Thierry Fiorilli

Mafia blues, ou l’image d’une équipe politique en campagne électorale

Thierry Fiorilli Journaliste

Comment l’image d’une équipe politique en campagne électorale, ici celle de Nicolas Sarkozy, révèle la façon de détenir le pouvoir aujourd’hui. Un peu partout.

La photo date du 4 avril. A La Réunion. Nicolas Sarkozy y passe une dizaine d’heures, pour tenter d’y ramasser quelques voix en vue de l’élection présidentielle du 22 de ce mois. Ce qui est pris est pris. Il a emmené (de droite à gauche) Dominique Perben, son ex-ministre des Dom-Tom, Jean-Louis Borloo, leader du Parti radical, Olivier Biancarelli, conseiller, Xavier Bertrand, ministre du Travail, et François Baroin, ministre de l’Economie et des Finances.

Mais sur ce cliché, ce n’est pas une équipe en tournée qu’on voit. C’est une réunion de la Coupole, avec les familles accourues de partout, sauf que les voitures ne sont pas noires, et qu’il y a ce type avec sa veste fluo, au fond, et que l’attitude de celui, au milieu, qui incarne le Parrain des parrains, est trop décontractée – en vrai, le boss aurait repéré le photographe et il ne serait pas resté, là, mains dans les poches, mine railleuse, les yeux rivés sur lui, avec l’air de murmurer : « Regarde-moi cet enfoiré, là-bas, qui nous mitraille comme si on était Monica Bellucci nue sur la Croisette, vire-le moi vite fait. »

C’est un clan qu’on voit là. Le Capo, entouré de son avocat (le grand sérieux à sa droite), son comptable (le petit à lunettes), son plus ancien homme de main promu lieutenant (le costaud hilare), son gendre appelé à lui succéder un jour à la tête de la bande (le jeune un peu en retrait), et un jadis rival rallié depuis peu (celui qui a tombé la veste). Ce n’est pas un groupe soudé par une idéologie qu’on scrute. C’est une bande de soudards en col blanc. Une façon de détenir le pouvoir, souvent, aujourd’hui. Des types (surtout) qui flairent le bon coup, malins, poussés par l’envie juste de gagner, si possible en niquant le rival, le Hollandais, le Polak, le Chinois, le Sud, le club d’en face, la délégation adverse, le gars qui reluque ma place, le mec qui drague ma femme, le salaud qui peut rafler le marché… On voit des deals entre copains, dans cette photo. Des trucs à la Tapie, des ficelles à la Berlusconi, des roulades de muscles à la Bossi. Des pactes entre petites frappes. Des projets pour faire rentrer le fric par wagons, en éliminant tous les obstacles. On entend : « On va leur régler leur compte », « On va leur montrer qui a la plus grosse », « Tu vas voir ce que tu vas prendre ». On lit : « Pour gouverner, la meute est le meilleur moyen désormais. »

C’est le bruit que fait cette image comme piquée de la bande-annonce d’un polar mafieux. Avec la voix en off, celle qui est toujours grave, qui conclut « Quand les bad boys prennent le pouvoir. » Et sur l’écran apparaît : « Actuellement dans nos salles ».

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