Thierry Fiorilli

Liquidation d’une opération marketing sans consistance

Thierry Fiorilli Journaliste

Le mythe ? « C’est un système de communication », soutenait Roland Barthes. Dès lors, le mythe en politique serait un langage de circonstance. D’époque. Ne correspondant qu’à celle à laquelle, ou pour laquelle, il a été créé. Et donc, il décline avec le temps. Jusqu’à trépasser, avec plus ou moins de fracas. C’est l’itinéraire qu’a emprunté le fameux modèle de « la bonne gouvernance flamande ».

Tant vanté il y a moins de dix ans, tant brandi comme étendard de savoir-faire sans équivalent, voilà ce modèle de « la bonne gouvernance flamande » euthanasié en catimini. Parce qu’il s’est soldé par un pitoyable fiasco.

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On l’appelait ViA. Comme « Vlaanderen in Actie ». La Flandre en action. C’était le nom du businessplan socio-économique du gouvernement flamand emmené par Yves Leterme et Kris Peeters. C’était en 2006. Et l’objectif claironné, torse bien bombé, était de placer la Flandre dans le top 5 des régions d’Europe les plus performantes avant 2020. A l’époque, CD&V et N-VA sont en cartel. A ce titre, le parti nationaliste siège dans cet exécutif ultra-conquérant, qui ne considère pas forcément davantage que ses prédécesseurs les francophones incapables de gérer correctement leurs deniers et leurs territoires ; mais qui l’assène beaucoup plus souvent et beaucoup plus fort. La Flandre nage alors dans un océan de certitudes, de surplus budgétaires et d’autosatisfaction. Et avec ce plan, elle va nous donner des leçons de bon management : allègement de l’administration, efficacité des décisions, simplification des règlements, dépolitisation des nominations…

Ça rigole moins aujourd’hui. A peine plus de 10 % des projets promis par ViA ont vu le jour ; la Région n’est que 27e au classement européen des performances ; son déficit s’élève à 560 millions et sa dette directe à 16,6 milliards ; l’Europe dénonce des méthodes de gestion qui frisent le montage budgétaire ; l’administration flamande apparaît comme pléthorique et inefficace ; les nominations politiques s’y multiplient ; l’Etat flamand est mauvais payeur ; et l’état financier de ses communes est catastrophique : il constitue 60 % du déficit des pouvoirs locaux de l’ensemble du pays.

Ce qui était censé consacrer la supériorité flamande n’était en réalité qu’une opération de pur marketing. Sans aucune consistance.

Bref, l’actuel ministre-président, le N-VA Geert Bourgeois, qui siégeait d’ailleurs dans l’équipe Leterme-Peeters à l’époque, vient de liquider ViA, sans tapage mais sous les grimaces des plus éminents experts flamands en finances publiques. Certains n’y allant pas par quatre chemins : ce qui était censé consacrer la supériorité flamande n’était en réalité qu’une opération de pur marketing. Sans aucune consistance.

Pas question pour autant de se réjouir du malheur du Nord. D’autant qu’en la matière, Bruxelles et la Wallonie n’ont pas vraiment de quoi pavoiser. Mais la faillite de la gouvernance flamande démontre que parmi les clichés véhiculés ayant mené nos deux grandes Communautés à se toiser avec toujours davantage de mépris, certains, et non des moindres, n’étaient que mensonges. Intox.

A l’heure où la N-VA, par la voix de l’un de ses fondateurs, Eric Defoort, raille notre dossier de la semaine dernière ( Lire La N-VA en voie de belgicisation), rétorquant que nous aurions dû comprendre qu’en réalité c’est « La Belgique qui est en voie de flamandisation », ce n’est une bonne nouvelle pour personne.

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