Maggie De Block © HATIM KAGHAT

Maggie De Block: « Les médecins qui veulent gagner beaucoup d’argent feraient mieux de faire autre chose »

Ces derniers jours, pratiquement tout le secteur de santé se plaint des économies que doit réaliser la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Maggie De Block (Open VLD). Pour certains, ses réformes vont beaucoup trop loin, alors que d’autres les trouvent insuffisantes.

Les espoirs suscités par l’entrée en fonction de Maggie De Block ont fondu comme neige au soleil. Un médecin au département tant éprouvé de Santé publique et d’Affaires semblait un cadeau du ciel. Du moins brièvement.

Le dialogue avec les médecins, les dentistes et les kinésistes sur le calcul de leurs honoraires n’est vraiment pas facile.

Maggie De Block: les sujets sur la table sont difficiles. À l’automne, lors des discussions budgétaires, nous avons décidé de ne leur octroyer qu’un tiers de l’indexation. Je comprends qu’ils ne soient pas contents, mais les choses sont ce qu’elles sont. Entre-temps, cette décision a été approuvée par le parlement, et je ne peux plus rien y changer.

En ont-ils pris conscience?

Je pense. Malgré les économies, le budget alloué aux soins de santé continue à progresser. C’est le seul. Cette année, nous dépensons 580 millions d’euros de plus qu’en 2016. Mais les besoins augmentent aussi, entre autres parce que les gens vieillissent et ne meurent plus de maladies autrefois mortelles. Beaucoup de nouveaux médicaments notamment contre le cancer, l’hépatite C et le VIH sont très coûteux et leur remboursement nous coûte très cher. Du coup, il est évident d’économiser en s’attaquant à la surconsommation. Pourquoi en Belgique on prescrit trois fois plus d’antibiotiques qu’aux Pays-Bas alors qu’il y fait aussi froid et humide? On ne peut vraiment plus se permettre ce genre d’excès.

D’après les Mutuelles socialistes, en attendant les nouveaux tarifs, les spécialistes, les dentistes et les kinésistes facturent des suppléments plus élevés. En d’autres termes, le patient est victime de l’absence d’un nouvel accord tarifaire.

Beaucoup de médecins suivent les tarifs convenus, mais il y en a en effet qui s’en moquent. Déjà en octobre, quand le précédent accord tarifaire était encore en vigueur, certains spécialistes demandaient déjà des sommes plus élevées. Nous devons pouvoir identifier ces personnes. Il y a des chirurgiens qui comptent un supplément neuf fois plus élevé que le tarif fixe pour les reconstructions mammaires. Et que se passait-il avant quand on augmentait le remboursement ? Ils facturaient encore plus. À présent, nous avons un accord avec les chirurgiens plastiques qui régulent ce tarif. Si les patients veulent plus d’informations, ils peuvent consulter le site de l’INAMI pour vérifier quels médecins se tiennent aux tarifs convenus.

Certains spécialistes ne risquent-ils pas de pâtir de ces mesures ?

Ceux qui gagnent le plus aujourd’hui, comme les néphrologues, devront effectivement accepter une réduction de leurs honoraires. Cependant, j’ajoute que contrairement à ce qu’on prétend souvent, ils ne gagnent pas des sommes astronomiques, car ils cèdent jusqu’à 90% de leurs revenus à l’hôpital où ils travaillent.

Vous n’allez pas prétendre que les médecins gagnent trop peu?

Quand j’étais Secrétaire d’État à la Lutte contre la Pauvreté, j’ai rencontré peu de médecins dans les statistiques de pauvreté. J’ai été généraliste pendant 25 ans, j’ai toujours respecté les tarifs convenus et je n’ai jamais été pauvre. Mais ceux qui choisissent cette profession parce qu’ils pensent gagner beaucoup d’argent feraient mieux de faire autre chose. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui ce sont les patients, et non les médecins, qui sont les plus vulnérables. Ils sont au centre de ma politique.

Pourtant, 8% des Belges reportent leurs visites médicales pour des raisons financières.

C’est scandaleux. Nous avons instauré un maximum à facturer et un tiers payant qui permettent aux personnes en difficultés financières de ne payer que le ticket modérateur.

Tous les médecins n’appliquent pas ces mesures.

C’est pourtant un droit qu’on ne peut refuser à personne. Mais si les gens reportent les soins de santé, ce n’est pas uniquement parce qu’ils trouvent que c’est trop cher. Pour les enfants jusqu’à dix-huit ans les visites chez le dentiste sont gratuites, mais pourtant tous les parents ne vont pas chez le dentiste avec leurs enfants. C’est également une question de culture.

Pour aider les défavorisés, le professeur en économie de la santé Lieven Annemans propose de supprimer le ticket modérateur pour tous les médicaments et traitements qu’aucun médecin ne prescrira s’ils ne sont pas vraiment nécessaires. Pourquoi ne le faites-vous pas ?

Il y a déjà beaucoup de médicaments pour lesquels il n’existe pas de ticket modérateur ou pour lesquels il est très faible. Le problème n’est pas là. Les calmants comme le Xanax et le Temesta ne sont pas remboursés, et pourtant beaucoup de pauvres les prennent. C’est d’ailleurs en prescrivant ce genre de remèdes souvent inutiles que les médecins poussent leurs patients à la dépense. La Constitution ne stipule d’ailleurs nulle part que tous les médecins doivent être gratuits.

Cependant, la moitié de la population se cabre dès que vous souhaitez changer les prix des médicaments.

Parce que l’opposition lui monte la tête ! Le sp.a continue à prétendre que j’ai rendu les médicaments plus chers, alors que c’est absurde. Si on compte tout ensemble, les prix baissent. Et le PTB est encore pire. Il y a quelque temps, des manifestants de ce parti ont protesté contre la hausse de prix du Pantomed, un remède contre les aigreurs d’estomac. Ma porte-parole a demandé aux patients présents quelle quantité ils utilisaient. Et qu’est-ce qu’on a vu ? La dose dont ils avaient besoin était simplement remboursée. Et qu’est-ce que le PTB a fait ? Quelques heures plus tard, il a écrit sur son site que grâce à son action le Pantomed serait à nouveau remboursé.

Entre-temps, vous travaillez à une grande réforme des hôpitaux. Les hôpitaux belges auront-ils plus de moyens ?

Nos hôpitaux sont sous-financés depuis des années, mais entre-temps ils investissent en opérations spécialisées avec des implants et des appareils qu’ils peuvent à peine payer, et dont souvent ils n’ont même pas besoin. Mais évidemment, il faut amortir ces scanners hors de prix, et donc on les utilise pour des patients qui n’en ont pas besoin. C’est pourquoi la Belgique est championne en opérations du dos, pacemakers, valvules cardiaques et nouvelles hanches. C’est pourquoi nous voulons classer les hôpitaux dans des réseaux : s’ils coopèrent, ils n’ont pas besoin d’acheter tous les mêmes appareils et ils peuvent se spécialiser dans certains traitements.

Il y a un peu plus d’an, vous avez dû renoncer à sanctionner les malades de longue durée s’ils refusent de retourner travailler. Mais aujourd’hui, vous rouvrez ce dossier.

Ces indemnités nous coûtent déjà plus cher que les allocations de chômage : 8 milliards d’euros. Chaque année, ce montant augmente de 7 à 8%. Entre-temps, nous avons relancé des trajets de réintégration, et beaucoup de malades longue durée participent avec enthousiasme. Même des gens qui n’ont plus travaillé depuis trois ans sont ravis qu’on leur cherche un job adapté. C’est logique aussi, si vous avez un trou dans votre CV pour cause de maladie, il est tout sauf facile de postuler.

Si toutes ces personnes sont à ce point enthousiastes, pourquoi les sanctionner?

Parce qu’en Belgique il faut toujours un moyen de pression. Les malades de longue durée qui ne veulent vraiment pas coopérer perdront une partie de leur indemnité. Nous contrôlerons aussi les médecins qui prescrivent les congés maladie. Mais je le répète : les gens vraiment malades, on les laisse tranquilles.

Une grande partie des malades de longue durée souffre d’un burnout. Êtes-vous d’accord avec les gens qui parlent d’un problème surestimé ?

Un tiers des malades de longue durée souffrent d’une affection psychique. Cela peut arriver à tout le monde et nous ne pouvons pas minimiser le problème. Ce qui m’inquiète le plus, c’est que les burnouts se rencontrent aussi parmi de très jeunes gens. À peine au travail, ils n’arrivent plus à combiner leur carrière avec un partenaire, une maison, des enfants, un chat et un chien. Heureusement, il y a des entreprises qui essaient de lutter contre ce problème. Chez Volkswagen par exemple, une demi-heure après être rentrés chez eux, les employés ne peuvent plus accéder à leur boîte aux lettres électronique. Cela les apaise.

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