Christine Laurent

Main dans la main

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Promis, juré, il n’y aura d’extension du domaine du conflit. Pas de fureur de classes, encore moins de petites phrases assassines susceptibles d’irriter le PS au point qu’il lui claque la porte au nez.

Dans cette campagne ô combien sensible, le MR, meurtri par des années d’opposition, montrera patte blanche. Motus sur les querelles idéologiques, pas d’anathème contre les « infréquentables » fustigés par Didier Reynders en 2009. Non, juste quelques égratignures, campagne oblige. Objectif : se rabibocher avec le parti d’Elio Di Rupo pour conclure un maximum d’alliances à Namur, Liège, Charleroi et Bruxelles-Ville le soir du 14 octobre, premières marches du grand escalier qui devrait conduire à nouveau les libéraux au pouvoir en 2014, tant en Wallonie que dans la capitale. « Le MR, c’est devenu zéro ambition pour déplacer le centre de gravité politique de la Belgique francophone […]. Il se moule désormais dans la position qu’on a beaucoup reprochée au CDH : il s’est scotché au PS », accuse, un brin énervé, Olivier Maingain dans nos colonnes cette semaine. Jamais en retard d’une formule choc, le président du FDF ! En réalité, Charles Michel avait-il le choix ? Sa base gronde, ses élus rêvent, eux aussi, de devenir ministres avant la Saint-Glinglin ou le moment de prendre… leurs retraites. Marre de rester sur le banc de touche. Ils s’impatientent, ils trépignent. Le flirt avec les « rouches » s’imposait.

D’autant que les socialistes ne bouderaient pas non plus un collé-serré avec les bleus. Les attaques contre le MR ? Mezza voce. Pourquoi pas, en effet, un retour de la sagrada familia autour de la sainte alliance laïque ? Sans ces gêneurs d’Ecolo et du CDH, surtout depuis que Joëlle Milquet a rendu son tablier ? Trop versatiles, trop impulsifs, trop dogmatiques. Alors oui au retour du duo PS-MR, mano a mano. Même si les libéraux doivent en passer par les fourches caudines de l’imperium politique socialiste, et le PS glisser discrètement sous le tapis les revendications de son aile gauche. Et puis libéraux et socialistes ne sont-ils pas à l’unisson sur le dossier sécurité ? C’est ce qui s’appelle avoir une vista, un sens aigu de l’opportunité. Oubliées les bisbrouilles et fâcheries d’hier, même s’il faut s’étriller demain lors de la confection du budget fédéral de 2013. « Ils se lancent des déclarations matamoresques, mais dès qu’ils peuvent copiner dans des majorités, ils retrouvent vite les mêmes réflexes de partage du pouvoir. C’est le côté un peu maquignon du clan Michel. Très peu de conviction, beaucoup d’intérêt pour le pouvoir », fustige encore Olivier Maingain. De fait, c’est décidément une grande force d’être sans mémoire. Surtout quand on aspire à durer et à régner dans notre plat pays.

Oui, mais voilà. La messe n’est pas dite. Loin de là. D’abord, il y a le vote de l’électeur qui, seul, décide. Quels bulletins glissera-t-il dans l’urne dimanche ? Et puis l’imprévisibilité du Grand Timonier, Elio Di Rupo en personne. Bien malin celui qui peut, aujourd’hui, deviner les intentions réelles du Premier ministre. Il n’en souffle mot à quiconque, privilège du prince. Mais c’est lui qui tirera toutes les ficelles du scrutin. Et nul doute que tous lui mangeront dans la main. Le pouvoir n’a pas de prix.

CHRISTINE LAURENT

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