Thierry Fiorilli

Limitation des naissances : l’auto-but de Thielemans

Thierry Fiorilli Journaliste

A moins de deux semaines des élections communales, lorsque l’on est candidat (à sa propre succession) aux fonctions de bourgmestre de Bruxelles, admettre que la question « de la limitation des naissances doit pouvoir être abordée » dans la capitale, c’est ce qu’on peut appeler allumer tous les feux sous une montagne de barils de poudre.

Freddy Thielemans, qu’il l’ait voulu ou non, a donc fait très fort, dans le Nieuwsblad et le Standaard de ce lundi. Et sa mise au point, ce matin – «  »Il est essentiel de respecter les libertés individuelles et le choix des familles. Il n’est donc pas question de faire une loi limitant les naissances de quelque manière que ce soit. » – n’y change rien. Au contraire : elle confirme que le maïeur de la capitale de l’Europe a eu la langue trop bien pendue. Philippe Moureaux, PS lui aussi, bourgmestre (à Molenbeek) lui aussi et en campagne électorale lui aussi, avait d’ailleurs, avant le communiqué de Thielemans, saisi la grenade au vol pour la renvoyer aussitôt, via Twitter, assénant que « Dans une société libre avoir un enfant est un droit et une richesse qui ne se négocient pas ». Et l’on peut imaginer sans peine que les autres partis vont tous embrayer, dans un sens ou dans un autre.

La sortie du chef bruxellois est d’autant plus déplorable qu’elle soulève, mal et au mauvais moment, une vraie question. Oui, Bruxelles fait face à une explosion démographique. Oui, les demandes de logement, social ou non, augmentent sans cesse et l’offre est totalement dépassée. Oui, la capitale manque de crèches, d’écoles, de bâtiments, d’enseignants, d’accès aux soins de santé, d’espaces vitaux pour une population de plus en plus multiculturelle et multigénérationnelle. Donc, platement dit : oui, il y a, ou il y aura dans quelques années, « trop de monde » pour la capacité d’absorption de la ville.

Ce débat-là n’embrasse évidemment pas seulement les aspects urbanistiques ou logistiques liés à l’évolution de toute ville. Il aborde aussi, jusqu’ici plus ou moins implicitement, le volet immigration propre à toute métropole. D’ailleurs, dans son interview aux deux quotidiens néerlandophones, Freddy Thielemans souligne que : « Nous avons, à Bruxelles, beaucoup de familles nombreuses comptant sept ou huit enfants. [mais] ce problème, vous le trouverez aussi bien dans les familles musulmanes que dans les familles juives, et même parmi les chrétiens. »

Ce débat – qui dépasse les compétences communales, par ailleurs – impose donc du calme, de la sérénité, de la réflexion, de l’intelligence, sans que l’audace et l’inventivité en soient exclues. Mais certainement pas deux ou trois phrases dans la presse, puis deux ou trois de correctif dans un communiqué. En fin de campagne électorale. Ouvrant du coup, une fois encore, la porte au passionnel et à l’émotionnel. Ce qui est toujours la meilleure façon de dévoyer le débat. Ou, pire, de l’enterrer. Voilà pourquoi il aurait été indiqué que le bourgmestre de Bruxelles se taise, dans toutes les langues, sur cette question.

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