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Louis Michel: « Le gauchisme de Magnette effraie la classe moyenne flamande »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

L’eurodéputé MR dézingue les apprentis sorciers. Le président du PS ? « Du socialisme archaïque, de l’anti-européanisme primaire. » La N-VA? « Une droite très radicale qui capitalise sur un gros bon sens. » Danger.

Le Vif/L’Express : Reynders-Michel : la guerre des clans a-t-elle toujours bien lieu au MR ?

Louis Michel : Question absurde puisqu’elle implique qu’il y ait un problème. C’est tout sauf vrai. C’est un vieux de la vieille qui vous le dit : j’ai rarement connu le parti aussi serein, fonctionnant de manière aussi fluide. Le MR est en ordre de marche et en ordre de bataille, chacun et chacune est à la bonne place. Charles a le parti très bien en main, le courant passe très bien entre le président et le vice-Premier ministre Didier Reynders. Comme tout va bien au MR, il faut qu’on s’agite, qu’on crée des problèmes, que des sans-grades tirent des plans sur la comète.

Sauf qu’à Bruxelles, le leadership du MR crispe : il est convoité par Didier Reynders autant que par Vincent De Wolf.

Il est normal que toute une série de fonctions se retrouvent potentiellement dans le viseur d’un grand parti comme le MR, naturellement candidat à tous les niveaux de pouvoir. Après les élections de mai 2014, le président estimera qui doit aller où, dans l’intérêt du parti et du pays. Point à la ligne.

Pas d’ambitions déplacées de la part de Didier Reynders vis-à-vis de la ministre-présidence bruxelloise ?

Quand j’étais candidat au Sénat, j’ai aussi dit un jour que la fonction de ministre-président de la Région wallonne m’intéressait. Et alors ? Où est le problème ? La présence de Didier Reynders sur Bruxelles est un renfort important. Les autres partis n’ont pas le même type de format. Ma lecture de la situation bruxelloise est très paisible.

Paisible, vous le restez moins dès que le président du PS, Paul Magnette, ouvre la bouche…

Je suis très surpris par le registre archaïque dans lequel Paul Magnette inscrit le PS. Ses propos caricaturaux à l’égard des libéraux, présentés comme défenseurs des riches et écraseurs des petits, sont honteux. Indignes de l’académicien qu’il est. Moi, je respecte le socialisme, je ne caricature pas la pensée socialiste.

Paul Magnette dépasserait-il les bornes ?

En manifestant un anti-européanisme primaire et sommaire, il va trop loin.

Il est donc interdit de critiquer la politique européenne ?

Non, mais pas comme ça ! Pas de façon aussi profondément malhonnête ! Si l’Europe n’existait pas, nous aurions pris un bouillon avec l’euro et nous n’aurions pas le bien-être que l’on connaît, particulièrement en Belgique. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de se montrer nuancé. Taper sur l’Europe dans l’espoir de capter les voix de gens qui vivent dans la peur et l’émotion est un jeu très dangereux. Y compris en Belgique, d’ailleurs : en ressortant les oripeaux d’un socialisme gauchisant comme il le fait, Paul Magnette effraie la classe moyenne flamande.

Y aurait-il davantage « un problème Magnette » qu’un « problème PS » ?

Je ne veux pas, moi, verser dans la caricature. Mais j’entends Jean-Pascal Labille (NDLR : ministre PS des Entreprises publiques) user d’une tonalité très différente, argumenter ses idées de gauche avec une sincérité intelligente et défendre son point de vue d’une manière authentiquement démocratique. Comme quoi, on peut rester courtois dans le débat politique.

Cela étant, entre l’austère devoir du gouvernement que doit assumer le Premier ministre socialiste Di Rupo et le discours du président du parti Paul Magnette, plus personne ne comprend rien : l’écart devient tellement important qu’il finira par poser problème au PS.

Ce Premier ministre socialiste fait-il du bon boulot ?

Il travaille sobrement, investit beaucoup dans la communication, mais ça on le sait. Je n’ai pas de reproches à lui faire. Cela ne se passe pas trop mal au gouvernement fédéral. Nous essayons d’aider loyalement Elio Di Rupo. Avec la conviction que le pays, comme les Régions et les Communautés, ont besoin des libéraux comme de pain.

L’affrontement PS-MR ne serait que de pacotille, alors que la grande alliance rouge-bleue est cousue de fil blanc : le président du FDF Olivier Maingain l’affirme…

Je ne m’arrête pas aux propos du monsieur dont vous parlez ni à son registre électoraliste et à la limite démagogique. L’affrontement entre PS et MR est naturel.

Les coalitions libérales-socialistes vous ont personnellement laissé de bons souvenirs au niveau fédéral…

Je reste très fier d’avoir été le père des coalitions arc-en-ciel et violette (NDLR : gouvernements Verhofstadt I – libéraux-socialistes-écolos puis Verhofstadt II – socialistes-libéraux) de 1999 à 2007. Faire travailler ensemble libéraux et socialistes a permis de casser la fatalité qui ne servait que le CVP et le PS. Cela a aussi permis de montrer que les libéraux n’étaient pas aussi conservateurs et archaïques qu’on le disait. C’était une période enthousiasmante, qui a été mise à profit pour moderniser définitivement les partis libéraux et achever le retour aux sources philosophiques du libéralisme.

La N-VA incarne-t-elle un libéralisme conservateur ?

Non. La N-VA incarne un conservatisme identitaire, nationaliste. Tellement éloigné du libéralisme qui se fonde sur la liberté pour tout le monde, et non sur le repli et le racrapotage. La N-VA c’est une droite très radicale.

Qui flirte avec l’extrême droite ?

Au sein de la N-VA, des gens, y compris des mandataires, croient qu’ils sont dans un parti d’extrême droite. Bart De Wever est un homme habile. La N-VA capitalise sur le gros bon sens qui a précipité beaucoup de pays et de régimes dans le malheur. Caricaturer tout le monde est dans sa nature. La petite classe moyenne flamande trouve dans la N-VA un discours qui correspond à sa revendication émotive. La N-VA instrumentalise la peur du socialisme. Elle capte cette Flandre profonde, travailleuse, qui n’a aucune appétence pour le socialisme. Ce n’est pas un hasard si le parti de Bart De Wever a pu siphonner l’électorat du Vlaams Belang mais aussi celui de l’Open VLD.

L’Open VLD a-t-il fait le lit de la N-VA ?

En quelque sorte, oui. Les libéraux flamands ont donné le sentiment de ne plus être le parti des classes moyennes mais des grandes entreprises. Guy Verhofstadt a fini par faire peur par son côté théoricien qui donnait l’image d’un libéralisme trop intellectuel. En Flandre, le libéralisme doit être aussi beaucoup plus pragmatique. Je suis positivement impressionné par la nouvelle présidente de l’Open VLD, Gwendolyn Rutten. Elle exprime un discours assez vrai, elle est occupée à trouver une ligne.

A l’issue du scrutin de 2014, il se pourrait bien que vous deviez gouverner avec la N-VA, « cette droite très radicale » qui vous inquiète…

Je souhaite que les scores électoraux obtenus par les autres partis flamands puissent l’éviter. Mais on ne peut exclure la N-VA.

Qu’est-ce qui fera encore courir Louis Michel lors du scrutin de 2014 ?

Cela dépendra de mon parti. C’est à lui d’estimer si je puis encore lui être utile, et où je pourrai encore l’être.

Relever le défi wallon vous tenterait ?

La Wallonie m’intéresse beaucoup, elle m’a toujours intéressé. Elle est la clé de ce pays. Y jouer un rôle me plairait. Mais je n’ai pas de plan de carrière. Des envies, ça oui. Et puis cette passion pour la politique que j’ai toujours.

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