’article 51 de la Charte des Nations unies qui reconnaît « le droit national de légitime défense, individuelle et collective » et sur l’appel à l’aide du gouvernement malien que Paris a fondé son action.

Il y avait en effet urgence. La Misma ne projetait d’intervenir sur le terrain que dans plusieurs mois après un long travail de formation de l’armée malienne (3 000 hommes seulement) pour lequel la Belgique avait été sollicitée aux côtés d’autres pays européens. L’offensive, la semaine dernière, des groupes islamistes sur la ville de Konna, verrou stratégique pour la conquête du sud du pays, a fini de convaincre les autorités françaises de l’urgence d’activer un « plan B ». Les islamistes, qui n’avaient sans doute pas mesuré l’ampleur de la réaction française, risquent de regretter leur coup de poker.

A l’aune de la menace islamiste sur la stabilité de la région, sur l’intégrité du Mali et sur le sort des ressortissants français et européens (une quinzaine de Belges résidant pour la plupart à Bamako), l’intervention française apparaît pertinente. Mais, par le flou qu’elle entretient sur ses objectifs, elle contient en elle les germes de son échec. Car que veut réellement Paris ? Stopper l’avancée des groupes islamistes (Ansar Dine, Al Qaeda au Maghreb islamique, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, Mujao) ? Éradiquer leurs moyens d’action ? Les bouter hors du territoire ? Restaurer l’autorité de l’armée malienne sur tout le nord du pays ? Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a précisé que l’ « opération Serval » était l’affaire de « quelques semaines », ce qui inclinerait à penser que ses objectifs sont forcément limités.

Mais quel intérêt aurait une mission qui n’écarterait pas durablement la menace de mouvements islamistes radicaux qui ont fait de la zone sahélienne leur terrain de chasse pour étendre leur idéologie fasciste moyennant, au besoin, des prises d’otages et des trafics en tout genre ?

En décidant d’engager l’armée française sur un terrain d’action désertique particulièrement hostile et en prenant le risque d’une poussée supplémentaire d’impopularité en cas d’enlisement ou de vengeance sur les otages français détenus par Aqmi, François Hollande restera peut-être comme un président qui a fait montre d’un étonnant courage.

Gérald Papy

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