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Louvain-la-Neuve : Béatrice recherche ses trois enfants depuis 20 ans

Le sort des enfants disparus pendant le génocide au Rwanda reste un dossier peu évoqué dans les médias. Depuis 1994, Béatrice Mukamulindwa, de Louvain-la-Neuve, ignore si ses trois enfants sont encore en vie ou non. Elle a décidé de créer une association.

Le génocide de 1994 au Rwanda, qui a causé la mort de plus d’un million de personnes, principalement tutsi, a provoqué l’implosion du tissu social. Les familles ont été dispersées, et beaucoup de parents n’ont plus retrouvé leur progéniture. Béatrice Mukamulindwa, de Louvain-la-Neuve, est dans ce cas. Depuis vingt ans exactement, elle est sans nouvelles de ses trois enfants, Alain Flavien (12 ans à l’époque), Aline (11 ans) et Nadège (9 ans), et ne sait donc pas s’ils sont encore en vie ou non.

« Quand l’avion du Président Habyarimana a été abattu le 6 avril 1994, j’étais en Belgique depuis une semaine, raconte cette femme tutsi de 58 ans qui est devenue Belge en 1999. J’avais laissé mes enfants chez mon frère au village de Ntyazo, dans l’actuel district de Nyanza. Je n’imaginais pas qu’il se passerait quelque chose de grave, et je ne craignais rien des voisins. »

Dès le 6 avril 1994, elle cherche à entrer en contact avec ses enfants. Le GSM n’existait pas encore. Avec seulement des lignes fixes et une population qui prend la route de l’exil ou cherche à se cacher dans des lieux plus sûrs, le contact s’est vite avéré impossible. « Comme nous ne pouvions plus rien faire, nous avons attendu la fin du génocide », raconte-t-elle de sa voix douce.

Son mari s’est alors rendu au Rwanda. Mais il n’a pu revoir que le fils du frère de Béatrice, Christian, qui avait 18 mois, et que le couple a aussitôt adopté. Par contre, aucune nouvelle du frère, ni des trois enfants et des deux nièces, ni de la famille élargie. La dame apprendra plus tard la mort de sa belle-soeur, au cours d’une audience de gaçaça, ces tribunaux populaires chargés de juger les acteurs des terrifiants massacres.

Béatrice entreprend alors différents voyages au Rwanda, mais aussi au Congo, et jusqu’au Canada. Avec chaque fois la même réponse : « Nous ne les avons pas vus ». Pas de quoi la décourager, car au fil de ses pérégrinations, elle apprend que des enfants ont été retrouvés, même après plusieurs années. Elle se raccroche aux bribes d’information qu’elle reçoit ça et là. « Abandonner les recherches, alors que mon enfant est peut-être quelque part, dans le dénuement total, je prends plutôt le risque de courir les collines, même sans garantie de résultat positif », raconte Béatrice dans un DVD qu’elle a réalisé.

Aujourd’hui, elle s’est décidée à créer une ONG de droit rwandais, le CCMES, pour Cri du coeur d’une mère qui espère, en espérant rallier toutes les mères qui sont dans la même situation qu’elle, au Rwanda mais aussi dans d’autres pays. « L’objectif sera notamment d’inciter les familles d’accueil à rompre le silence dont elles entourent en général l’origine de l’enfant « accueilli » ou adopté », explique Béatrice, qui garde l’intime conviction qu’au moins un ses enfants est aujourd’hui en vie. En attendant, elle poursuit sa quête, « comme toute maman le ferait », soupire-t-elle.

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