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Mais que coûte la police ?

En globalisant les trois niveaux (police locale, police fédérale et fonctionnement intégré), ce sont près de 3,4 milliards d’euros qui ont été absorbés l’an dernier. Mais une épée de Damoclès de 400 millions pèse de surcroît sur la police et… les communes.

Que coûte la police ? Trois strates marquent les budgets. La première, la « couche » fédérale, comprend bien sûr la police fédérale, mais également l’Inspection générale ainsi que le Secrétariat de la police intégrée à deux niveaux (ou SSGPI), soit l’organe de gestion qui effectue le paiement des salaires. Ensemble, pour 2010, nous dit le service de presse de la « polfed », ils reçoivent 852 millions, à raison de 6,8 millions pour l’Inspection, 9,5 pour le SSGPI et, surtout, 836 millions pour la police, dont le personnel absorbe naturellement la plus grande part, soit 710 millions, alors que 126 autres vont au fonctionnement général et aux investissements.

La seconde strate est celle de la police locale, qui se compose de 196 unités appelées « zones » (6 à Bruxelles, 72 en Wallonie et 118 en Flandre, sachant que la ministre sortante de l’Intérieur, Annemie Turtelboom (Open VLD), a dit en avril vouloir une réduction de l’ordre d’un quart de leur nombre).

Selon une rare et remarquable étude menée en 2009/2010 par Dexia Banque sur ces zones de police (1), chacune concerne 55 353 habitants en moyenne (48 575 en Wallonie, 53 060 en Flandre et 181 776 en Région bruxelloise) et couvre un nombre, lui aussi moyen, de trois communes avec 165 agents (il existe aussi des zones uni-communales). A raison de 380 euros par habitant pour Bruxelles, de 208 en Wallonie et de 192 en Flandre, le budget total est, selon Dexia, de 2,42 milliards d’euros en 2010 (dont 84 % sont allés au personnel et le reste principalement aux frais de fonctionnement, à raison de 12 %). La dotation en provenance des communes s’élevait à 60,7 %, soit 1,47 milliard d’euros, le solde étant arrivé du fédéral et de recettes diverses.

Enfin, la troisième strate budgétaire est celle du « fonctionnement intégré » entre les deux autres. Il comprend par exemple les « carrefours d’information d’arrondissement » (CIA), qui permettent la distribution des infos entre les niveaux local et fédéral. En 2010, son budget était de 117 millions, dont 58 pour le personnel et 59 pour le fonctionnement général ainsi que les investissements.
Bref, quel est le coût total annuel du monde policier belge ? L’addition des 852 millions « fédéraux », des 2 420 « locaux » et des 117 « intégrés » produit un total de 3,39 milliards.

Bagarre pour une prime

Mais ce n’est peut-être pas tout car en votant la réforme de la fonction publique, dite « Copernic », le monde politique avait octroyé une prime du même nom aux employés du service public. A partir de 2002/2003, ceux-ci avaient vu leur pécule de vacances aligné sur celui du secteur privé, à hauteur de 92 % du salaire brut. Mais certaines catégories avaient été écartées de cet avantage, comme les magistrats (et fonctions apparentées) ainsi que les policiers (qui ne devaient percevoir ce pécule qu’à partir de 2009). Parmi les premiers, plus de 800 avaient esté en justice contre cette distinction qui leur paraissait discriminatoire. La cour d’appel de Bruxelles leur avait donné raison en novembre 2005 et la magistrature entière avait obtenu le paiement de la prime, avec effet rétroactif (au total : 28 millions d’euros).

Cet exemple avait encouragé quelque 1 900 policiers à faire de même dès 2006, via le syndicat Sypol.be, dans l’espoir de recevoir rétroactivement la prime depuis 2002. Or, en septembre 2010, ils ont obtenu gain de cause en première instance contre l’Etat, condamné à les indemniser. Dont coût : près de 400 millions d’euros car, comme pour les magistrats, la mesure vaudrait sans doute in fine pour l’ensemble de la profession. Or, des policiers, il y en a : la police fédérale nous déclare 10 966 policiers opérationnels et 3 939 membres du Calog (le cadre administratif et logistique), soit 14 905 emplois. Quant aux zones de police, elles emploient 27 596 policiers et 4 735 « calogs », soit 32 331 personnes selon les chiffres 2008 repris par Dexia, cette valeur étant portée à 34 365 en 2011, avec un total général actuel de 49 270 emplois. Bref, des citations ont ensuite été lancées contre l’Etat. Et, si le gouvernement fédéral a interjeté appel début avril (avec une décision que les syndicats n’attendent pas de sitôt), le cas de la magistrature laisse croire qu’il pourrait être condamné, et ce d’autant plus que, la semaine passée, le Conseil d’Etat a rendu une décision annexe allant en ce sens, qui forcera un premier paiement de 30 à 50 millions aux policiers.

L’émoi est donc vif dans les zones de police ainsi qu’au niveau des communes, car le financement du pactole (à raison d’environ 10 000 euros qui seraient dus à chaque policier) leur paraît insoutenable. Les municipalistes wallons ont donc demandé cette année que le fédéral assume. L’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW) a pour sa part invité les zones de police à appeler l’Etat en garantie. Interrogée à la Chambre à ce sujet, Annemie Turtelboom a chiffré la dépense, pour les zones de police, à 263 millions (dont 88 pour les communes de l’UVCW) et n’a montré aucun enthousiasme à l’idée d’assumer le supplément. L’UVCW a de son côté enfoncé le clou en rappelant que les zones de police sont déjà souvent déficitaires. Et, partout, sauf au gouvernement, on rappelle qu’en 2000, lors de la réforme des polices, le pouvoir fédéral – tenu pour être à l’origine du chaos programmé – s’était engagé dans un principe de neutralité budgétaire à l’égard des débours communaux… « Il revient au fédéral d’assumer les conséquences de négociations menées sans les pouvoirs locaux », a encore indiqué Jacques Gobert, le président du lobby municipaliste wallon. Dont les équivalents bruxellois et flamands partagent, sans surprise, les vues.

(1) « Les Finances des zones de police », Direction Research de Dexia Banque Belgique, avec la collaboration d’Arnaud Dessoy, d’Anne-Leen Erauw et de Philippe Lafontaine.

R.P.

DES SALAIRES ATTRAYANTS

Personne ne se risque à donner en chiffres nets le salaire-poche des policiers. C’est que, sur les mêmes bases classiques valables pour d’autres professions (composition de famille, personnes à charge, prêt en cours pour un premier logement…), ils se déclinent en une multitude de variantes, sachant qu’ils varient de surcroît selon la tâche réellement exécutée et les primes reçues (par exemple, pour le travail de proximité, les enquêteurs judiciaires, les maîtres-chiens, les week-ends et nuits prestés, les heures supplémentaires non récupérées, etc.).

On peut cependant procéder par coups de sonde, sur la base de l’échelle officielle qui comprend quatre niveaux (chacun ayant ses sous-catégories) et où des augmentations annuelles intercalaires sont prévues (avec, en plus, saut de catégorie tous les six ans). Il s’agit des inspecteurs (qui forment le cadre de base), des inspecteurs principaux (le cadre moyen), des commissaires et commissaires divisionnaires (les officiers). Au bas de l’échelle, un jeune inspecteur de la première catégorie perçoit 23 521 euros brut par an (environ 1 250 euros net par mois, auxquels il convient d’ajouter des primes pour un montant net moyen de 250 euros, soit un net/poche de 1 500 euros), alors que, en catégorie haute, il percevrait 40 804 euros brut/an. Pour les inspecteurs principaux, cette fourchette s’étend de 26 300 à 46 064 euros brut/an, soit un mensuel net de l’ordre de 1 625 euros en catégorie de base,

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